Ministre du Revenu à la fin des années 1980, le coloré Yves Séguin, très porté sur les communications, avait eu l’idée saugrenue de tenir des portes ouvertes, un dimanche après-midi, au célèbre édifice tout de verre de son ministère, rue Marly, à Québec. C’était comme d’inviter des poulets à visiter l’abattoir où ils seraient plumés.
Le plus inusité, c’est que des milliers de personnes avaient fait la queue, fébriles à l’idée d’aller fureter dans les froides salles de travail déshumanisées des fonctionnaires du fisc. Yves Séguin jubilait.
Jean Charest répète un peu le même coup en tenant des consultations publiques, cet automne, sur de prochaines hausses des tarifs pour tous les services gouvernementaux.
Chèque en blanc
Le ministre des Finances, Raymond Bachand, n’a pas fourni, avant l’adoption sous le bâillon de la loi 40, un plan global de retour à l’équilibre budgétaire. Sa prédécesseure, Monique Jérôme-Forget, a toutefois mentionné entre autres dans son dernier budget, qu’il faudrait ramener la croissance des dépenses de 4,5 % en moyenne depuis 2003 à 3,2 % en 2010-2011. Nous n’avons encore aucune indication des cibles choisies de coupures budgétaires dans l’appareil administratif et dans les programmes gouvernementaux pour y parvenir.
Les citoyens seront invités à donner leur opinion sur les choix de taxes déguisées qu’ils devront payer, mais on ne leur demandera surtout pas leur opinion sur les coupures possibles qui peuvent être effectuées. Cela est trop complexe pour nos cerveaux de poulet.
Nous assisterons donc à l’habituel défilé des porte-parole des groupes de pression bien organisés qui viendront clamer leur refrain « faisons payer les riches » et qui réclameront des exemptions pour les clientèles qu’ils représentent.
Les revenus du gouvernement augmenteraient de 5 milliards si les tarifs divers étaient relevés au niveau de la moyenne canadienne, a relevé l’économiste Claude Montmarquette, qui a dirigé un groupe de travail sur le sujet en avril 2008. Son rapport avait toutefois été écarté par le gouvernement Charest avant les dernières élections. Il est maintenant brandi bien haut. Mme Jérôme-Forget annonçait d’ailleurs déjà dans son budget de mars que « la tarification doit reposer sur l’idée selon laquelle celui qui utilise un service doit également être celui qui paie. C’est le concept de l’utilisateur-payeur. Le prix du service public doit refléter le véritable coût assumé par le gouvernement », écrivait-elle.
La ministre a même prévenu qu’après avoir été relevés, tous les tarifs seraient ensuite indexés annuellement, à compter du 1er janvier 2011.
Je me demande bien ce qu’il restera encore aux poulets à dire lorsqu’ils visiteront l’abattoir et ce que le gouvernement en retiendra vraiment. Un projet de loi est même déjà en préparation, a-t-on appris cette semaine, avant le début de cette consultation.
Souffrances à venir
Il est vrai qu’au Québec divers tarifs sont inférieurs à la moyenne canadienne. Nous payons en contrepartie des impôts plus élevés. Un relèvement de l’ensemble des tarifs doit être précédé de coupures dans les programmes qui sont plus chromés qu’ailleurs et s’accompagner d’une révision de la fiscalité. Sinon, les strates de citoyens qui paient déjà beaucoup d’impôt seront doublement pénalisées. Les poulets vont beaucoup souffrir.
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