Depuis qu'il est devenu chef du Parti libéral du Québec (PLQ), il y a huit mois, Philippe Couillard n'a pas eu de véritables crises sur les bras et il semblait relativement au-dessus de ses affaires, sauf quand il a eu à expliquer pourquoi il avait tu la descente de police au quartier général de son parti.
En moins d'une semaine, il a toutefois réussi à faire naître un sérieux doute dans l'esprit de ceux qui le voyaient, un peu vite peut-être, remplacer bientôt Pauline Marois au poste de premier ministre, créant le désarroi au sein de son caucus.
Il y a d'abord eu la sortie de la députée Fatima Houda-Pepin, perçue comme une rebuffade publique à l'autorité du chef. Pourtant, M. Couillard a dû réintégrer Mme Houda-Pepin dans son caucus sans même obtenir le début des excuses exigées. Dans l'épisode, il a paru déstabilisé et incertain.
Du coup, ce sont les libéraux qui se sont retrouvés embêtés avec le projet de charte de la laïcité, soulageant le gouvernement de ce poids.
Rebelote la semaine dernière, cette fois sur la question de l'atteinte du déficit zéro. Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, était convoqué par les partis de l'opposition devant un comité parlementaire, c'était à lui de s'expliquer, pas à ses interrogateurs. En une phrase, c'est plutôt le chef du PLQ qui s'est retrouvé sous les projecteurs, s'avançant maladroitement sur un plan de retour à l'équilibre beaucoup plus long. Il a fallu l'intervention subséquente de trois députés pour rectifier le tir. Quel cadeau pour le gouvernement Marois!
M. Couillard a certainement raison de dire qu'il est irréaliste de viser le déficit zéro dès l'an prochain, mais ce n'est pas à lui de subir la pression pour le report d'une promesse... péquiste! Politique 101.
On dirait qu'on assiste encore une fois, avec Philippe Couillard, à une manifestation du syndrome «NRFPT» (Not ready for prime time), expression sportive et politique anglaise qui signifie qu'un candidat, même très talentueux, n'est pas encore prêt à se hisser au sommet sous les feux de la rampe.
Les exemples de victimes de ce syndrome sont légion, nous rappelant que c'est pas parce qu'on est porté par une vague à un moment donné qu'on sait nécessairement nager.
Ces exemples d'éclopés politiques rappellent aussi qu'on ne s'improvise pas chef, encore moins premier ministre, que l'expérience s'acquiert souvent au fil des crises et qu'il faut du temps pour être prêt.
Souvent précédés de sondages canons et de grandes promesses, les victimes du syndrome NRFPT déçoivent une fois en selle, rattrapées par leur inexpérience ou par la méconnaissance de leur parti ou par l'empressement de prendre le pouvoir.
Ce fut le cas, notamment, du prédécesseur de Philippe Couillard, Jean Charest, porté par un tsunami apparemment irrésistible en 1998, lorsqu'il a quitté Ottawa pour devenir chef du PLQ à Québec.
On connaît la suite: Lucien Bouchard l'avait pris de vitesse en déclenchant des élections quelques mois seulement après son arrivée et M. Charest, visiblement dépassé, n'a jamais pu compenser son manque de préparation par son expérience et sa notoriété. Il avait avoué, des années plus tard, qu'il n'était pas prêt pour cette élection hâtive. Les cinq années qui ont suivi lui ont permis de maîtriser les dossiers prioritaires au Québec, d'apprivoiser son nouveau parti et de prendre du coffre à l'Assemblée nationale.
Le temps pourrait aussi jouer en faveur de Philippe Couillard. Pas question ici d'attendre cinq ans, mais le chef libéral devra évaluer la possibilité, le printemps prochain, de faire survivre le gouvernement, question de gagner en expérience.
L'histoire politique est remplie de«futurs premiers ministres» sur papier, dans des sondages préélectoraux favorables, qui ne se matérialisent toutefois pas le jour J. André Boisclair, Mario Dumont, François Legault, Michael Ignatieff au fédéral ont tous cru, sur la base de sondages, qu'ils y arriveraient.
Il y a là une leçon pour Justin Trudeau, qui, lui, a encore deux ans pour se préparer. Ce n'est pas trop, deux ans, surtout quand on traîne la réputation de surfer sur sa notoriété.
Des exemples à suivre
Si on pense à Jean Chrétien, on se rappelle surtout son caractère bouillant, sa combativité, ses bourdes aussi, mais on réalise également qu'il s'est hissé, envers et contre tous, au poste de premier ministre et qu'il y est resté plus de 10 ans.
La route pour y arriver, toutefois, n'aura pas été jonchée de pétales de roses. M. Chrétien a traversé un long désert et il a dû manger ses croûtes pendant des années dans le rôle ingrat de chef de l'opposition.
Le parcours de Stephen Harper, aussi, est remarquable de patience et de persévérance. Morceau par morceau, il a bâti, d'abord son nouveau parti, puis son programme politique.
Lucien Bouchard, lui, figure parmi les rares exemples de chefs qui ont réussi à satisfaire les énormes attentes placées en lui, mais il faut dire qu'il est arrivé au pouvoir sans devoir subir le test d'une élection.
À l'inverse, certains aspirants premiers ministres, même expérimentés, se cassent le nez sur la porte de leurs ambitions. Le bagage d'expérience n'est pas nécessairement un gage de succès pour le voyage vers les sommets, parlez-en à Paul Martin ou à Stéphane Dion...
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