Plusieurs dénoncent l’immaturité politique des québécois, moi je le fais depuis longtemps, mais presque tous demeurent perplexes. Il y a pourtant des explications, plusieurs textes ont été écrits depuis des années pour décrire le comportement des québécois. Dans son texte « Que s’est-il donc passé ?» Michel Seymour décrit très bien la pensée politique générale des québécois, leur position historique. C’est une analyse que je partage et que quelques autres sur Vigile partagent aussi, mais dont on ne débat jamais bien longtemps. M. Gilles Bousquet, par exemple, partage ce diagnostic, M. Luc Archambault aussi je crois, et quelques autres. Quand on voit le vote des québécois aujourd’hui, on devrait sur Vigile se mettre à examiner ce diagnostic sérieusement. Ici non plus on ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé.
M. Seymour dit :
« Plusieurs Québécois sont en effet encore à la recherche d’une troisième voie dans le débat constitutionnel. Cette hypothèse s’appuie sur ce que les sondages nous révèlent depuis 1995. … environ les deux tiers des Québécois estiment que le Québec a le droit de se séparer, qu’il a les ressources pour faire la souveraineté, et que celle-ci est réalisable. Mais en même temps, près des deux tiers de la population québécoise croient encore que le fédéralisme est susceptible d’être réformé. »
Je disais en 2006 dans le texte « Les Québécois ne sont pas vraiment ambivalents » :
« Les Québécois ne sont pas ambivalents : ce qu’ils veulent est utopique, et comme ils ne s’en rendent pas compte, ils croient, ils veulent croire que le Canada des 2 ou 3 nations est possible, et qu’on y arrivera en trimant dur, en chiennant, en travaillant plus fort que les autres. Mais même ce sentiment profond est tu, nous n’aimons pas en parler. En fait, oui, Trudeau avait raison, nous sommes plutôt médiocres politiquement. C’est à cela qu’il faut travailler. »
La meilleure façon, je le répète, pour amener les gens à voter pour leur pays, ce n’est pas de prêcher l’indépendance, c’est de travailler à ce qu’ils deviennent de meilleurs citoyens, qu’ils s’occupent et se préoccupent minimalement des affaires de la Cité, de leurs affaires. Plusieurs commencent à comprendre l’importance primordiale des médias dans la vie politique au Québec, leur rôle coupable dans cette immaturité politique de la population. Plusieurs voient bien aussi toute la futilité d’être pur et vertueux afin de se faire aimer par le plus grand nombre, alors que les brutes se font élire et réélire. Les choses changent, elles changent depuis longtemps mais aujourd’hui, le cycle du BQ est terminé. Il est temps que le PQ change aussi.
M. Seymour dit :
« … ils – les québécois - sentent confusément que la démarche souverainiste n’est légitime que si elle se fonde sur le refus du Canada de reconnaître le peuple québécois. Si le Québec ne peut être reconnu dans le Canada, il a alors le droit de chercher la reconnaissance internationale en devenant souverain. Mais puisqu’ils croient encore à la possibilité de réformer le fédéralisme canadien, ils s’associent à un parti fédéraliste qui leur promet une ouverture. »
« …Même si on a l’intime conviction que l’État fédéral est incapable de se réformer, il faut s’ajuster à la démarche de la majorité des Québécois. En appuyant le NPD, les Québécois disent qu’ils veulent à nouveau chercher un arrangement à l’intérieur du Canada. ».
Nous sommes isolés depuis des décennies, il est temps d’en prendre acte, un référendum comme les 2 précédents (la séparation assortie d’une association) ne peut pas être gagné, sauf peut-être à l’arraché comme c’était possible en 1995. Même si le PQ ne fixe pas d’échéancier, il tient encore à un référendum identique.
Prenons position. Que les québécois se prononcent sur ce qu’ils veulent au fond d’eux-mêmes, qu’on leur fasse le dire haut et fort, formellement, officiellement. Ça leur fera du bien, après ils seront libérés. Avec le temps ils s’émanciperont encore quelque peu, et ils finiront par comprendre la nécessité du pays.
Pour les tenants d’un référendum absolument, posons la question directement. Posons la question à laquelle les québécois veulent dire oui. Non pas « Voulez-vous que le Québec devienne un pays ?», ce n’est pas ça la question fondamentale pour les québécois.
Exigeons la refonte du Canada, déclarons formellement que le Canada doit changer, réclamons enfin la justice. En 2006 je disais : Posons la question aux québécois :
« Voulez-vous que la Constitution du Canada, que toutes les autorités du Québec n’ont jamais acceptée depuis sa transformation forcée en 1982, soit revue et corrigée pour qu’elle prenne compte de la réalité nationale des Québécois et des Amérindiens ? »
Avec un vote à 70% des Québécois, on aura matérialisé la nation, on aura accéléré la prise de conscience des citoyens. Nous aurons pour la première fois une existence formelle sur la planète, et une posture solide face au Canada. Après une telle déclaration des Québécois il ne sera plus possible, pour quiconque, de nier la réalité.
Mais les circonstances aujourd’hui permettent mieux que ça, j’y reviens plus loin. M. Seymour dit :
« Il faut cesser de voir dans le projet d’une réforme constitutionnelle canadienne une option que les souverainistes ne peuvent accepter sans se contredire. Il n’y a là aucune contradiction quand on est un souverainiste de conclusion. »
***
Si Jean Charest n’est plus là dans 2 ans, aux prochaines élections au Québec, Mme Marois sera encore moins un choix enthousiasmant pour les voteurs québécois, représentant quasiment l’ancien temps. L’image, l’image, l’image, les québécois votent pour la bonne bouille du chef. Mais on ne sait jamais, le contexte peut être différent, il est possible par exemple que des gaffes de tous ordres surviennent dans la société, des erreurs provoquées par l’inexpérience ou la témérité de jeunes gens, un contexte qui ferait paraître Mme Marois comme une figure rassurante. Cela n’est pas impossible même si aujourd’hui, c’est tout le contraire.
Qu’elle se mette tout de suite à l’ouvrage si elle croit qu’elle peut améliorer son image auprès du public (à peu près 20% d’appréciation). Elle disait récemment, alors que la vague NPD devenait une menace sérieuse, que les québécois devraient être cohérents. Elle se trouvait à dire que les gens devraient voter BQ pour être cohérents avec …, avec quoi ? À mon sens c’était encore un manque flagrant de jugement : depuis sa consécration au parti (93% d’appui au dernier congrès), probablement à cause de son habitude à l’alternance fatidique, elle a fait l’amalgame et a cru que la population lui était maintenant plus favorable. Elle a beaucoup de travail à faire. Malgré ma déclaration faite sur Vigile le soir de l’élection, je ne déteste pas Mme Marois, je dis simplement que la population ne l’aime pas et n’est pas disposée à l’écouter. Il n’est pas impossible à Mme Marois ou à son entourage peut-être de changer les choses mais je ne vois pas ce qu’elle peut faire ; elle ne peut tout de même pas se mettre à jouer un rôle, faire semblant d’être quelqu’un d’autre.
Si Mme Marois veut être prise au sérieux par les souverainistes qui approuvent son plan, comme moi, mais qui ne croient pas que le PQ pourra le mettre à exécution une fois aux commandes de l’État, elle n’a qu’à se mettre à l’ouvrage tout de suite, pas seulement une fois au pouvoir. On a encore à peu près 2 ans. Mme Marois, donnez-nous le goût de vous croire et de vous suivre.
Son plan prévoit une Constitution Québécoise, eh bien qu’on s’y mette tout de suite, qu’on en parle pendant 2 ans (au bénéfice de l’éveil politique des citoyens) et qu’on se présente aux élections avec ça en main. Que l’élection vienne entériner cette Constitution. Est-ce trop risqué, est-ce plus risqué que de ne rien faire et espérer ?
Mme Marois peut faire mieux, elle devrait s’inspirer de ce que dit M. Seymour. Pour calmer les alarmés comme moi Mme Marois pourrait agir en ce sens d’ici aux prochaines élections.
Par ailleurs, même si elle ne veut pas fixer de date elle déclare tout de même qu’il faudra passer par un référendum un jour ou l’autre. Elle ne démords pas du référendum, comme la plupart des péquistes je crois. Pour réintégrer la confiance de ceux qui demandent la promesse de tenir un référendum, si elle a pris soin de doter le parti au moins de sa position constitutionnelle, si ce n’est d’un projet formel ou encore mieux, un texte prêt à être entériné, Mme Marois pourrait promettre un référendum sur la refonte du Canada, comme je le suggérais tout à l’heure. Toutes les chances étant pour le Oui, la Constitution Québécoise ayant été approuvée par la population lors de l’élection, Mme Marois peut, sans trop perdre de marge de manœuvre, s’avancer à promettre un référendum dans le premier ou le deuxième mandat, un référendum portant sur le choix entre la Constitution Québécoise ou la Constitution canadian.
Ce pourrait être une question structurée à 2 tours, avec la première question proposée précédemment au sujet de la Constitution canadian, puis une seconde question, une semaine plus tard, présentant la Constitution québécoise.
Le PQ doit réinvestir l’espace public et bousculer l’agenda autant que possible. Qu’on parle de cette Constitution à venir et lorsqu’elle sera prête, qu’on en parle encore longtemps avant de la soumettre aux voix. Et si un référendum est annoncé, qu’on annonce également la question tout de suite, pas seulement 30 jours avant l’échéance. On aura le premier bénéfice d’obtenir une population plus mature politiquement, préoccupée de son avenir.
***
Je ne sais pas moi non plus si le BQ devrait persister ou quitter. Jean-François Lisée a un bon point, c’est peut-être ce qui est le plus sage mais à mon avis, si le BQ doit persister, il doit réorienter sa mission, être à Ottawa pas seulement pour défendre le Québec en attendant qu’il se décide, plutôt pour confronter de façon permanente le ROC sur le point précis de l’exclusion du Québec du contrat primordial, la Constitution, ce code qui régit nos vies. Combattre le Droit canadian qui découle de cette Constitution que nous n’avons pas signée mais qui nous est imposée. Les occasions ne manquent pas. Si entre temps le Québec s’est doté de sa propre Constitution, même si non encore applicable, le BQ aura de la chair autour de l’os, le Droit québécois découlant de la Constitution québécoise commencera à se matérialiser et se légitimer.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 mai 2011Monsieur Bouchard,
Je suis sérieux. Cela n'empêche pas d'être aussi cynique.
Ce que je tentais de dire, c'est que les Québécois sont conditionnés parce qu'ils n'ont pas accès à une autre analyse de leur réalité que celle tendancieuse des médias unitaristes. Il y a lieu d'espérer quand même puisque malgré cette propagande mur-à-mur l'indépendance obtient de façon répétitive un appui de 40 %.
En ce qui concerne mon commentaire sur les Anglos-saxons, je voulais seulement souligner qu'ils n'auraient jamais accepté d'être dominés par une autre nation quitte à ne pas se conformer aux règles démocratiques élémentaires. Ils sont les meilleurs démocrates lorsqu'ils sont majoritaires, mais minoritaires, ils n'ont plus de raison de s'y conformer.
Guy Le Sieur
Vive la République de l'Amérique Française
Archives de Vigile Répondre
5 mai 2011Bonjour M. Le Sieur
je ne suis pas certain de comprendre, êtes-vous cynique ou sérieux ? Bien sûr dans la tête des gens, l'ordre, la loi, le repère de civilisation, c'est le Canada. Et les médias sont les principaux interfaces. Le point de vue Québécois n'est pas pris au sérieux, on en discute toujours comme autant d'hypothèses alors qu'on accepte sans questionner les dictats fédéraux. Inversez les rôles des médias et c'est toute la société qui se revire comme un gant, qui passe de l'autre côté du miroir.
J'ai dit en long et en large ce que je constate à propos de cela, dans plusieurs textes. En voici un, Notre conditionnement (http://www.vigile.net/Notre-conditionnement).
Marcel Haché Répondre
5 mai 2011Ou bien le temps presse ou bien il ne presse pas.
Si le P.Q. reste incapable de s’emparer du dossier de l’immigration, il va parler dans le vent. Qu’il parle français ou anglais, cela serait secondaire à l’électorat. Qu’il parle le plus « pragmatique » qu’il peut sur l’indépendance, il sera en concurrence avec les néo-démocrates et Q.S. amplement capables, plus même, de parler du ramassage des vidanges et du problème des taux d’intérêt de cartes de crédit.
Prendrait-il le Pouvoir que cela ne servirait qu’à discréditer pour de bon sa raison d’être.
C’est précisément alors que le P.Q. était au Pouvoir que les fédéraux ont rapatrié la constitution canadienne contre Nous.
Mais finira-t-on par comprendre que le fédéral n’a ABSOLUMENT aucune crainte d’un P.Q. qui, pour paraître cute, se censure et s’attache les mains, que cela favorise quand même, précisément, les partis fédéralistes à Ottawa, et particulièrement le parti au pouvoir (à Ottawa), que le P.Q. sert depuis très longtemps de repoussoir utile au pouvoir fédéral auprès de son électorat (canadian).
Mais comprendra-t-il bientôt, le P.Q., que c’en est rendu que, maintenant, le pouvoir fédéral-provincial, les partis politiques qui sont au pouvoir, seront bientôt en mesure de feeder Q.S. comme longtemps la stratégie des conservateurs a consisté à se servir du Bloc comme d’un repoussoir utile auprès de son électorat red neck canadian ? Non mais, hou-hou, les bleus sont maintenant en Ontario, pour très longtemps, et les oranges, au Québec, eux aussi sans doute pour longtemps, certainement aussi longtemps qu’ils seront utiles aux stratèges conservateurs pour leurs plans de campagne au Canada*.… Wake up
L’électorat du West Island (y a ben des franco la dedans) doit être confronté, pas minouché, confronté : c’est l’avant-poste votant du Canada lui-même.
La prochaine année pourrait bien être la plus déterminante pour le mouvement indépendantiste. Le temps presse… Et Mme Marois a une responsabilité immense.
* Le R.O.C va faire la même moue hautaine à l’égard de la députation du Québec, néo-démocrate, que celle faite il y a quelques mois encore à l’endroit de la députation bloquiste.
Archives de Vigile Répondre
5 mai 2011Dites-moi Monsieur Bouchard, pensez-vous que les Québécois ressentiraient la même ambivalence ou les mêmes scrupules (le manque de légitimité à « briser » le Canada) si la majorité des médias avaient une ligne éditoriale indépendantiste ? Pensez-vous que nous serions encore une minorité si nous étions des Anglos-saxons ?
Guy Le Sieur
Vive la République de l'Amérique Française