On croyait que la messe était dite et que le dossier était classé. Il n'en est rien, le débat sur la laïcité vient de trouver l'étincelle qui manquait à sa flamme. C'est du moins ce qu'en pensent les spécialistes, qui sont loin d'être surpris par le jugement rendu aujourd'hui par la Cour suprême, interdisant la prière au conseil municipal de Saguenay.
« C'est un jugement qui risque de ramener au Québec le débat sur la laïcité. »
— Benoit Pelletier, professeur de droit à l'Université d'Ottawa
Le débat a d'ailleurs déjà rebondi à l'Assemblée nationale où les partis d'opposition à Québec s'en sont emparés. Ils estiment que le gouvernement libéral de Philippe Couillard se doit de déposer un projet de loi sur la laïcité de l'État.
Le sort du crucifix suspendu au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale a aussi été ramené sur le tapis. Tant le PLQ que la CAQ ont déclaré mercredi être pour son maintien au Salon bleu, alors que le PQ s'est dit ouvert à ce qu'il soit déplacé, ce que souhaite fortement Québec solidaire.
Or, selon le constitutionnaliste Benoît Pelletier, l'emplacement du crucifix « pourrait être contesté en vertu des principes généraux qu'énonce la Cour suprême du Canada ».
« Le caractère traditionnel ou patrimonial d'un symbole religieux n'est pas une raison en soi pour que l'État en profite pour professer une religion ou favoriser une religion », précise-t-il en entrevue à Radio-Canada.
Le message envoyé par la Cour suprême souligne « l'importance d'une apparence de neutralité religieuse », enchaîne pour sa part Daniel Weinstock, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université McGill.
Pour M. Weinstock, le tribunal dit que les assemblées législatives sont les lieux par excellence de notre démocratie pour que tous puissent s'y sentir chez soi. Et cela s'accompagne d'une neutralité beaucoup plus élevée qu'ailleurs.
« Il y a un message envoyé, qui change en quelque sorte le contexte intellectuel dans lequel se pose la question pour nos parlementaires s'ils doivent maintenir ou non ce crucifix. »
— Daniel Weinstock, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université McGill
Dans le jugement rendu public ce matin, le juge Clément Gascon écrit au nom de ses collègues : « Si, sous le couvert d'une réalité culturelle, historique ou patrimoniale, l'État adhère à une forme d'expression religieuse, il ne respecte pas son obligation de neutralité ».
« Est-ce que le fait que le président de l'Assemblée nationale siège sous le crucifix, ce n'est pas une façon d'exprimer une adhésion à une forme d'expression religieuse? »
— Daniel Baril, anthropologue et membre du Mouvement laïque québécois.
Pour M. Baril, il ne fait pas de doute, il y a là des munitions pour continuer le combat contre le maintien du crucifix au salon bleu. Les élus n'ont pas le choix, ils doivent y réfléchir, estime Daniel Baril.
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