Une amie m'a récemment offert le livre de Jean-Philippe Demont-Pierot qui a pour titre Total(e) impunité (Res publica, 2010) en me disant: «Il faut que tu lises ça.» En le feuilletant rapidement, j'ai compris qu'il s'agissait d'un livre sur la compagnie Total, cette première entreprise française, comme l'auteur l'explique dès le début du livre, avec sa capitalisation de 100 milliards d'euros et des bénéfices de 13,9 milliards d'euros en 2008, présente dans 130 pays du monde... Total fait dans le pétrole. J'ai mis le livre de côté pendant quelque temps, le temps de terminer celui que j'avais en marche à ce moment-là. Mais il n'était pas loin et quand je l'ai repris, j'ai compris ce que l'auteur a voulu faire.
Le livre commence en fait le soir de l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française en 2007. Le tout nouveau président, ce soir-là, reçut le coup d'encensoir du peuple français en plein air, mais se hâta de quitter la foule car il avait un rendez-vous important au restaurant Le Fouquet, avenue des Champs-Élysées, où 55 des puissants fabricants de «leaders internationaux» l'attendaient pour faire la fête avec lui.
Parmi les 55 invités triés sur le volet, il y a des acteurs, des vedettes, des people et d'autres plus discrets, dont Sarkozy sait bien que sans eux il ne serait pas président de la France. Les deux plus puissants sont un Belge et un Canadien: le Belge est Albert Frère et l'autre, le seul et unique Paul Desmarais. L'auteur explique qu'ils sont amis et associés et qu'ils sont puissants, très puissants. Ils seraient au coeur des politiques financières, économiques et industrielles de nombreux pays... Ils ne décident pas, explique-t-il, ils SONT la décision. Pour la France, la Belgique, le Canada, l'Europe...
Si, comme moi, la perspective du forage dans le golfe du Saint-Laurent vous dérange, si le Plan Nord vous a déjà permis de comprendre que quelqu'un quelque part va s'en mettre plein les poches mais que le pactole n'enrichira pas les Québécois qui sont pourtant propriétaires de ce que le sol contient, si vous devinez déjà que Paul Desmarais ne risque pas de voir un puits de gaz de schiste sur son terrain privé devant sa maison, vous aurez du plaisir à lire le livre Total(e) impunité et à comprendre un peu mieux que le seul objectif des très riches, c'est de le devenir encore plus et d'acquérir par la force de leur argent des pouvoirs de contrôle sur à peu près toutes les décisions qui concernent nos sociétés et que s'empressent de prendre ces politiciens que les riches et puissants s'assurent de garder en poste aussi longtemps qu'ils servent leurs intérêts.
L'auteur affirme dans son livre, au sujet du pouvoir de Paul Desmarais, qu'«il n'existe pas un premier ministre canadien qui n'ait été désigné sans son aval. Certains disent qu'il les choisit et les met en scène, leur fabriquant un destin. Farouchement réactionnaire, il déteste les indépendantistes, les socialistes, les Québécois, le général de Gaulle».
On sait que Nicolas Sarkozy a séjourné chez les Desmarais. Il a raconté à quel point Paul Desmarais avait été une inspiration pour lui. En remerciement, le 15 février 2008, le président de la France a remis la grand-croix de la Légion d'honneur à son grand ami canadien.
Mardi dernier, dans La Presse, le journaliste Louis-Bernard Robitaille écrivait, peut-être sans le savoir, la suite du livre Total(e) impunité. Il racontait en effet que le président Sarkozy avait remis la Légion d'honneur à Jacqueline Desmarais, «grande amie de la France et grande dame des arts qui a mis sa vie au service du beau et du bien».
L'article nous apprend aussi que pratiquement toute la famille avait fait le voyage à Paris pour l'événement: l'honorable Paul Desmarais, C. P., C. C., président du comité exécutif de Power Corporation du Canada, ses enfants: Sophie, Paul fils O. C., et André O. C. Plusieurs petits-enfants étaient également présents. Parmi les amis du couple, dont on mentionne la présence et qui avaient fait le voyage, il y avait Lucien Bouchard (ex-premier ministre du Québec et défenseur des gaz de schiste), l'ancien ministre Serge Joyal et Luc Plamondon. Parmi les Français, l'article mentionne Martin Bouygues, le grand patron de TF1, la première chaîne de télé privée en France et un géant des travaux publics.
Si Nicolas Sarkozy dure encore un certain temps à la tête de la France, il devra sans doute remettre la Légion d'honneur aux autres membres de la famille Desmarais. Ça permettra de mesurer son attachement à la famille Desmarais.
Aucun danger que le président de la France remette la Légion d'honneur aux indignés qui se les gèlent sur les places publiques à travers le monde. On ne donne pas ça à n'importe qui. Il faut que ce soit mérité.
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