Le Forum mondial de la langue française a clôturé ses travaux hier midi à Québec par l’adoption de résolutions porteuses d’un message simple. Devant l’hégémonie de l’anglais, il faut cesser de baisser les bras. Fort bien ! Passons maintenant de la parole aux actes.
Le forum s’était ouvert lundi avec un cri du coeur du secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, Abdou Diouf. « Nous devons être des indignés linguistiques », avait-il lancé pour dire l’urgence de la situation. Il avait appelé à une « multipolarité linguistique construite autour de quelques grandes langues de communication internationale », dont le français.
Ce forum était pour M.Diouf le point de départ d’une nouvelle démarche. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Francophonie s’était davantage préoccupée depuis sa création de son rôle dans la gouvernance internationale que de la situation de la langue française. Ses membres trouvaient plus important, et sans doute plus passionnant, de se préoccuper de la protection des écosystèmes physiques que de l’avenir de l’écosystème culturel francophone. Ce n’est qu’il y a deux ans, lors du sommet de Montreux, qu’ils acceptèrent de se donner une politique de promotion de la langue française et de tenir ce forum.
La rencontre de Québec fut d’abord l’occasion de prises de conscience. En premier lieu, de l’état d’une situation. La mondialisation linguistique, qui impose une langue, est aussi une mondialisation culturelle porteuse de valeurs, de modes de vie et de modes de pensée, une sorte d’« hyperculture globalisante », selon l’expression du sociologue Jean Tardif.
Prise de conscience aussi de l’urgence de réagir, car comme le dit le proverbe, qui ne dit mot consent. Le montre bien la situation qui prévaut dans le monde de la recherche où, pour être valables, les travaux doivent être faits en anglais, et leurs résultats être publiés dans cette langue. Le recteur de l’Agence universitaire francophone, Bernard Cerquiglini, souligne avec raison que les sciences en sont elles-mêmes appauvries ainsi que, ajoutons-nous, les pays qui se voient limités dans leur capacité de faire de la recherche et de soutenir un enseignement universitaire de qualité.
Le forum a bien compris le sens des gestes à poser. Il ne s’agit pas de s’opposer à l’anglais, mais de favoriser la diversité linguistique et culturelle, de faire en sorte qu’à côté de l’anglais existent de grandes langues de communication. La promotion de ces langues ne peut se faire, a convenu à raison le forum, que dans le cadre de la promotion du multilinguisme, ce qui est une voie à double sens. Il ne s’agit pas en effet de simplement situer le français comme l’une des grandes langues de communication, mais d’accepter que le français soit porteur de plusieurs cultures et non de la seule culture française. Pour l’Afrique francophone, le concept de multilinguisme se doit de reconnaître les langues nationales.
On peut voir ces cinq jours d’échanges comme un réveil de la Francophonie qui doit maintenant être traduit en engagements. Elle aura à se prononcer lors de son prochain sommet, en octobre, à Kinshasa. Quelles politiques adoptera-t-on ? Acceptera-t-on, comme le suggérait cette semaine l’ambassadeur du Congo Brazzaville à Paris, Henri Lopes, de suspendre les pays qui « se câlissent » (oui, il a bien employé ce mot pour dire toute son indignation) de l’avenir de notre langue et qui interviennent en anglais dans les réunions internationales ? C’est alors qu’on verra si cette organisation peut se préoccuper de sa raison d’être, la langue et la culture française, de les défendre avec force et vigueur. Encore faudra-t-il être capable d’une véritable indignation et une véritable volonté.
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