Le vent est au changement

Le changement peut parfois représenter un nouvel élan. Mais hélas, de toute ma vie, je n'ai jamais vu personne faire du neuf avec du vieux. Et François Legault est un vieux politicien.

CAQ - c'est parti


Ma grand-mère Marie-Louise avait l'habitude de dire: plus ça change, plus c'est pareil. Elle n'avait pas tort. C'est à elle que je pensais lundi matin dernier, en regardant la conférence de presse de François Legault qui annonçait la naissance de la CAQ. Juste le nom n'a pas de bon sens, imaginez le reste.
Cet homme qui promet «du changement» s'est présenté dans le même costume classique et bien cintré que le jour où il a fait ses adieux à l'Assemblée nationale du Québec il y a des années, prétextant qu'il devait se retirer pour aller élever ses enfants. Il avait aussi la même coupe de cheveux malgré les années qui ont passé et pas une once de charisme de plus que quand il a quitté la vie publique.
Cet homme, malgré le fait qu'il ne peut pas prétendre être un néophyte sans expérience en politique, n'a rien appris de ses expériences. C'est flagrant dans la démarche qu'il entreprend. Il vient de fonder un parti politique, une «coalition de fédéralistes et de souverainistes» à qui il propose dix ans de trêve sur le motif qui fait que ces gens ont choisi d'être actifs sur la scène politique. UNE COALITION!!! Une autre!
Si François Legault pense avoir inventé le bouton à quatre trous avec sa coalition, je voudrais lui rappeler l'existence d'un autre parti, et pas le moindre, qui a vu le jour sous la direction de René Lévesque et qui était aussi un parti de coalition. Il l'est toujours, d'ailleurs. De peine et de misère. La raison profonde de tous les déchirements et de toutes les chicanes au Parti québécois, ce n'est pas et n'a jamais été la capacité du chef à mener ses troupes, ça a toujours été la grogne de certains «coalisés» qui voyaient leurs rêves et leurs convictions piétinés par d'autres «coalisés» plus à gauche ou plus à droite et qui n'arrivaient que rarement à trouver «le juste milieu» confortable. Beaucoup des insatisfaits ont claqué la porte parce que la coalition était devenue insupportable.
Pourtant, les péquistes avaient, pour garder les «coalisés» ensemble, une colle formidablement efficace: le désir d'avoir enfin un pays digne de ce nom et d'y arriver sans violence et sans rupture avec le reste du Canada. Il y avait de quoi tenir du monde occupé. Même ça, ça n'a pas suffi.
Le Parti libéral n'est pas une coalition. C'est le rassemblement de gens qui partagent tous la même foi et qui ont surtout une foi aveugle dans le pouvoir. Quand on se penche sur son passé, on découvre que ce parti n'a pas toujours été une machine à fabriquer de l'argent ou des premiers ministres, mais ce temps est bien révolu.
François Legault, s'il arrive à mener son projet de coalition à terme, aura fabriqué une machine à querelles. Au contact régulier des uns avec les autres, les fédéralistes vont retrouver leur mépris des souverainistes, et les souverainistes, leur méfiance envers ces dépendants chroniques à Ottawa... Dans 10 ans, le champ de bataille ne sera pas beau à voir. C'est inévitable. Ou alors ils seront tous devenus des robots sans opinion sur rien.
Le chef de la CAQ a présenté une sorte de feuille de route en 20 points dont on sentait que les derniers avaient été ajoutés au dernier moment, quand M. Legault a réalisé que les Québécois étaient inquiets devant les révélations sur la corruption qu'ils vivaient chaque jour. Malgré les mois consacrés à la consultation de la population, il n'a pas abordé plein de sujets importants, comme l'environnement, qui tient tant à coeur aux Québécois. Il a plutôt insisté sur les compressions qu'il souhaiterait faire chez Hydro, dans les soins de santé et dans les commissions scolaires, des sujets chers aux politiciens de droite.
La dernière fois qu'on a parlé de tout ça, ça s'appelait la «réingénierie de l'État» et ç'a mené au démembrement du ministère des Transports, qui a ainsi perdu ses travailleurs les plus qualifiés qui sont allés servir l'entreprise privée avec les résultats qu'on découvre maintenant. Coupez, coupez... ce n'est pas toujours un changement pour le mieux.
Changer pour changer, c'est la maladie de l'heure. Et c'est aussi un leurre. Le Québec y a mordu le 2 mai dernier. Ce jour-là, le Québec a changé sa représentation à Ottawa. Il était fier de son coup, Harper allait en manger toute une. C'est le matin du 3 mai, quand le Québec a ouvert les yeux, qu'il a constaté que c'était les Québécois qui allaient en manger toute une. C'est déjà commencé. Chaque semaine, Ottawa nous rentre dedans avec de petites et de grandes décisions qui nous heurtent et vont souvent à l'encontre de nos valeurs profondes sans que nous puissions vraiment nous défendre.
Le changement peut parfois représenter un nouvel élan. Mais hélas, de toute ma vie, je n'ai jamais vu personne faire du neuf avec du vieux. Et François Legault est un vieux politicien.


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