Laïcité: construire la maison commune

109822abec458772d6983295fa81003b

« Retenons surtout que le peuple québécois fait des gains quand il se tient debout et non quand il multiplie les courbettes. »



Le Québec a maintenant sa Loi sur la laïcité de l’État.




Est-ce un moment historique ? Oui et non.




Oui, car on affirme enfin ouvertement un principe fondamental et nécessaire, implicite depuis la Révolution tranquille.




Non, car cette loi était un strict minimum.




En notant que l’affaire traînait depuis trop longtemps et qu’il n’était pas venu en politique pour cela, le premier ministre traduisait bien cette ambivalence.




Dévoilement




L’aspect le plus positif de l’affaire est surtout que ni le gouvernement ni la majorité francophone ne se sont laissé intimider par l’intense campagne de dénigrement, de culpabilisation et d’intimidation intellectuelle venant des milieux habituels.




L’acquis est modeste, mais posons-nous la question : à quand remontait la dernière affirmation victorieuse d’un principe fondamental soutenu par la majorité francophone du Québec sans l’approbation du Canada anglais ?




Est-ce fini ? Bien sûr que non.




Certes, on voit mal le PLQ ou QS s’engager, lors des prochaines élections, à revenir en arrière.




Ce serait un suicide politique.




Mais comme prévu, la première contestation juridique est arrivée hier : on allègue que la religion est une compétence partagée au plan constitutionnel.




D’autres évoqueront sans doute l’article 27 de la Charte canadienne, qui stipule que son interprétation doit concorder avec l’objectif général de promouvoir le multiculturalisme.




Pendant cette saga, on a appris à mieux connaître divers protagonistes.




Le PLQ et QS ont achevé sous nos yeux leur mutation génétique en petites créatures de la grande famille des mammifères trudeauistes.




Dans le monde intello-médiatique, des gens qui n’ont habituellement à la bouche que le mot « tolérance » l’étaient de moins en moins pour les vues opposées.




La hargne montait avec l’impuissance.




Le moment le plus triste ? Le dernier tour de piste de Charles Taylor et de Gérard Bouchard.




Le premier, un des grands intellectuels produits par ce pays, faisait penser au vieux boxeur qui refuse le passage du temps et remonte sur le ring pour le combat de trop.




Le second nous a sorti sa version personnelle du désolant, de l’accablant, du décourageant : « Qu’est-ce que les autres vont penser ? »




C’est ce qu’on appelle, comme le note le philosophe Serge Cantin dans la dernière livraison de L’Action nationale, « penser dans l’œil de l’autre » ou, si vous préférez, se définir à travers le regard d’autrui.




Ce qui est bon, c’est ce qui est approuvé, consenti par l’étranger ou par celui qui vous domine. S’il porte sur vous un jugement négatif, c’est forcément que vous êtes dans le tort.




Il y avait là quelque chose qui renvoyait à des attitudes dont on aimerait pouvoir dire que le Québec s’était éloigné ou, du moins, dont on pouvait espérer qu’elles ne soient plus véhiculées par des intellectuels censés éclairer leur propre peuple.




Debout




Notre longue marche sur le chemin rocailleux de la laïcité est loin d’être achevée.




Pour le moment, retenons surtout que le peuple québécois fait des gains quand il se tient debout et non quand il multiplie les courbettes.




Des courbettes, il en a beaucoup fait.