Le nombril du PQ

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« On va encore parler de notre nombril pendant deux ans. »


II y a des choses qui sont devenues presque rituelles au PQ : les coups de gueule de Marc Laviolette, les chicanes internes et les promesses de remettre résolument le cap sur l’indépendance. L’ancien président de la CSN a encore fait son numéro au conseil national de Trois-Rivières, la « refondation » a tourné à l’affrontement entre générations et on s’est bien juré que la promotion de la souveraineté deviendrait la priorité absolue.


Le PQ semble au moins avoir réellement pris la mesure de la catastrophe du 1er octobre. Un délégué l’a invité à passer d’une mentalité de « résistant » à celle de « conquérant », mais il a davantage l’air d’un survivant, même si l’hémorragie que d’aucuns craignaient — ou espéraient — ne s’est pas produite.


Malgré l’imprécation lancée par Catherine Fournier, le PQ ne donne aucun signe de vouloir se saborder, même si une firme de marketing sera chargée d’évaluer l’opportunité d’un changement de nom. La suite des choses demeure toutefois bien incertaine.


Si la présentation qui a ouvert la discussion en assemblée plénière a bien résumé l’incohérence des positions successives du PQ au fil des ans, une déléguée a mis le doigt sur un autre problème : plutôt que de parler à la population, comme l’a fait la CAQ, il s’est tourné vers lui-même. La reconstruction à venir la laissait perplexe : « On va encore parler de notre nombril pendant deux ans. »


Elle n’avait pas tort. Le « plan d’action » qui a été adopté dans l’allégresse ne soulèvera pas un grand intérêt en dehors des cercles péquistes, pas plus que la tenue d’un « congrès extraordinaire », qui accouchera d’un nouveau « texte fondamental », sans oublier la refonte des statuts. Tout cela est sans doute un passage obligé, mais la population a perdu tout intérêt pour les grand-messes péquistes.


 

 

Elle dressera l’oreille pour entendre ce que le nouveau PQ aura à dire seulement quand il se sera donné un nouveau chef, et ce ne sera vraisemblablement pas avant la fin de 2020.


« Il ne faut pas attendre un sauveur », a lancé la présidente du parti, Gabrielle Lemieux. Il est vrai que les sauveurs ne courent pas les rues, mais personne ne veut embarquer dans un bateau sans capitaine et on ne se bouscule pas pour prendre la barre de ce qui ressemble plus à un vieux rafiot qu’au « vaisseau amiral » d’antan.


Diriger le PQ n’a jamais été facile, et cela ne risque pas de le devenir. C’est une évidence qu’il a un urgent besoin de se reconnecter avec la jeune génération, mais elle a pris le contrôle des choses en fin de semaine avec une insolence d’enfant roi qui a indisposé et même blessé les plus anciens.


Cela avait un air de déjà vu. En 2005, l’attitude prétorienne des jeunes supporteurs d’André Boisclair avait envoyé un signal de « tasse-toi, mon onc’ », dont le résultat avait été désastreux.


À Trois-Rivières, plusieurs ont exprimé le même sentiment de dépossession. Aujourd’hui comme à l’époque, on trouve les jeunes nettement moins fringants quand il s’agit de faire du financement. Il faudra beaucoup de tact pour faire en sorte que le mariage soit harmonieux.


 

 

Revenir à sa ferveur d’antan ne fera pas disparaître le dilemme auquel le PQ a toujours été confronté. On peut bien lui reprocher d’avoir sacrifié son idéal à l’obsession du pouvoir, mais il faudra nécessairement faire élire un gouvernement souverainiste pour faire la souveraineté.


Qu’il dirige seul ou qu’il fasse à terme partie d’un gouvernement de coalition, dont un nouveau mode de scrutin permettrait la formation, le PQ ne pourra pas faire campagne uniquement sur la souveraineté. La population voudra aussi savoir ce qu’il propose en matière d’éducation, de santé, d’environnement… L’indépendance ne réglera pas automatiquement tous les problèmes.


Les délégués au conseil national ont sagement écarté l’idée de réécrire le programme avant d’élire un nouveau chef, ce qui aurait encore allongé la période de nombrilisme, mais le PQ ne pourra pas se contenter d’un simple « texte fondamental » énonçant quelques grands principes.


On évoque avec nostalgie la coalition dite arc-en-ciel que dirigeait René Lévesque, alors que la souveraineté n’était « ni à gauche, ni à droite, mais en avant ». Le PQ des années 1970 n’en proposait pas moins un « projet de société », qui se voulait résolument social-démocrate. Rien n’interdit de proposer un autre modèle, mais la population doit savoir à quoi s’en tenir.


Le PQ ne pourra pas davantage éviter ces questions de « plomberie », qui horripilaient déjà M. Lévesque et ont hanté ses successeurs. Qu’il le veuille ou non, il ne pourra pas se contenter de parler des raisons de faire l’indépendance. Il devra inévitablement aborder le comment et le quand. Ses adversaires vont lui poser ces questions, et la population va exiger qu’il y réponde.









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