Dans [Le Devoir du 11 février dernier, on avait droit à un cours de sociologie du vêtement 101 par l'anthropologue athée Daniel Baril->26387], qui affirmait que le costume religieux n'est pas insignifiant sur le plan symbolique et qu'il doit être interdit dans la fonction publique.
Il écrivait: «Le langage non verbal du vêtement religieux ou signe distinctif exprime le fait non seulement que la personne est croyante, mais aussi qu'elle professe telle ou telle religion, avec tout son système de valeurs et de croyances, et qu'elle en fait une interprétation fondamentaliste puisqu'elle place son appartenance religieuse au-dessus de sa fonction professionnelle.»
Dans Le Devoir du 16 mars, nous avons eu droit, cette fois, à l'initiative de monsieur [Baril et du sociologue Guy Rocher->26291], à une déclaration signée par une centaine de personnes au moins, et qui réaffirme explicitement que la laïcité exige le retrait de tous les signes religieux dans la sphère publique pour assurer la neutralité de l'État.
Il est vrai que le costume religieux identifie le porteur, mais en quoi est-ce automatiquement une interprétation fondamentaliste que de signifier son appartenance religieuse? Le costume religieux serait-il devenu subversif? Qu'on exige la neutralité de l'État est une chose, mais qu'on oblige les personnes qui y travaillent à faire semblant de l'être, c'est hypocrite et abusif. Nul besoin d'un costume particulier pour pratiquer l'endoctrinement et le prosélytisme: on n'a qu'à lire le collectif Heureux sans Dieu, sous la direction de Daniel Baril et de Normand Baillargeon, paru aux éditions VLB, en 2009, pour s'en convaincre.
Que de mépris à l'endroit des religions en général et du catholicisme en particulier! Après cela, on tente de me faire croire que la déclaration sur la laïcité, initiée par ce même Daniel Baril et signée par Normand Baillargeon, se porte à la défense d'un Québec laïque et pluraliste? Il faut être naïf pour le croire.
Dans une société laïque comme la nôtre, on peut porter un costume ou un signe religieux sans nier la neutralité de l'État et sans enfreindre la liberté des autres. C'est évident que le vêtement et le signe arborés doivent répondre à certains critères de sécurité et de transparence: le niqab et la burqa ne satisfont pas à ces critères. Par ailleurs, on ne peut ni imposer ni interdire le port d'un costume sous prétexte que celui-ci n'exprime pas le modèle social attendu et que les usagers des services publics n'ont pas à être soumis à ce langage non verbal signifié par le costume.
Personnellement, je me méfie davantage du langage verbal des intégristes religieux ou laïques qui font preuve d'intolérance envers tous ceux et celles qui ne partagent pas leurs vues. Je préfère de beaucoup le [Manifeste pour un Québec pluraliste publié dans les pages du Devoir au début du mois de février->25606], lequel reconnaît que l'interdiction de signes et de vêtements religieux de la part des représentants de l'État ne répond à aucune nécessité sociale et serait même disproportionnée par rapport aux objectifs de neutralité des services publics.
On peut déplorer certains costumes qui nous apparaissent rétrogrades et inesthétiques: le voile islamique, le turban sikh, la soutane des prêtres, la cornette des soeurs catholiques ou encore l'accoutrement des juifs hassidiques, mais les interdire produirait exactement le contraire du but recherché: ça inciterait plus de gens à les porter. Et, contrairement à ce que laisse entendre la déclaration sur la laïcité, si les religieux et les religieuses catholiques qui oeuvraient dans les établissements de santé et d'enseignement ont accepté de modifier ou d'abandonner leur livrée, ce n'était pas parce que leurs institutions passaient aux mains de l'État et qu'ils voulaient continuer à y travailler. C'est parce qu'il y a eu le concile Vatican II qui les invitait à moderniser leurs habits, car ils ne correspondaient plus au renouveau voulu par le concile. Par ailleurs, ceux-ci ont continué de porter des signes religieux distinctifs jusqu'à aujourd'hui, dans le respect de la diversité religieuse et de la pluralité.
Les costumes et les signes religieux au Québec sont inoffensifs lorsqu'ils ne sont que des symboles religieux. Là où ils deviennent subversifs, c'est lorsqu'ils sont utilisés à des fins politiques, par des intégristes qui s'opposent à la laïcité de la société québécoise et qui nient les valeurs culturelles et religieuses de la majorité. Sans même s'en rendre compte, certains signataires de cette déclaration sur la laïcité font le jeu de ces intégristes en voulant retirer tout symbole religieux traditionnel de l'espace public, comme s'il fallait nier nos racines et oublier nos origines. Le crucifix sur le mur de l'Assemblée nationale n'est pas dangereux; mais l'endoctrinement idéologique de certains groupes religieux ou athées l'est beaucoup plus. Peut-être devrait-on s'en méfier davantage.
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Raymond Gravel - Prêtre
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