Un regard extérieur est parfois utile pour y voir plus clair. Mardi matin, c’est un professeur à la retraite d’origine libanaise qui est venu rappeler leurs responsabilités aux membres de la commission parlementaire chargée d’examiner la charte de la laïcité. « Il ne s’agit pas d’avoir raison, mais de trouver une solution », a-t-il déclaré, les invitant à ne pas succomber à la tentation de « se réfugier derrière un dogme ».
Sam Haroun a d’ailleurs prêché par l’exemple. Bernard Drainville était ravi d’entendre cet adepte de la laïcité à la française vanter les mérites de son projet de charte, y compris l’interdiction des signes religieux pour tous les employés de l’État, mais sa conclusion rejoignait paradoxalement la position du PLQ. On peut importer un modèle, mais pas un consensus, a-t-il expliqué. Plutôt que de n’aboutir à rien, il vaudrait donc mieux se résoudre à scinder le projet de loi 60 et remettre à plus tard le règlement de la question des signes religieux.
Inversement, Samira Laouni, la présidente d’origine marocaine d’un organisme voué au rapprochement entre anciens et nouveaux Québécois, qui tenait à son hidjab comme à la prunelle de ses yeux, s’est dite prête, dans un souci de compromis, à interdire les signes religieux aux agents de l’État détenant un pouvoir de coercition, comme le recommandait la commission Bouchard-Taylor, ce à quoi se refusent toujours les libéraux.
C’est comme si les représentants de la société civile étaient plus conscients que les partis politiques de l’impasse dans laquelle se retrouve le Québec tout entier et plus désireux d’en sortir.
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On dit que la politique est l’art du possible, mais cela peut aussi consister à faire en sorte que l’impossible tourne à son avantage. Le gouvernement Marois est manifestement moins enclin à se présenter devant l’électorat fort d’une entente avec la CAQ qu’à l’accuser d’être responsable du blocage actuel, en espérant que la population lui donnera le mandat de faire sauter l’embâcle.
Il y a pourtant une leçon à retenir de l’échec du projet de loi 14 sur la langue, qui a été abandonné dans l’indifférence générale. À la déconvenue du gouvernement, presque personne n’a tenu rigueur à la CAQ de lui avoir refusé son appui, malgré les nombreux compromis consentis par la ministre responsable. La perspective d’une « nouvelle loi 101 » était pourtant une des grandes promesses électorales du PQ.
On peut toujours courir la chance de sacrifier le bien en espérant le mieux. Si le dossier était réglé grâce à une entente avec la CAQ, quitte à reporter l’adoption du projet de loi après les élections, l’opinion publique tolérerait mal que le gouvernement veuille renchérir une fois réélu. Il faudrait donc se contenter d’une interdiction plus limitée du port de signes religieux.
En revanche, si la charte était au coeur de la campagne électorale, une victoire avec une majorité de sièges lui permettrait d’imposer ses vues, quitte à tenter de recoller les pots cassés et à parader devant les tribunaux pendant des années.
Il existe cependant un risque : dans l’hypothèse tout aussi plausible où les libéraux prendraient le pouvoir, il faudrait renoncer pour l’essentiel au virage vers la laïcité. Le projet de loi pour lutter contre l’intégrisme que tente péniblement de concocter le PLQ ne s’annonce pas très musclé. Depuis deux jours, Marc Tanguay n’arrive toujours pas à expliquer de façon intelligible le sort qu’un gouvernement libéral réserverait à une employée de l’État qui voudrait porter un tchador, comme si la position de son parti se définissait au fil des questions posées par les journalistes.
La façon dont le gouvernement Charest avait disposé du projet de loi 94 sur les accommodements raisonnables dans l’administration publique, mort asphyxié sur les tablettes, laisse planer un sérieux doute sur la détermination des libéraux à faire davantage qu’un geste symbolique.
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M. Drainville a averti les partis d’opposition qu’ils devront subir une campagne électorale portant sur la charte s’ils choisissent de voter contre le budget et de renverser le gouvernement au printemps. Il doit cependant être conscient de la lassitude que la population pourrait ressentir après trois mois d’audiences publiques sur un sujet dont on débat déjà depuis près de cinq mois.
À force d’être gavée de laïcité, elle pourrait même en faire une indigestion. À l’audition de certains témoignages, dont la pertinence n’est pas toujours évidente, on peut d’ailleurs se demander s’il était bien avisé de tenir une consultation aussi large. Quand on en aura terminé, les électeurs pourraient bien avoir envie d’entendre parler d’autre chose, par exemple d’économie et de finances publiques. Cela ne serait pas nécessairement à l’avantage du PQ.
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