La Grèce vent debout contre le diktat libéral du FMI

Crise de l'euro


Régis Soubrouillard - Marianne - Venus examiner la mise en oeuvre du plan de sauvetage censé permettre à la Grèce d'échapper à la faillite, les inspecteurs du FMI, de la BCE et de l'Union Européenne ont suscité une vague de colère dans le pays. Les prêteurs ont estimé que Athènes devait redoubler d'efforts, allant jusqu'à demander de privatiser ses plages. Dénonçant l'ingérence des institutions, Papandréou s'en est allé parler du pays à DSK.
l’ombre des révolutions égyptiennes et tunisiennes, de même que la Côte d’Ivoire se cherche toujours un président légitime, la Grèce s’enfonce dans un chaos persistant confrontée à une crise budgétaire sans équivalent depuis un an, acculée par la pression toujours plus forte du FMI et de l’Union Européenne.
En bonne brigade de police financière internationale, le FMI a fait une nouvelle descente, la semaine dernière du côté d’Athènes. Maniant un peu la carotte et beaucoup le bâton, la « Troïka », comme les Grecs appellent leurs créanciers, a salué vendredi au cours d'une conférence de presse les progrès réalisés par le pays, qui a réduit en un an de six points de pourcentage son déficit public, tombé à 9,4% du produit intérieur brut (PIB) contre 15,4%.
Côté bâton, les inspecteurs de l’UE et FMI ont eu la main lourde invitant la Grèce à accélérer ses réformes et à procéder à davantage de privatisations. Après une inspection complète des finances du pays, les inspecteurs ont jugé que les réformes structurelles devaient être encore « accélérées » et « étendues ». Les prêteurs ont estimé que les privatisations devraient permettre de recueillir 50 milliards d'euros entre 2011 et 2015. Le précédent objectif du gouvernement était de sept milliards d'euros entre 2011 et 2013. Deux ans de plus pour trouver sept fois plus d’argent et démanteler toujours un peu plus l’appareil d’Etat.
Après avoir réformé les retraites, abaissé les salaires des fonctionnaires et engagé une vaste réforme pour ouvrir à la concurrence une myriade de professions jusqu'à présent protégées, le gouvernement grec est désormais sommé de procéder à une réforme de l'administration fiscale pour mieux lutter contre la fraude, à restructurer son secteur bancaire et à mieux contrôler ses dépenses publiques, notamment dans le secteur de la santé. Le FMI ne fait pas dans la dentelle. Un véritable système de ventes à la découpe des biens publics à l’échelle d’un pays. Le 1er avril 2010, un blog laissait entendre que le gouvernement pourrait vendre certaines de ses îles pour payer sa dette. Il s'agissait d'une blague. Nous n'en sommes plus là...
Les révélations du quotidien To Vima indiquent ainsi qu’après les ports, les aéroports, les chemins de fer, l’électricité, le nouveau plan recommande, également la privatisation… des plages touristiques du pays « pour développer le tourisme et le marché des propriétés ». Le Parthénon, Delphes, et le Temple d'Apollon, une question de jours ?
La montée en puissance des « je paie pas »
Mercredi dernier, deux jours après le débarquement des agents « bazookas » du FMI et de l’UE, plusieurs milliers de médecins étaient descendus dans la rue afin de protester contre une réduction des dépenses de santé. Dans le même temps, les cas de désobéissance civile se multiplient à travers le pays. Selon le quotidien Suisse Le Matin, Apostolos Gletsos, le maire de Stylida, une commune de 6800 habitants située à 140 kilomètres au nord-ouest d’Athènes, est devenu un héros national pour avoir pris les commandes d’un bulldozer de la voirie et défoncé la barrière d’un péage autoroutier tout proche : « Je l’ai fait pour protéger les droits des citoyens qui devraient pouvoir se déplacer librement, a-t-il expliqué avant d’être arrêté. Je ne le regrette pas et si c’était à refaire, je le referais» a-t-il déclaré au journal.
Face aux augmentations, frôlant parfois les 40% des billets de transports en communs et péages, les coupes budgétaires dans le système de santé, la vague des « je ne paie pas » commence à se faire entendre, soulevant les barrières de péage ici, refusant de payer les taxes hospitalières là.
Evoquant les groupes opposés à l'ouverture de professions strictement réglementées, Poul Thomsen, le chef de la délégation du FMI a affirmé que « certains des groupes qui descendent dans les rues, les chauffeurs routiers, les pharmaciens se cachent derrière leurs privilèges qui leur permettent d'extorquer des prix élevés, d'imposer un lourd fardeau au reste de la société ».
Le ministre des Infrastructures, Dimitris Reppas, a répliqué que le nouvel objectif pour les privatisations n'était pas réaliste : « Recueillir 50 milliards d'euros d'ici 2015 grâce à la privatisation de biens de l'Etat n'est pas possible », a-t-il affirmé samedi à la télévision publique TV Net.
Papandréou appelle Strauss-Kahn pour lui parler du pays
Probable candidat aux primaires socialistes, que pense donc DSK de ce vaste programme de privatisations, véritable diktat libéral imposé à un pays sous perfusion ?
Lors d’une conversation téléphonique, le premier ministre grec George Papandréou a vertement parlé du pays à DSK, transmettant « le message du gouvernement grec concernant le comportement inacceptable des représentants de la Commission européenne, de la BCE (Banque centrale européenne) et du FMI lors de la conférence de presse d'hier », affirme un communiqué du premier ministre.
Porte-parole du gouvernement grec, Georges Petalotis a, de son côté, a dénoncé les ingérences des institutions internationales et européennes : « Nous ne demandons à personne de s'ingérer dans les affaires intérieures. Nous ne prenons nos ordres que du peuple grec ».
Apparemment peu inquiet de mettre le feu aux poudres, le chef de la délégation du FMI, Poul Thomsen a invité les Grecs à courber l'échine pour ne pas laisser « ceux qui ont des intérêts » personnels empêcher le plus grand nombre de profiter des privatisations. Sans préciser s’il s’agissait des plages.


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