Bernard Landry a laissé son jupon dépasser trop souvent pour ne pas être soupçonné de coupables arrière-pensées dès qu'il ouvre la bouche ou qu'il prend la plume.
Qu'on l'accuse de s'être mis au service de Gilles Duceppe, comme l'a déclaré Yves-François Blanchet (Drummond), ou simplement de ressasser à l'infini ses regrets d'avoir démissionné en juin 2005, comme le croit Sylvain Gaudreault (Jonquière), plus personne au PQ ne croit à la pureté de ses intentions.
Dès lors, sa critique de la «gouvernance souverainiste» ne peut être qu'une autre manoeuvre de ce sombre vilain pour saper le leadership de Pauline Marois, dont les fidèles n'en finissaient plus de chanter les louanges à leur arrivée au caucus des députés, hier matin, à Joliette, même si d'autres, comme Stéphane Bergeron (Verchères) ou Guy Leclair (Beauharnois), étaient nettement plus réservés, pour ne pas dire sceptiques.
Le désistement de M. Duceppe a permis de décréter que la lettre de M. Landry n'était plus d'actualité, ce qui évite d'avoir à en commenter le contenu. L'amertume qu'on prête à l'ancien premier ministre ne l'empêche pourtant pas d'avoir raison quand il dit qu'une «gouvernance souverainiste» qui peut s'exercer dans le cadre fédéral envoie un message ambigu et démobilisateur, qui explique en bonne partie l'écart entre les intentions de vote dont les sondages créditent le PQ et l'appui accordé à la souveraineté.
M. Landry a encore raison quand il affirme qu'elle demeure aussi populaire qu'elle l'était dix mois avant le référendum de 1995. Au début de 1995, le camp du Non avait en effet commandité le plus gros sondage de l'histoire du Québec, effectué auprès de 10 000 personnes, qui n'accordait que 40 % au Oui.
On était encore loin de l'entente tripartite sur la souveraineté-partenariat, assortie d'institutions politiques communes avec le reste du Canada, qui allait faire l'objet du référendum dix mois plus tard. Jacques Parizeau se faisait fort de poser une question portant clairement sur la souveraineté, sans toute la quincaillerie qu'on y a ajoutée par la suite. Avec le même genre de question, le Oui jouit aujourd'hui d'un appui légèrement supérieur qu'à l'époque, selon Léger Marketing (43 %), ou légèrement inférieur, selon CROP (37 %).
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Quand Stéphane Dion a fait adopter sa Loi sur la clarté référendaire par la Chambre des communes, dans la foulée de l'avis rendu par la Cour suprême, le gouvernement péquiste et l'ensemble du mouvement souverainiste ont répliqué à l'unisson qu'il n'appartenait pas à Ottawa de définir les termes du débat sur l'avenir politique du Québec.
Douze ans plus tard, il est remarquable de constater à quel point les souverainistes eux-mêmes en sont à y réfléchir à l'intérieur des paramètres fixés par M. Dion et à élaborer leurs stratégies en conséquence. L'ancien ministre de Jean Chrétien n'avait sans doute pas imaginé à quel point il réussirait à conditionner les esprits. Pour décourager le grimpeur, il a suffi de faire paraître la montagne plus abrupte.
Il est de bon ton de souligner le désintérêt pour la question nationale dans la population. Il est pourtant étonnant que la souveraineté conserve un appui aussi élevé qu'à l'époque de l'après-Meech alors qu'on en fait une promotion aussi discrète.
Certes, il est facile pour M. Landry de dire qu'il faut «mettre le cap sur l'indépendance». Il était nettement plus timoré quand il était premier ministre. La plateforme électorale qu'il avait présentée au printemps 2003 était au moins aussi molle que ce qu'on retrouve dans le programme adopté au congrès d'avril dernier. Elle ne prévoyait la tenue d'un référendum sur la souveraineté «qu'en accord avec la volonté populaire et lorsque la perspective d'une victoire apparaîtra clairement à l'horizon». Avec son «moment jugé approprié», Mme Marois ne semble pas moins empressée.
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«Toute forme de déni serait irresponsable», a écrit M. Landry dans sa lettre. Hier, à Joliette, l'empressement de certains à vouloir tourner la page sur les événements des dernières semaines y ressemblait dangereusement.
Aux yeux d'Yves-François Blanchet, la crise avait été montée en épingle. Après le départ de sept députés en autant de mois, Monique Richard (Marguerite d'Youville) voyait «de plus en plus de cohésion» au sein du parti. Selon Agnès Maltais (Taschereau), «le PQ est en remontée», mais elle ne voulait pas commenter les sondages qui le placent maintenant en troisième place. À l'entendre, le Québec tout entier était en train de tomber amoureux de la «dame de béton».
S'il est faux de croire que le PQ risque de disparaître, comme le craignait Bernard Drainville, qui était d'une discrétion exemplaire hier, la grande alliance des forces souverainistes et progressistes, qu'il appelait de ses voeux, est évidemment inutile.
Maintenant que le PQ a le vent dans les voiles, elle devient même nuisible. Un véritable «attrape-nigaud», a dit M. Blanchet. Ceux qui se risqueront à défendre cette idée au conseil national de la fin de semaine risquent de se sentir bien seuls. «Actuellement, il n'y a pas de problème, alors on n'en inventera pas», a lancé Stéphane Bédard. Voilà qui serait nouveau.
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