mardi 11 janvier 2005
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Voici revenu le douloureux moment où un chroniqueur doit reconnaître ses erreurs de la dernière année afin de pouvoir en commettre d'autres au cours des prochains mois. Faute avouée est à moitié pardonnée, paraît-il.
La liste des péchés pouvant être considérés comme véniels serait d'un intérêt assez secondaire. Au fil des semaines, il se glisse toujours quelques erreurs de fait, sans doute regrettables, mais qui sont généralement de peu de conséquence.
Ainsi, dans mon bulletin semestriel de l'opposition, il semblerait que j'aie félicité à tort le député de Borduas, Jean-Pierre Charbonneau, pour avoir orchestré la visite à l'Assemblée nationale du chef James Gabriel et de policiers mohawks, venus témoigner de l'ineptie du ministre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon. C'est plutôt sa collègue de Mirabel, Denise Beaudoin, qui en aurait été l'instigatrice.
De la même façon, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux m'a rappelé que c'était lui qui s'était chargé de dénoncer la mollesse initiale du PQ au sujet du projet de loi 57 sur l'aide sociale, alors que j'en avais attribué le mérite aux organismes communautaires. Même en ces matières, il faut rendre à César...
La pratique du métier de chroniqueur comporte nécessairement une part de subjectivité. Sait-on jamais, le ministre de l'Éducation, Pierre Reid, a peut-être quelques admirateurs secrets qui m'auront trouvé un peu sévère à son endroit. Même son collègue des Ressources naturelles, Sam Hamad, en compte au moins un dans la personne de celui qui deviendra, selon toute probabilité, maire de Québec, Marc Bellemare. C'est dire!
Au-delà des divergences d'opinion sur la performance de l'un ou l'autre, il y a certaines appréciations qui, à l'évidence, étaient erronées. Ce sont, bien entendu, les plus mortifiantes à confesser. Mais, puisqu'il le faut...
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L'an dernier, à pareille date, un ancien collègue journaliste, ardent militant du Bloc québécois, m'avait reproché de ne pas avoir inclus dans mon mea-culpa mes sombres pronostics concernant l'avenir de son parti. Il est vrai qu'à l'automne 2003 je faisais partie de ceux qui prédisaient le pire au Bloc, une fois que Paul Martin aurait enfin réussi à forcer Jean Chrétien à partir.
En réalité, mon erreur est moins d'avoir sous-estimé le Bloc que d'avoir grossièrement surestimé Paul Martin. Soit, M. Chrétien lui avait laissé un héritage très lourd, en particulier le scandale des commandites, mais même ses plus féroces détracteurs n'auraient pu imaginer qu'il le gérerait aussi mal. Et ça continue.
Durant ses longues années aux Finances, le futur premier ministre du Canada avait élevé l'absence de position claire au rang de principe. Il n'est donc pas si étonnant que l'indécision chronique soit aujourd'hui son trait le plus caractéristique.
En revanche, personne ne doutait de sa détermination à ramener le Québec de son plein gré dans le giron canadien. Il fut un temps où même Bernard Landry voyait en lui un deuxième Brian Mulroney, qui pourrait convaincre les Québécois de tenter une nouvelle expérience de «beau risque».
Connaissant parfaitement l'état d'esprit du Canada anglais, Jean Charest n'en demandait pas tant, mais il ne pouvait tout de même pas imaginer que son propre ministre des Finances sortirait d'une conférence sur la péréquation en criant au vampire.
Le premier ministre a promis que la santé serait la grande priorité de son gouvernement, mais il sait très bien qu'aucun gouvernement québécois ne peut faire abstraction de la question nationale. Sauf si personne ne la lui pose.
En septembre 2003, à l'aube d'un automne qui s'annonçait chaud, M. Charest avait déclaré devant le conseil général de son parti: «Le PQ est toujours menotté par son option et il n'est pas près de trouver la clé des menottes.» Les militants libéraux ne devaient donc pas trop s'inquiéter de la houle qui menaçait.
Ma deuxième grande erreur de la dernière année est d'avoir sous-estimé, autant que j'avais surestimé M. Martin, l'extraordinaire capacité du PQ de se «tirer dans le pied». Au moment où le PLQ semblait dans les câbles, les péquistes n'ont rien eu de plus pressé que de recommencer à s'entre-déchirer. Comment ai-je pu croire un seul instant qu'il pourrait en aller autrement? À cet égard, M. Charest a été plus clairvoyant.
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Pourtant, à moins de renversements imprévisibles ou encore de maladresses, il serait étonnant que 2005 soit l'année des grands chambardements, que ce soit à Ottawa ou au PQ.
Dans ses entrevues de fin d'année, il était assez savoureux d'entendre M. Martin prendre la résolution d'être moins indécis. En tous cas, je l'imagine assez mal faire le pari de nouvelles élections qui, au mieux, risqueraient de consacrer le statu quo. Pour les mêmes raisons, les partis d'opposition n'ont aucune raison de précipiter les choses.
La situation est plus délicate au PQ, dans la mesure où le congrès de juin constitue une échéance incontournable. Il ne fait aucun doute que Bernard Landry souhaite ardemment demeurer chef. Il préférerait au surplus être aimé, mais cela n'est pas indispensable.
Le personnage clé du psychodrame des prochains mois est Gilles Duceppe, qui se retrouve dans une assez curieuse situation, étant à la fois le favori des Québécois pour succéder à M. Landry et son plus indéfectible allié. Inutile de dire qu'il fait l'objet d'une cour assidue. Les couples Landry et Duceppe ont encore passé les vacances des fêtes ensemble dans une station balnéaire BCBG de la République dominicaine.
Le scénario qui se dessine semble être le suivant. M. Landry se présentera au congrès de juin fort de l'appui du chef du Bloc. S'il juge son vote de confiance insuffisant, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour que M. Duceppe lui succède, quitte à compromettre les chances du Bloc aux prochaines élections fédérales. Avis à François Legault. Remarquez, les choses pourraient se passer tout autrement, à Ottawa ou au PQ. Rendez-vous au confessionnal dans un an.
mdavid@ledevoir.com
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