L’expression est sortie de la bouche de Marie-France Bazzo, présente dimanche dernier à l’émission « Tout le monde en parle », diffusée sur les ondes de Radio-Canada. L’invitée de Guy A. Lepage dénonçait énergiquement ces « assemblages d’argumentaires » qu’une pseudo élite médiatique impose aux Québécois.
Ces « combinaisons idéologiques » horripilent l’animatrice qui paraît à l’écran de la chaîne publique de Télé-Québec. Souvent basées sur du vent, elles parviennent malheureusement à étouffer la tenue de débats qui pourtant feraient progresser certains enjeux qui piétinent. C’est tout le climat social qui est ainsi empoisonné.
Celui qui ose sortir de ces « schèmes configurés » devient alors la cible de condamnations toutes aussi programmées. Exit ainsi les nuances au Québec! Point de Salut à l’esprit qui s’exprime hors des stéréotypes dogmatiques! Il y a longtemps aussi que je ressens une vive colère face à cet enfermement insidieux de l’esprit.
Personne n’a osé prononcer le mot indépendantiste, durant l’émission de dimanche dernier, alors qu’il y avait là pourtant des gens qui le sont. Certes, l’hôte a déjà avoué qu’il l’était. Mais comme la soirée a abordé le domaine politique tout en arborant la muselière dénoncée, des invités comme Yves Lambert ont préféré employer les mots feutrés autorisés. Il a donc été question d’identité, d’amour de la langue et de fierté culturelle mais sans identifier le dénominateur commun qui cimente toutes ces caractéristiques qui forment les peuples. Navrant.
Se dire indépendantiste présentement au Québec fait ringard. On évacue alors rapidement le sujet. Laissons-le aux gens de la « clique du Plateau », des Montréalais fendants, insouciants des besoins du « Québec des régions. » Voilà comment le discours officiel peut aussi éliminer la question nationale. Occupons-nous plutôt des nids-de-poule, qu’un autre a proposé, à l’émission!
Pourtant, les Québécois qui résident hors des centres urbains sont plutôt indépendantistes. Certains n’aiment pas qu’on leur rappelle par crainte d’être l’objet des quolibets d’usages. Reste que ceux-ci appuient largement le Parti québécois qui veut toujours débarrasser le Québec de son boulet provincial, selon les derniers sondages. Ils veulent protéger leur langue et leur culture et souhaitent que les nouveaux arrivants adoptent leurs caractéristiques nationales.
N’est-ce pas ce que veulent justement les Québécois francophones qui habitent les villes? Comment alors expliquer ce curieux froid entre Montréal et les régions? Ne tente-t-on pas de berner tout le monde ici? N’y aurait-il pas finalement une tentative de nous (!) diviser en plaçant dans la bouche des gens des stéréotypes idéologiques qui les mêlent?
Certains enjeux importants qui auraient pu ranimer l’intérêt du projet de pays ainsi risquent de passer inaperçus, grâce à l’aseptisation des débats au Québec. La question des accommodements raisonnables ne réussira pas à donner le goût de la nation aux Québécois parce qu’on y aura efficacement accroché le grelot de l’intolérance. La bilinguisation du Québec n’alarmera personne non plus, même si un rapport dissimulé par des bonzes de l’Office de la langue française dénote que les transferts linguistiques désavantagent les francophones du Québec. L’objectif indépendantiste ne redeviendra donc pas prioritaire parce que celui qui dénonce un tant soit peu l’usage de la langue anglaise est considéré comme un hurluberlu qui vit dans le déni. Même Pauline Marois, chef du Parti québécois, a trouvé le moyen d’être embarrassée, parce qu’elle a un accent lorsqu’elle s’exprime dans la langue de Shakespeare…
Le résultat de cette lobotomie collective est d’une tristesse à mourir. Le gouvernement conservateur dépense des milliards pour terminer le gâchis que les Américains ont produit en Afghanistan, au grand dam des Québécois qui se disent pacifistes. Pourtant, ces derniers n’osent pas briser les chaînes qui ont figé leur esprit : ils ne dénoncent pas l’action belliqueuse d’Ottawa, au nom d’un patriotisme militaire bidon. Idem pour le saccage environnemental en Alberta qui afflige la planète, pire que les dégâts que produit l’abattage des arbres de la forêt amazonienne. Stephen Harper peut en effet dormir tranquille: il peut espérer faire élire davantage de candidats au Québec, bien que les électeurs québécois ne veulent pas d’élections… parce qu’on leur a dit qu’ils n’en veulent pas.
On comprend mieux maintenant pourquoi l’étoile du premier ministre Jean Charest brille pour la première fois, depuis son arrivée à la tête du Québec. La somnolence collective dans laquelle baigne les Québécois les rend en effet chatouilleux, dès qu’il est question de débattre de quelque chose énergiquement. Certes, des soubresauts ont été observés, durant le premier mandat du gouvernement libéral. Mais la frilosité de parler des vraies solutions, parce qu’il aurait été décrété que ce ne serait plus à l’ordre du jour, a généré ce triste coma. D’où cette désolante réaction sociétale de préférer avoir au pouvoir un gouvernement tout aussi inerte intellectuellement.
Je vous laisse pour la relâche. J’espère vous retrouver dans une meilleure humeur!
Patrice Boileau
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
27 février 2008L'annexion du Québec par le Canada qui l'a réduit à un demi état n'est pas sans conséquence. Symptomatique de ce rapport de force est la réduction de l'espace intellectuel à laquelle nous sommes confiné: La provincialisation des esprits. Toutes pensées d'envergure est proscrite, on y cultive la petitesse comme une vertu cardinale. N'a t on pas une Capital Nationale qui se voit et se comporte plutôt comme un "village".
JCPomerleau