À l'heure actuelle, l'absence de ce choix véritable brouille l'échiquier électoral, facilite les interprétations tordues et alimente le cynisme. Le vote national se trouve soumis aux séductions soit d'indépendantistes prétendus ou honteux (Parti québécois et Québec Solidaire), soit d'autonomistes inconséquents (Action démocratique du Québec), quand il ne décroche pas dans l'écologisme apolitique ou l'abstentionnisme.
Un sondage rendu public avant-hier permet de le constater encore. Selon ce sondage CROP-La Presse, l'indépendance remonte dans la faveur populaire. La journaliste, qui résume les résultats, écrit : « Pauline Marois ferait le meilleur premier ministre, le Parti québécois est en avance, le Bloc reprend aussi de la vigueur, même l’idée de la souveraineté gagne en popularité. Tout semble indiquer que l’option péquiste-souverainiste regagne du terrain au Québec ». Le PQ devancerait maintenant ses principaux adversaires en recueillant l'appui de 33 % des électeurs, contre 29 % pour l'ADQ et 27 % pour le PLQ. (Malorie Beauchemin, [« Embellie estivale pour les souverainistes »->8533], La Presse, 29 août 2007.)
Le même sondage révèle que l'idée d'indépendance gagne sept points de popularité, ce qui, d'après le sondeur, est un « très bon signe » pour les partisans de la souveraineté. Or ceci explique cela (nonobstant, bien sûr, d'autres facteurs ponctuels).
Dans l'esprit du public, le PQ est encore associé à la souveraineté davantage que tout autre parti, même s'il a mis l'idée sur la glace. Ainsi, quand ils penchent vers la souveraineté, les sondés auront tendance à favoriser le PQ. Mais supposons un instant que le vrai choix électoral de l'indépendance soit offert aux citoyens. Supposons, autrement dit, l'existence d'un parti qui, loin de mettre la souveraineté sur la glace, propose de la réaliser une fois élu et qui présente des candidats dans les 125 circonscriptions. On verrait vite fondre alors ces appuis au PQ, en raison de son souverainisme-à-reculons, au profit du parti en question. La journaliste a tort de parler sans plus de l'option « péquiste-souverainiste » comme si les deux choses n'en faisaient qu'une. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Il reste que les citoyens se prononcent en fonction des choix électoraux qu'on leur présente et tant que l'indépendance sera absente de ces choix, la confusion persistera. Étant donné que, de sondage en sondage, entre 40 et 50 % de l'électorat favorise l'indépendance, il va de soi que ce non-choix électoral nuit à l'expression claire de la volonté populaire et qu'il facilite la vie aux séducteurs de peuple.
Qu'est-ce qu'un parti indépendantiste ?
Dans notre régime politique, le pouvoir s'acquiert par les élections et s'exerce par le parlement. Par conséquent, un parti indépendantiste est un parti qui se fait élire pour réaliser l'indépendance et qui gouverne en conséquence, en fonction des priorités de la nation ou du nouvel État. De ce point de vue, qui est celui, concret, de l'action et des moyens effectifs, il est bien évident que l'indépendantisme du PQ est devenu infinitésimal et, à vrai dire, trompeur. Il n'avance aucun plan d'action en vue de la souveraineté, n'entrevoit pas faire campagne là-dessus, ni même sur les vraies priorités nationales comme la question de l'intégration des immigrants et celle du français comme langue commune.
L'idée de souveraineté traîne bien quelque part dans le programme péquiste, mais plus pour faire semblant que pour la faire. L'« option » n'a pas pour lui de traduction dans la pratique réelle, notamment dans une éventuelle politique gouvernementale.
Pauline Marois ou le pays comme consolation
Le Parti québécois a commis bien des erreurs depuis sa naissance en 1968. Dans l'ordre des finalités (l'indépendance), il aura souvent rapetissé la visée d'un Québec souverain à celle d'un statut particulier ou d'une meilleure position dans la fédération canadienne (par exemple, le « beau risque » sous René Lévesque, l'« affirmationnisme » sous Pierre-Marc Johnson). Mais c'est dans l'ordre des moyens (la voie d'accession à l'indépendance, la stratégie) qu'il s'est fourvoyé et a fourvoyé la nation avec le plus de constance. Le PQ pouvait même maintenir la souveraineté comme objectif (toujours dans son programme encore aujourd'hui) tout en pratiquant un attentisme crasse sur les moyens. C'est comme ça surtout qu'il a rachevé son électorat (devenu abstentionniste, adéquiste, solidariste, verts ou autres).
Dégringolade à l'élection de 2003 avec Bernard Landry. Re-dégringolade à celle de 2007 avec André Boisclair, où il glisse au rang de troisième parti à l'Assemblée nationale. Et aujourd'hui, avec Pauline Marois, au lieu de corriger sa stratégie référendaire perdante, il la met indéfiniment en réserve et envoie promener la souveraineté quelque part dans l'orbite de Sirius. Que reste-t-il ? Il reste la consolation, sous la double forme de l'espérance désincarnée et de l'interrogation académique : le « rêve » du pays et le « pourquoi » du pays. Songerie compensatoire et jonglerie sans conséquence. Laissez reposer en paix les moyens de la souveraineté, exhorte sœur Pauline, et recueillez-vous plutôt sur ses raisons ! Le PQ ou la capitulation nationale comme catéchèse !
L'imposture péquiste dure parce que l'électeur n'a pas le choix. Dans l'isoloir, le choix de l'indépendance ne lui est pas offert et le rapprochement qu'il peut établir encore entre l'indépendance et le PQ est lié plus au passé qu'au présent. Elle se dissipera, cette imposture, quand un parti briguera les élections avec l'intention claire d'utiliser le gouvernement pour réaliser l'indépendance.
C'est ce choix électoral qu'est en train de construire le bien nommé Parti indépendantiste. Il ne s'agit pas d'enseigner aux Québécois le pourquoi de l'indépendance, mais de la leur offrir quand ils vont voter.
Le choix électoral de l'indépendance
L'imposture péquiste dure parce que l'électeur n'a pas le choix
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6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
3 septembre 2007Être alerte et agir en conséquence pour assurer son devenir collectif, là est la vie d'un peuple progressiste; rester dans l'indifférence à tout ce qui le marginalise collectivement, là est la mort de son idiosyncrasie. Car un peuple qui ne bouge pas ne peut sentir les chaînes qui le maintiennent séquestré.
Archives de Vigile Répondre
1 septembre 2007Enfin un peu de bon sens! Merci, monsieur Turcotte.
Je crois, d'ailleurs, que le mot "indépendantiste" est
un néologisme créé par nul autre que Pierre Bourgault.
Cela lui donne d'autant plus de légitimité et de force!
Claude Jodoin, Boca Raton FL
P.S.: L'autre terme (souverainiste) est un bon exemple
de l'élasticité sémantique de la "nov'langue" telle
qu'utilisée par les carriéristes et les opportunistes.
Vous me suivez?
Archives de Vigile Répondre
31 août 2007«Il ne s’agit pas d’enseigner aux Québécois le pourquoi de l’indépendance, mais de la leur offrir quand ils vont voter. » (Richard Gervais)
1er septembre 2007 Bruno Deshaies
Ce n'est pas le « pourquoi» qui est en cause ; c'est surtout le « quoi » qui pose problème. Le malaise est si grand que l'intoxication fédéraliste est dans les rangs des souverainistes eux-mêmes.
Pour faire l'indépendance du Québec, il faut apprendre à penser différemment, c'est-à-dire à considérer la liberté collective comme un bien en soi. C'est justement ce que pensaient nos ancêtres dans le premier Canada avant 1760. Ils n'avaient pas le réflexe de l'« autonomie provinciale » qui consiste à se contenter du « national apparent», c'est-à-dire des traits de différence, de particularisme (langue, lois, religion, coutumes, habitudes et autres concessions locales accordées par l'article 92 de l'A. A. N. B. de 1867).
L'indépendance, c'est plutôt l'article 91 du même acte constitutionnel de 1867. Ça, c'est le Canada-Anglais « pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement ». J'aimerais bien connaître ce qu'en pense Pauline Marois et Gilles Duceppe de cet article majeur qui consacre les grands « pouvoirs » au gouvernement canadian.
Tout ceci pour dire qu'il ne faudrait pas avoir autant de conceptions de l'indépendance « à leur offrir » le jour du votes qu'il y aura d'indépendantistes ! Fondamentalement, l'indépendance du Québec serait séparation comme l'indépendance du Canada l'est bien des États-Unis malgré qu'il soit satellite de ce pays. Il a l'avantage d'être « séparé », ce qui n'est pas le cas du Québec, car il est « annexé ».
Les Canadians ne pensent par leurs relations avec les États-Unis comme des « annexés » même s'ils subissent de très fortes pressions de la nation américaine ou étasunienne. Quand commencerons-nous à changer nos réflexes politiques d'annexés ?
Maxime Schinck Répondre
31 août 2007Je cite M. Bousquet :
« Fait que...notre Pauline a mis l’option constitutionnelle du PQ sur la glace pour avoir une chance de faire élire le PQ à la prochaine occasion et ça lui réussit. »
L'idée derrière ce commentaire est qu'il faut d'abord et avant tout se débarasser de la mauvaise gouvernance. Aujourd'hui, il s'agit du PLQ et de l'ADQ.
Le problème, c'est que ce n'est pas l'objectif des indépendantistes. Ceux-ci ne veulent pas gouverner mieux que les autres: ils veulent gouverner de façon différente des autres. Plus précisément, ils veulent la liberté, ils veulent un pays.
Une fois qu'on sera libre et indépendant, on se chicanera sur ce qu'est la bonne et la mauvaise gouvernance. Si vous croyez que la qualité de la gouvernance l'emporte sur la liberté, eh bien c'est fort simple : ne votez pas pour un parti indépendantiste.
Archives de Vigile Répondre
31 août 2007Va-t-on un jour cesser de diviser les souveranistes entre purs et durs et mous -pâte-de-guimauve?
Un souverainiste, c'est un souverainiste: il est ce qu'il est. Rien de plus, rien de moins. S'il est mou-pâte-de-guimauve, il n'est pas souverainiste. Mario Dumont entre dans cette catégorie. Gilles Duceppe aussi. Bernard Landry, Boisclair, Marois en plus. Ça commence à faire pas mal de monde.
Pour éviter tout ce charabia, utilisons donc tout simplement le très beau mot «indépendantiste». On verra bien si les bloquistes-péquistes-confédéralistes vont suivre...
Nestor Turcotte- Matane
Archives de Vigile Répondre
31 août 2007Messieurs Bernard Landry en 2003 et André Boisclair en 2007 ont tous deux promis de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec dans leur premier mandat. C'était tellement ça que plusieurs commentateurs ont blâmé les piètres résultats du PQ à ces 2 chefs et à cette promesse vu que beaucoup de Québécois n'en voudraient pas à courte échéance.
Fait que...notre Pauline a mis l'option constitutionnelle du PQ sur la glace pour avoir une chance de faire élire le PQ à la prochaine occasion et ça lui réussit.
Il me semble qu'environ 50 % de Québécois du 40 % qui se déclarent souverainistes sont un peu mous de l'option "seulement si c'est pour plus tard" comme Mme Marois leur offre. Les plus convaincus voteraient probablement pour le PI s'il va chercher quelques têtes d'affiche de plus et du financement "le nerf de la guerre politique".
On pourrait appeler ça " LA SOUVERAINETÉ À 2 VITESSES" qui devrait diviser les souverainistes durs et mous.