Le banc d’essai

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«Les fédéralistes ont bien plus peur du couple Snyder-Péladeau que du PQ»

Il faut généralement se garder de tirer des conclusions trop hâtives d’une élection partielle qui est tenue plus de trois ans avant la prochaine générale, mais celle qui aura lieu lundi dans Chauveau pourrait bien être prémonitoire.

À entendre les explications emberlificotées de François Legault, il était difficile de croire que le compte Twitter de sa candidate, Jocelyne Cazin, puisse réellement avoir été piraté. Il est clair que « la Julie a eu le crachoir » mercredi. Dans le fascinant reportage sur les coulisses de la course à la chefferie du PQ qu’il vient de publier, le collègue de L’actualité Alec Castonguay présente Mme Snyder comme « l’arme de séduction massive » du nouveau chef péquiste. Sa visite dans Chauveau constituait en quelque sorte un banc d’essai, et ceux qui en ont été témoins ont été impressionnés.

Dans son reportage, Castonguay rapporte les propos du directeur de campagne de M. Péladeau, Alain Lupien, selon lequel « les fédéralistes ont bien plus peur du couple Snyder-Péladeau que du PQ ». Les stratèges de la CAQ doivent éprouver la même crainte. Lors la prochaine élection générale, il faut s’attendre à ce que Mme Snyder soit omniprésente.

Le PQ part de loin dans Chauveau, où son candidat n’avait recueilli que 12 % des voix à l’élection du 7 avril 2014, soit 40 points de moins que Gérard Deltell et 17 de moins que le candidat libéral. Il paraît bien improbable que le PQ puisse rattraper un tel retard d’un seul coup, mais s’il arrivait à passer le cap des 20 %, voire à doubler son score de 2014, ce serait de bon augure pour la suite des choses. Lors de la partielle de Lévis, en octobre dernier, il avait perdu la moitié de son vote, qui était passé de 16 % à seulement 8 %. En mars, il a réussi à conserver son château fort de Richelieu, mais il a quand même perdu 3 points.


On s’est indigné récemment de l’utilisation que Pauline Marois a faite de l’allocation qui lui est octroyée à titre d’ancienne première ministre en accordant un contrat de 24 500 $ à la journaliste et ex-candidate péquiste dans Charlesbourg, Dominique Payette, pour dresser un portrait des médias de Québec, autrement dit des stations de radio-poubelles, auxquelles le PQ attribue en grande partie ses déboires dans la région depuis des années.

Alors que Mme Marois évitait systématiquement ces stations, très prisées des électeurs caquistes, son successeur n’hésite pas à les fréquenter, et il y fait très bonne impression. À Québec comme ailleurs, il est clair que M. Péladeau — sans parler de sa conjointe — pourrait attirer au PQ une clientèle qui lui était traditionnellement réfractaire.

Dans l’immédiat, le danger pour que la CAQ n’est pas tant de perdre Chauveau aux mains du PQ que de lui céder suffisamment de voix pour permettre à la candidate libérale Véronyque Tremblay de se faufiler.

Les transferts de voix du PLQ au PQ sont plutôt rares. La presque totalité des gains péquistes attribuables à l’entrée en scène de M. Péladeau se fera essentiellement aux dépens de la CAQ. Certes, il y a de nombreux fédéralistes parmi les électeurs caquistes. Dans une élection partielle, dont le résultat ne risque pas de modifier l’équilibre des forces à l’Assemblée nationale, la crainte de la souveraineté devrait toutefois être un facteur moindre.

Le taux de participation avait été de 76 % dans Chauveau en avril 2014. Il sera sans doute nettement plus bas lundi, ce qui devrait avantager les libéraux. Traditionnellement, les électeurs plus âgés, largement favorables au PLQ, sont plus faciles à mobiliser que les jeunes familles sur lesquelles mise la CAQ,


À voir François Legault se débattre comme un diable dans l’eau bénite, il est clair qu’une défaite dans Chauveau serait une véritable catastrophe pour la CAQ. Depuis des semaines, on a l’impression que c’est devenu son unique préoccupation. À l’Assemblée nationale, quand il s’indigne d’une nouvelle hausse de la taxe scolaire qui résulterait des compressions budgétaires du gouvernement Couillard, ce sont les contribuables de cette circonscription qu’il donne systématiquement en exemple.

M. Legault semble même prêt à prendre des raccourcis intellectuels qui risquent de nuire à sa crédibilité à plus long terme dans l’espoir d’un gain immédiat. Sa déclaration sur l’effet négatif que l’engagement souverainiste de M. Péladeau pourrait avoir sur l’obtention d’une franchise de la LNH a été généralement considérée comme une ineptie.

Les libéraux ont plutôt actualisé les bonnes vieilles méthodes. De nos jours, on ne distribue plus les bouts de route, mais les groupes de médecine familiale (GMF). Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en a promis quatre dans Chauveau, en plus d’une super-clinique. « Ce que je vous dis, ce n’est pas simplement électoral, a déclaré l’impayable ministre. Quand on vote pour Véronyque, on vote pour cet engagement, on vote pour que ça se fasse ». Et si on ne vote pas pour Véronyque, ça ne se fera pas ?


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