Les jésuites ont été nos plus vaillants aventuriers, longtemps avant l’éclosion du commerce. Les coureurs des bois étaient attirés par l’aventure et motivés par le goût de l’argent. Les missionnaires, eux, mettaient leur vie en péril pour Dieu et souvent pour rien... Certains finirent scalpés, brûlés, bouillis vifs, et parfois mangés... comme Jean de Brébeuf.
Les jésuites furent la première organisation que visèrent les Anglais triomphants après la guerre de Sept Ans: ils chassèrent cet ordre papiste qui a marqué notre histoire, pour le meilleur et le pire. Jamais les jésuites n’auraient toléré qu’une immigration protestante française ou francophone vienne compromettre le statut résolument catholique de la colonie. Alors que leur utopie d’une nouvelle Jérusalem en Amérique s’évanouissait déjà au profit du commerce, de plus en plus intense et payant, les jésuites ont vu leur influence diminuer pendant tout le xviiie siècle. Ironiquement, c’est la Grande Paix de 1701 qui réduit leur importance dans la colonie. Pendant les guerres contre les Amérindiens, les jésuites faisaient office d’interprètes, de négociateurs, de «traits d’union», etc. Paradoxalement, eux qui voulaient de longue date la paix entre les Indiens et les Européens vont se trouver marginalisés par celle-ci, car elle se déroulera sous le signe, non pas de la croix, mais du négoce.
Influence des jésuites
Mais ce que l’on ne dira jamais assez, c’est que les jésuites ont été à l’origine de Montréal en tant que projet. Alors qu’il fréquente le collège jésuite de La Flèche, en France, Jérôme Le Royer de la Dauversière, qui a pour «camarade» un certain René Descartes, un autre brillant élève des jésuites, entend les récits des premiers missionnaires et a l’idée d’envoyer de Maisonneuve et Jeanne Mance jeter les bases de Ville-Marie. Ce projet consistant à fonder sur une terre neuve un peuple catholique neuf issu du mélange des sangs est on ne peut plus jésuite. Bref, notre ville est, à l’origine, un rêve de jésuite! En confisquant les biens de cet ordre papiste incompatible avec le pouvoir royal britannique protestant, les Anglais arrachent de ce qui devient leur «province» ce qui en était le ferment spirituel. Désormais, le commerce sera la priorité du gouvernement, son obsession et son but. Quand les jésuites auront le droit de revenir au Canada, ils fonderont nos grandes écoles d’élite, comme le collège Jean-de-Brébeuf.
L’arrachement à l’influence jésuite après la Conquête nous a intellectuellement diminués pendant longtemps. Une partie de l’anti-intellectualisme des Québécois vient peut-être de là. Le catholicisme auquel nous avons eu droit pendant la Revanche des berceaux n’était plus intrépide ni chargé d’intelligence... malgré l’immense effort de rattrapage effectué par des jésuites à leur retour — car ils reviendront — près d’un siècle plus tard.
- Avec la collaboration de Louis-Philippe Messier
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