Comme une foultitude de citoyens, c’est avec un ravissement ému que j’ai pris acte de la fin de l’ère Harper.
C’est Justin Trudeau, plutôt que Thomas Mulcair, qui prend maintenant la relève. Nous verrons bien ce qui arrivera, ou n’arrivera pas. Jusqu’ici, le nouveau premier ministre a joué la carte de la gentillesse, du rafraîchissement et du "glamour".
Il a toutefois commis un drôle d’impair, lorsqu’il a établi une relation, éminemment boiteuse et méprisante, entre les propos de Donald Trump et la charte des valeurs (de la laïcité) de l’ancien gouvernement de Pauline Marois.
Justin Trudeau étant le fils de l’ancien premier ministre, Pierre Trudeau, je me dois de dire que dans ma souvenance, certaines données négatives ont caractérisé le gouvernement de Trudeau père.
Première donnée : Trudeau était un ardent et fanatique «nationaliste» canadian, rêvant d’un pays «multiculturel», s’étendant d’un océan à l’autre.
Deuxième donnée : Pierre Trudeau, ce «nationaliste» pan-canadien, dénonçait, effrontément, tous les «nationalismes» de cette planète, surtout celui qui animait les partisans québécois de l’autodétermination.
Troisième donnée : il a osé faire adopter la fameuse loi sur les mesures de guerre, histoire de stigmatiser et de punir ses nombreux opposants québécois, socialistes, souverainistes, ou autres.
Quand j’ai récemment pris connaissance des propos de Justin Trudeau sur Trump et Marois, l’image de son père a recommencé à me hanter. Il est clair que le nouveau premier ministre est un partisan du multiculturalisme, apprêté à la sauce britannique. Il s’agit d’un multiculturalisme largement centré sur le multiple, et, apparemment, peu préoccupé par les politiques d’intégration, de rencontre, de convergence ou d’interculturalisme.
Le vieux problème, c’est que le Canada anglais a peu à craindre de la fameuse "mosaïque" multiculturelle, puisque les nouveaux venus sont, règle générale, consentants, lorsqu’il s’agit d’apprendre l’anglais, la langue «internationale».
Certains oublient, sciemment ou inconsciemment, que la société québécoise sera toujours assez fragile, puisqu’elle propose l’apprentissage d’une langue qui est plus menacée que la langue anglaise. Oublier cette fragilité québécoise, c’est ouvrir la porte à une pléthore d’accusations, la plupart du temps injustifiées. Les Québécois peuvent facilement donner l’impression d’être plus xénophobes, plus intolérants, ou plus racistes que les autres, puisqu’ils doivent, constamment, implanter divers mécanismes, législatifs ou autres, destinés à assurer leur survie.
Les multiculturalistes se chargent aussi de rappeler, constamment, les «dérapages phraséologiques» de Jacques Parizeau, en 1995. Maintenant, c’est au gouvernement de Pauline Marois qu’ils s’en prennent. Le projet de charte était peut-être maladroit, mais il n’était absolument pas lié à une quelconque velléité raciste, intolérante ou xénophobe.
Nous, Québécois, nous savons que notre situation particulière facilite les accusations d’intolérance. Mais nous en avons assez, aussi, de l’inconscience de nombreux fédéralistes enragés qui tentent constamment de nous diminuer et de nous discréditer.
Je serais porté à penser que le nouveau PM est, lui aussi, un ardent défenseur du multiculturalisme, ce qui peut l’amener à fermer les yeux sur les difficultés de la «québécitude». J’espère donc que Justin ne va pas persister et suggérer, vicieusement, que les défenseurs de la «québécitude» sont des Donald Trump ou, peut-être, des Marine Le Pen.
Le mot «nationalisme» a, actuellement, mauvaise presse. Je l’utilise, néanmoins, pour rappeler que j’ai rarement vu ou connu un nationaliste plus frénétique que Pierre Trudeau. Sa vision du «magnifique pays appelé le Canada» frôlait le mysticisme ou le délire.
Je termine en soulignant que de nombreux fédéralistes ont, parfois, tenu des propos à haute teneur xénophobe et intolérante. Il suffit de penser aux propos de Denis Coderre, en 1997, lorsqu’il parlait de son adversaire bloquiste, un homme formidable, d’origine chilienne, Osvaldo Núñez. Les propos de Coderre étaient résolument xénophobes, pour ne pas dire racistes.
Je demande donc aux multiculturalistes de réfléchir avant de dénoncer le «racisme», ou le «trumpisme» des autres.
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias, écrivain public
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
25 décembre 2015Il est ironique et même dramatique que ce soient des francophones du Québec, d’abord Pierre Trudeau puis Jean Chrétien et Stéphane Dion, qui aient convaincu les anglophones de la justesse de leur vision d’une seule nation au Canada. • Baum, Gregory
Archives de Vigile Répondre
24 décembre 2015Joyeuses fêtes M.Baribeau
Quel pas, en arrière.
L'autre jour en rentrant du travail, j'ouvre la télé à RDI au moment où Justin donnait un point de presse qui m'a irrité au plus haut point. Le sujet (m'en rappelle pu) mais une phrase dite en français, l'autre en anglais, ça je m'en souviens.
Au moins Harper alignait quelques phrases en français avant de passer à l'anglais. Jean Chrétien nous faisait rire quand on comprenait ce qu'il voulait nous dire.
Mais Justin, c'est rien de moins qu'un millionnaire qui s'est acheté un job en vue et qui surfe sur la vague qui refuse de geler cet hiver; pour ça qu'il veut légaliser la mari, pour qu'on se gèle en attendant.
Si vous voulez testé votre endurance à l'insignifiance du personnage, écoutez ceci.
Bonne chance!
Justin Trudeau parle le bilingue couramment!!!
https://www.youtube.com/watch?v=Exlos3s9ETY