Le verrou dans la Loi 101

Rayez la loi 101, vous avez 100 000 personnes dans la rue immédiatement, et l'appui à la souveraineté grimpe à 70%.

Loi 104 - promotion du bilinguisme



La loi 101 est au nationalisme québécois ce que la Charte canadienne des droits est au nationalisme canadien. Un acte fondateur moderne. Un rare morceau législatif qui définit un peuple.



Par une ironie de l'histoire, ce geste d'affirmation nationaliste est aussi devenu un argument fédéraliste: la loi 101 est possible dans le Canada. Pourquoi diable se séparer si la survie et l'épanouissement du français sont possibles?
Rayez la loi 101, vous avez 100 000 personnes dans la rue immédiatement, et l'appui à la souveraineté grimpe à 70%.
De quelle autre loi peut-on en dire autant?
Dans cette loi, la pièce centrale est la langue d'enseignement. L'affichage unilingue français a une valeur symbolique importante, beaucoup moins maintenant qu'il y a 30 ans.
Mais la disposition qui envoie les immigrants obligatoirement à l'école française, elle, n'est pas négociable pour l'immense majorité des Québécois. La Cour suprême en a heureusement confirmé la validité l'an dernier.
C'était capital il y a 30 ans, ça l'est encore plus évidemment aujourd'hui, vu que l'augmentation de la population vient de l'immigration.
Depuis la loi 101, le pourcentage des élèves qui fréquentent l'école française au Québec est passé de 83,4% à 89,2%.
Malgré la francisation des immigrants à l'école, le poids démographique du Québec dans l'ensemble du Canada ne cesse de diminuer. Et le poids total des francophones au Canada, qui s'assimilent largement hors Québec, est passé de 29% en 1951 à 22,9% en 2001.
Il y a donc une sorte de consensus sur la nécessité d'imposer le français aux enfants des nouveaux arrivants qui s'installent au Québec, et qui fréquentent une école publique ou partiellement subventionnée.
La Charte canadienne des droits et libertés (article 23) garantit l'enseignement en anglais (ou en français) aux enfants qui ont étudié dans cette langue où que ce soit au Canada. Le but est de maintenir les droits linguistiques partout dans le pays. On sait que pour le Québécois qui s'en va en Colombie-Britannique, il est plus difficile de trouver une école française que pour l'anglophone de cette province qui fait le trajet inverse, mais qu'importe, ainsi va ce droit linguistique.
Voilà que cet article vient de servir à faire ce qu'il n'était pas censé faire: permettre aux nouveaux venus de contourner l'interdiction de fréquenter l'école anglaise au Québec. On a expliqué le truc: une année dans une école entièrement privée, et hop, on rejoint l'école publique et on obtient les mêmes droits qu'un Anglo-Québécois.
Bien sûr, cela ne touche que peu de gens: moins de 1,5% des élèves de l'école anglaise ont utilisé ce stratagème. Cela donne tout de même 8842 enfants depuis 30 ans. Et les chiffres augmentent énormément.
Que ce nombre soit petit ou grand, au fait, ne devrait pas changer le principe: ces gens utilisent la Constitution pour autre chose que ce qu'on avait pensé initialement. Et, encore une fois, ce contournement est ouvert à ceux qui sont prêts à en payer le prix (plusieurs milliers de dollars, parfois 10 000$).
Une fois ce système officiellement implanté, on peut imaginer facilement que les voies de contournement se multiplieront, et que ces chiffres iront en augmentant. On a vu des écoles avoir 10 fois moins d'élèves en deuxième année qu'en première. Cherchez l'erreur.
Il n'y a pas que les immigrants qui veulent l'utiliser, il y a aussi des francophones, qui ont perdu le droit d'envoyer leurs enfants à l'école publique anglaise - rien n'empêche quiconque de donner une éducation entièrement privée en anglais à ses enfants: ce n'est simplement pas censé donner un droit linguistique transmissible.
C'est évidemment une contrainte. Mais si nous voulons survivre comme peuple français, il faut se donner certaines contraintes. On joue carrément ici avec l'avenir du fait français au Québec.
Faire sauter le verrou du choix de l'école au Québec, ce serait plus que menacer la paix linguistique. Ce serait, pour une majorité, remettre en question immédiatement la place du Québec dans ce pays.
Le jugement divisé de la Cour d'appel, mercredi, ne va pas si loin, mais il ouvre une brèche de manière injustifiée.
Pour ce qui est du juge Allan R. Hilton, certains lecteurs m'ont reproché de l'avoir «attaqué».
Je suis en désaccord avec son jugement et je l'ai dit. J'y vois un ton militant et un raisonnement insatisfaisant. Mais ce n'est que mon opinion.
Je ne dis pas qu'il n'a pas «le droit» de siéger dans un dossier linguistique. Je dis que c'est contestable. C'est un pensez-y bien. Représenter Alliance Québec jusqu'en Cour suprême, comme il l'a fait, ce n'est pas comme défendre la Banque Nationale. La composante politique symbolique est lourde. Cela vous marque.
Je maintiens que la formation aurait dû compter cinq juges, vu l'importance de la question. Ne comptant que trois juges, la présence du juge Hilton, détenant le tiers des voix, ressort davantage. La SSJB, on n'est pas surpris, n'a pas manqué de s'en servir pour miner la crédibilité et l'impartialité de la Cour. Même si l'attaque était exagérée, le travail du juge en chef est de prévoir ce genre de réaction et d'y parer. Il ne l'a pas fait.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé