Le SPQ Libre : histoire d'une mort annoncée

PQ et SPQ-Libre

Mes doutes , mes constats
D’emblée, le dis: j’ai été membre du SPQ Libre. J’ai aussi soutenu la candidature de Pierre Dubuc lors de la dernière course à la chefferie du PQ, un homme de contenu. Concernant le PQ, j’étais plus que satisfait de sa décision de faire en son sein la promotion des clubs politiques, lors du Congrès de 2005.
Toutefois, je me suis senti rapidement mal à l’aise comme membre du club, pour plusieurs raisons :
• la tendance syndicaliste y était nettement dominante, laissant peu de place à la gauche associées à d’autres milieux;
• la sous représentation du membership des femmes (à vu d’œil, du 1 pour 3);
• le peu de débat interne, du moins au niveau des membres de la base;
• l’omniprésence de la direction;
• la présence d’ex-dirigeants des cols bleus de la Ville de Montréal dont les agissements sont en porte-à-faux avec mes valeurs de gauche;
• la fâcheuse habitude de « laver le linge sale » via les médias.
Pour ces raisons, j’ai ne n’ai pas renouvelé mon adhésion. Mais j’ai continué à lire L’aut’journal, notamment les articles de Pierre Dubuc et Marc Laviolette, dont les analyses sont toujours étoffées et souvent pertinentes.

J’étais pour la création de clubs politiques au sein du PQ, et je le suis toujours. Le Parti socialiste français, par exemple, autorise la création de tendances organisées, justement pour permettre au parti d’approfondir diverses questions, tout en assurant une plus grande participation démocratique des militants aux débats. J’ai donc pris ma carte de membre du SPQ, certain que d’autres clubs allaient se constituer. Ce ne fut pas le cas. Y a-t-il eu des tentatives qu’on aurait éliminées du revers de la main? Bernard Landry a répondu à cette question, lundi dernier : deux autres clubs ont effectivement failli voir le jour : un qu’il a qualifié de « plus à droite », et un autre sur l’environnement. La nouvelle direction du parti, suite au départ de Landry, aurait étouffé dans l’œuf ces deux tentatives. J’ai certes grincé des dents lorsque j’ai lu cette nouvelle, mais en même temps, je ne me suis pas senti révolté par ce le choix des délégués d’exclure le SPQ à 95%. En y réfléchissant bien, j’ai compris pourquoi. Ceci dit, il n’en reste pas moins que je considère le geste inélégant.

Le problème majeur avec le SPQ ne relève pas en soi des raisons qui m’ont amenées à ne pas renouveler mon adhésion, même si je les juge importantes. L'essence même de ce problême m’est apparu un peu plus tard, lorsque j’ai compris que le SPQ faisait de « l’entrisme », comme l’ont fait à une certaine époque des militants d’extrême-gauche en investissant le NPD, avec le résultat qu’eux aussi ont un jour connu l’expulsion. Et cet « entrisme » s’est concrétisé par un travail de fraction de la part du SPQ. Les déclarations parfois intempestives sur la place publique des deux dirigeants les plus en vue du SPQ en font foi. À mon avis, l’erreur du PQ de 2005 a été de ne pas baliser l’action de ces clubs. Par exemple, on peut être membre du SPQ, sans pour autant être membre du PQ, ce qui à mon sens confirme l’idée d’entrisme dont je viens de faire état. Par ailleurs, le SPQ a son propre système de financement (ses membres), ce qui le rend autonome. Et il est légalement constitué en OBNL, totalement et absolument indépendant. Que ceux qui en doutent aillent consulter le site de l’Inspecteur des institutions financières du Québec. C’est assez particulier, merci. Les militants de Québec solidaire comprendront : ce qu’a fait le SPQ, c’est comme si l’UFP ou Option citoyenne avaient décidé d’adhérer au PQ, en tant que clubs. Poussons l’absurde un peu plus loin : imaginons un think tank ultra libéral du genre Institut économique de Montréal devenir un club du PQ. Ayoye.
Pauline Marois vient de mettre un terme à une expérience qui, si elle avait été préalablement réfléchie et balisée, aurait pu s’avérer drôlement intéressante pour le parti. Participer aux travaux d’un club aurait permis à bien des militants de participer à la vie démocratique du parti. Mais au lieu de rectifier le tir en balisant le tout, on a plutôt choisi d’éradiquer « le mal » publiquement, sans proposer d’alternative.

Je rêve en couleur : le PQ avec des clubs orientés sur l’environnement, la convergence souverainiste, le rôle des régions dans un Québec indépendant, les politiques sociales, la question identitaire, l’économie, l’éducation, etc. aurait été un modèle de parti de masse. Les positions de ces clubs auraient été diffusées aux membres, ce qui aurait alimenté le débat. La direction du parti en aurait profité, les Conseils nationaux et le Congrès itou. Selon les thèmes abordés lors des Conseils nationaux, chaque club aurait pu contribuer. Aux délégués de décider de ce qui doit être retenu. Un seul bémol : ces clubs auraient dû être créés à l’intérieur du parti, par les membres eux-mêmes, en fonction d’intérêts communs, ce qui n’a rien à voir avec le fait d’accepter en son sein une organisation établie et constituée légalement. Pas de parti dans le parti, un point c’est tout.
Pour moi, un club politique est un espace de discussion et de réflexion qui argumente, propose, recommande. Une fois les décisions prises par les instances du parti, le club se rallie (ou se félicite!), et se remet au boulot. Il respecte la démocratie du parti. Surtout, il n’empoisonne pas. Et cela n’empêche aucunement les participants de ces clubs de soumettre leurs positions aux médias, en autant qu’il le fasse en leur nom propre, pour raviver la réflexion au sein de la société civile.

L’establishment du parti, une nomenklatura gardienne du fort?
J’estime que le SPQ Libre, malgré mes sympathies envers plusieurs de ses positions, a eu tort de pousser « Mémé Pauline dans les orties ». Le SPQ n’est pas une tendance organisée du PQ : il est un groupe de pression dûment constitué légalement, ce qui fait que l’alliance ne pouvait que faire long feu. Le SPQ joindra-t-il QS? Possible. À QS d’évaluer le pour et le contre, mais il est certain que le SPQ voudra mettre à mal l’option laïcité « ouverte » défendue par la direction et un nombre significatif de ses militants. La perspective ne me déplaît pas, bien au contraire…
Quant au PQ, je dis ceci, même si la décision d’éliminer le SPQ de son agenda interne peut paraître justifiée : c’est une erreur de limiter l’implication des militants aux seules campagnes de financement ou aux tâches de bras lors des campagnes électorales. L’establishment du parti se goure s’il croit pouvoir atteindre les sommets en réduisant au minimum le débat politique dans ses instances de bases, notamment dans les exécutifs de comtés. PQ, parti de masse, doit permettre à ses membres de s’engager dans un processus de réflexion permanent, qu’ils soient de gauche, socio-démocrates, ou de tendance « Facal ».
J’appréhende 2011 : la mort annoncée des clubs politiques est déjà chose faite. À moins que les militants des exécutifs de comtés se mobilisent pour démocratiser la vie interne du parti, ce dont je doute, même si je rêve du contraire. Surtout, espérons qu’il y ait quelques députés, conseillers et membres influents qui sauront brasser la cage.

Le PQ pourra-t-il créer une coalition « gauche-centre-droite »? Dans un sens oui, mais jamais comme autrefois, mais il pourrait ratisser assez large s’il se montre assez habile pour proposer des politiques conséquentes, parfois sociale-démocrates, tantôt teintées d’un libéralisme de type « centriste ». Pour le reste, et ce reste est particulièrement essentiel, le PQ devra, qu’il se définisse de centre-gauche, du centre, ou d’un méli-mélo des deux :
• sérieusement s’attabler pour discuter de convergence souverainiste, des moyens pour y arriver, et ce dans une perspective large;
• prendre position en faveur de la proportionnelle électorale, condition essentielle pour créer la convergence précédemment mentionnée;
• créer des espaces de réflexion ouverts aux membres (liés aux exécutifs locaux ou à l’exécutif national);
• accepter que les courants qui lui soient exogènes puissent agir de façon autonome pour créer la nouvelle république.
Que le PQ se recentre, est une chose. Qu’il ferme la porte définitivement l’action politique dans ses instances en est une autre. Si j’ai bien compris, le « vieux parti » qu’est devenu le PQ, tend à vouloir le rester… À moins que…
Pauline Marois veut s’affirmer comme tueuse? D’accord. Mais la meute qui suit ne peut se contenter d’applaudir ses déclarations sur TVA. Elle aussi veut goûter au morceau.
À suivre, au moins jusqu’en 2011.


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