Chronique publiée dans L’actualité du 15 novembre 2008 -
Pierre Trudeau ne reconnaîtrait pas le Parlement fédéral dans lequel son fils Justin se prépare à faire ses premiers pas comme député de Papineau.
Vingt-cinq ans après le départ à la retraite de l’ancien premier ministre libéral, le French Power — ou, en tout cas, ce qu’il en reste à Ottawa — est entre les mains d’une cinquantaine de souverainistes. Et ils sont voués à préserver le visage progressiste du Canada.
Loin de s’en trouver indisposés, bon nombre de Canadiens sont soulagés. Ils voient dans la présence du Bloc québécois dans le 40e Parlement une garantie que leurs valeurs libérales survivront au second mandat de Stephen Harper.
Paradoxalement, le Bloc n’a jamais été aussi légitime dans le reste du Canada qu’au terme de la campagne 2008. Après avoir été la police d’assurance des Québécois pendant 15 ans, il est en voie de devenir celle des progressistes canadiens.
L’histoire retiendra en effet que c’est le Bloc qui a sauvé le mouvement progressiste du Canada d’une défaite écrasante lors du scrutin du 14 octobre. Gilles Duceppe a réussi là où Stéphane Dion, Jack Lay-ton et Elizabeth May ont échoué. Mais elle retiendra également que Gilles Duceppe a remporté les deux tiers des sièges du Québec en promettant aux Québécois de se battre pour une vision de la justice sociale dans laquelle Pierre Trudeau se serait reconnu.
À ce titre, le vote du 14 octobre s’inscrit davantage dans la logique du cassage du moule fédéraliste-souverainiste en cours au Québec depuis quelques années que dans celle d’un pas en avant dans la longue marche vers la souveraineté.
On n’est pas ici devant un de ces retours de balancier qui ont toujours ponctué le débat national québécois dans le passé. Au contraire, si le Bloc québécois n’avait pas mis son discours souverainiste en veilleuse pendant la campagne fédérale, il se dirigeait vers une défaite aussi cinglante que celle qui a été infligée au Parti québécois en 2007.
Dans les faits, Gilles Duceppe a réussi à occuper, sur le plan fédéral, le terrain sur lequel Jean Charest s’est progressivement installé, sur la scène québécoise, depuis le dernier scrutin.
Contrairement à Pauline Marois, le chef du Bloc était à la tête de la seule formation fédérale susceptible d’endiguer la montée de la droite conservatrice au Québec. Et il a réussi (avec l’aide du chef conservateur lui-même) à rendre Stephen Harper beaucoup plus menaçant que Mario Dumont ne le sera jamais — surtout dans l’état actuel de l’ADQ.
Sous le couvert d’un score final peu remarquable au Québec, le Parti libéral du Canada a lui aussi délaissé ses vieux dadas à l’occasion de ce scrutin, pour commencer à s’inscrire dans un paradigme québécois davantage axé sur la lutte entre progressistes et conservateurs.
À l’issue de la campagne, libéraux et bloquistes ne sont plus autant les frères ennemis d’hier que les alliés ponctuels de demain. On l’a vu aux débats des chefs, où Gilles Duceppe et Stéphane Dion se sont entendus comme larrons en foire pour contrer Stephen Harper. Ils rentrent aux Communes avec le mandat de mener le même combat.
Cela explique pourquoi, contre bien des attentes, les Québécois n’ont pas rejeté Stéphane Dion le 14 octobre. Les sondages ont révélé qu’il avait été le grand gagnant du débat en français. Et en bout de course, le Québec a été la seule province, avec Terre-Neuve, où le vote libéral a nettement augmenté.
Mais le chef du PLC n’a pas passé la rampe dans le reste du Canada. S’ils veulent ramener leur parti dans l’antichambre du pouvoir, les libéraux ne peuvent pas faire l’économie d’une campagne au leadership et d’une réflexion sérieuse sur leurs orientations. Dans la coquille vide qu’est devenu le PLC, l’absence québécoise n’est qu’un problème parmi beaucoup d’autres.
Selon toute vraisemblance, le Parti libéral a atteint son plancher dans le vote populaire le 14 octobre, mais le NPD, lui, s’est heurté à un plafond. Malgré ses meilleurs efforts, il ne réussit toujours pas à franchir la barre des 40 sièges. Le Parti conservateur et les verts ont davantage profité de l’érosion du vote libéral que Jack Layton. Et aujourd’hui, comme il y a 20 ans, le théorème qui veut que plus le NPD est fort, plus les conservateurs sont gagnants, est encore valable.
Sans le Québec, il n’y aura pas de gouvernement progressiste de sitôt à Ottawa. Mais si les libéraux, le NPD et les verts s’entêtent à s’empêcher les uns les autres de coaliser le vote progressiste dans le ROC, le Canada aura besoin du Bloc pour encore bien longtemps.
Les néofédéralistes Québécois (sic)
À l’issue de la campagne, libéraux et bloquistes ne sont plus autant les frères ennemis d’hier que les alliés ponctuels de demain.
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