Pierre Falardeau a sûrement plus nui à la cause de la souveraineté du Québec qu’il a contribué à la faire progresser.
Son apparence personnelle plus que négligée, la violence et la vulgarité de ses propos sur la place publique éloignaient des indécis plutôt que de convaincre et de rallier de nouveaux sympathisants.
Falardeau faisait partie du folklore indépendantiste, mais dans des tête-à-tête, il ne cachait pas sa désillusion ces dernières années. La contre-manifestation de la Fête du Canada, le 1er juillet, était devenue pour lui et moi un rendez-vous annuel depuis plusieurs années. Ceux de 2007 et de 2008 furent les plus intéressants.
Après la démonstration de 2007, il m’avait confié que ce pèlerinage à Québec était devenu pour lui une figure obligée. «Je commence à en avoir plein le casque», avait-il jeté. Une poignée seulement de militants se déplacent ces jours-là pour conspuer les ardents fédéralistes, ce qui le décourageait.
Il y avait deux Falardeau: le gueulard vulgaire et l’analyste politique et social posé et réfléchi. Le vieux militant qu’il était constatait bien que l’objectif de l’indépendance semblait toujours s’éloigner. «Même quand Pierre Bourgault nous disait que l’indépendance était aussi inéluctable que le lever du soleil, se rappelait-il, je lui répondais que rien n’était inéluctable. Ça va-tu repartir un moment donné ? Je ne le sais même pas.» Il avait vraiment l’air désespéré de la bêtise de ses congénères.
Quelques minutes plus tôt, il avait pourtant donné son spectacle habituel devant les caméras, pour le plus grand plaisir des jeunes reporters qui découvraient le personnage.
Aux pieds de Wolfe
Notre entretien de 2008 s’est déroulé sur un banc, aux pieds du monument de Wolfe sur les Plaines d’Abraham. Les célébrations du 400e avaient redonné de l’élan à Falardeau. Il fulminait contre les dirigeants du 400e qui avaient occulté notre histoire, selon lui, au profit d’une programmation insignifiante; contre la récupération de cet anniversaire par le gouvernement Harper; contre la servilité des médias face à tout cela…
L’anthropologue n’en revenait tout simplement pas, encore une fois, que les Québécois ne réagissent pas davantage. Cela le dépassait.
Lorsque l’on connaît cette colère intérieure et cette désillusion qui l’habitaient face à ses compatriotes, on comprend facilement ses coups de gueule menaçants lorsqu’il apprit le projet de reconstitution de la bataille des Plaines en 2009. La bêtise atteignait, pour lui, un nouveau sommet.
J’ai alors écrit que Falardeau faisait du terrorisme verbal. Il ne l’a pas pris. Je suis devenu à mon tour dans les heures suivantes la cible d’accusations publiques blessantes. Finie la relation intellectuelle courtoise qui avait pourtant survécu à des débats constitutionnels, à de nombreux textes qui l’avaient hérissé et même aux différents rôles que j’avais pu jouer du côté patronal dans des conflits de travail.
Caricature ambulante
Je laisse à d’autres d’évaluer la portée de son oeuvre cinématographique. J’ai cependant constaté au cours des dernières années que dans les médias, Pierre Falardeau devenait un peu pour le mouvement indépendantiste ce que l’extrémiste Michel Chartrand était devenu pour le mouvement syndical: un personnage de composition, une caricature ambulante, qui donne à coup sûr un bon «show» et les deux ont joué à fond ce jeu, très lucidement.
Quand on fait partie du folklore, cela implique des devoirs.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé