Depuis qu'il a fondé la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ), François Legault a fait des efforts presque caricaturaux pour échapper aux étiquettes traditionnelles.
La lassitude constitutionnelle aidant, il a assez bien réussi à mettre la question nationale tantôt derrière lui, tantôt devant, même si la réalité avec laquelle tous les gouvernements du Québec ont dû composer finira par le rattraper un jour ou l'autre. De façon plus immédiate, les négociations en vue d'une éventuelle fusion avec l'ADQ lui posent le défi d'éviter d'être défini comme un homme de droite.
Jusqu'à présent, son positionnement a été suffisamment ambigu pour que le quart des électeurs du PQ et de Québec solidaire se disent prêts à l'appuyer, selon un récent sondage Léger Marketing-Le Devoir.
Cela pourrait cependant changer si un doute était semé sur son engagement jusqu'à présent inconditionnel en faveur d'un système de santé résolument public, qui demeure une ligne de partage fondamentale de l'opinion publique québécoise. En 2003, la peur de voir s'instaurer une «médecine à deux vitesses» avait très lourdement plombé la campagne de Mario Dumont. Simplement entrouvrir la porte pourrait être funeste à la CAQ.
Ceux qui, à l'ADQ, se meurent d'envie de se joindre à lui guettent désespérément un signe qui leur permettrait de sauver la face et de faire valoir aux militants adéquistes qu'il y a moins une trace de leur ADN dans la plateforme de la CAQ.
Hier, M. Legault a déclaré qu'il ne négocierait pas avec l'ADQ sur la place publique, ajoutant toutefois qu'il n'était «pas dogmatique». Tout en réitérant que le secteur privé n'a pas sa place en santé, il a évoqué spontanément la possibilité de «projets pilotes dans les prochaines années», une idée qui circule depuis un bon moment dans les cercles adéquistes.
Dans la longue liste des «on verra» qu'il a nous a servis au cours de cette bizarre conférence de presse, celui-là pourrait être le plus déterminant pour l'avenir.
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Une autre idée fétiche de l'ADQ, le bon de garde de 100 $, qui avait été vertement critiqué parce qu'il risquait d'inciter les femmes à demeurer au foyer, pourrait faire partie des «sujets qui vont s'ajouter» à la liste, a indiqué M. Legault.
Un mariage avec l'ADQ, sous une forme ou une autre, présenterait l'indéniable avantage d'assurer rapidement à la CAQ une présence à l'Assemblée nationale, avec les avantages financiers que cela comporte, mais son chef a d'autant moins intérêt à éveiller la méfiance de l'électorat progressiste que ces quelques concessions ne suffiront pas à rallier les adéquistes «purs et durs» qui le trouvent beaucoup trop interventionniste.
Le premier ministre Charest a raison de souligner le caractère improvisé et irréfléchi de certaines de ses propositions. Manifestement, M. Legault a ressenti le besoin de combler le vide de son plan d'action au chapitre de l'intégrité, mais comment un commissaire à l'intégrité de la vie publique relevant de l'Assemblée nationale pourrait-il chapeauter l'Unité permanente anticorruption, qui relève, elle, du ministère de la Sécurité publique?
M. Legault en a également étonné plus d'un en laissant entendre que la clause «nonobstant» pourrait être utilisée pour soustraire le Québec aux dispositions de l'article 23 de la Charte canadienne des droits, alors qu'elle ne peut pas s'appliquer à cet article.
Le chef de la CAQ a voulu voir dans le nouveau logo de son parti une illustration de sa capacité à rassembler des gens de couleurs politiques différentes, mais l'impression visuelle qui s'en dégage est plutôt celle d'une mauvaise mise au point. En ce sens, il reflète très bien son programme.
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Cela faisait des mois que tout le monde attendait le lancement officiel de ce nouveau parti. M. Legault a dit ressentir la même «exaltation» qu'il y a vingt-quatre ans, quand le premier avion d'Air Transat a décollé, mais cette exaltation n'était pas très contagieuse hier matin au Palais Montcalm.
Au-delà des clichés sur le changement, l'amour du Québec, la fin de l'immobilisme et la nécessité d'avoir «les meilleurs hommes dans la même équipe», M. Legault a répété pour l'essentiel ce qu'il a égrené depuis six mois.
Pour le reste, les «orientations claires» de la CAQ demeurent singulièrement nébuleuses. Est-il avantageux pour le Québec d'appartenir à la fédération canadienne? Ça dépend. Quelles seront à terme les demandes du Québec? On verra. Quant à ses positions en matière d'environnement, on les connaîtra «au cours des prochains mois».
Le plan d'action ne constitue pas le programme complet du nouveau parti, mais il «en constitue le coeur», explique-t-on. Il s'agit là d'une démarche assez singulière pour un parti politique. Généralement, les membres se réunissent en congrès pour adopter un programme qui en définit notamment les valeurs et les objectifs, dont s'inspirera éventuellement la plate-forme.
À la CAQ, on procédera à l'envers. Les membres élaboreront le programme en fonction du plan de M. Legault. Cette nouvelle façon de faire lui a peut-être été inspirée par son expérience au PQ. Dans ce cas, c'est tout vu.
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