La brique du littéraire en politique

Chronique d'Élie Presseault

Sous nos yeux, l’indignation est portée à son comble. Aujourd’hui même, nous dégageons une démarche millénaire. Pour aussi peu qu’on y prenne garde, nous nous sentons la force de prétexter que le mouvement est tout sauf politique. Avant même de parvenir à cette conjonction des luttes politiques, les artistes ont à émerger des consciences souterraines. Déjà, Paul Chamberland avait écrit ceci [e]n nouvelle barbarie : « Banaliser l’insoutenable, c’est bientôt ne plus le voir. On lui laisse du coup le champ libre, pour ensuite s’étonner, s’indigner quand le mal est fait. »
Pouvons-nous quantitativement décrire le mouvement spontané comme un simple fait générationnel? Il y a tout lieu de relativiser les termes du présent débat. Yves Michaud, Paul Chamberland et Gaston Miron incarnent l’esprit d’une mémoire vivant à l’heure de la Révolution tranquille. Pourtant leurs effets se font sentir jusqu’au jour d’aujourd’hui. Gaston Miron, pour le nommer, réalisa une lutte exemplaire en matière de langue française, d’indépendance nationale et dans le domaine de la littérature québécoise. Nous lui sommes singulièrement redevables de l’influence durable qu’il aura exercé auprès de chacun d’entre nous.
Ainsi, nous avons pu lire dans la chronique de Christian Rioux du Devoir cette interrogation constante à l’œuvre. Lire Miron, c’est non seulement prendre conscience de nos revers et de la hargne qui caractérise la longue lignée des écrivains du pamphlétaire québécois. Poétiquement et de sa présence, Gaston Miron en aura imposé pour les générations qui nous succèderont. Nous ne pouvons le dire d’avance, ajoute-je avec prudence. Comment parler des livres que nous n’avons point lu?
Souventes fois, nous avons eu tendance à snober la littérature quand vient le moment de considérer le domaine de l’action politique. En cette ère de consumérisme excessif, les questions existentielles seraient monétaires. Pourtant, quand nous y regardons de plus près, d’aucuns dénoncent les travers des enseignements de notre histoire. Certains prétendraient que l’histoire nationale se refuserait à céder le pas à l’histoire sociale. Nous n’avons pas dit notre dernier mot, pour sûr. Nulle déconsidération de notre histoire nationale ne saura rétablir ce que cela prend d’inspiration et de connaissances diverses pour marquer l’histoire de manière durable.
Étrangement au sein de notre contrée, nous ne nous posons point la question quand vient le moment de choisir la brique de Pierre Nepveu sur Gaston Miron. Il y aurait tant de choses à choisir. Par exemple, Henri Godard a récemment écrit une autre brique sur Louis-Ferdinand Céline. Pourtant, la singularité de la brique de Nepveu nous frappe toujours autant. Ce n’est quand même pas fréquemment que nous voyons une brique apparaître en nos coins reculés d’Amérique du Nord enneigée. Ah, c’est vrai, j’avais oublié Victor-Lévy Beaulieu bien naturellement… Olivar Asselin aurait-t-il été aussi littéraire qu’il l’aura été en certains moments précis? Ne songeons même pas une minute le demander à Louis-Alexandre Taschereau. Pensons à une femme pour l’ultime brique. Cette brique aura-t-elle disparu au profit de quelque tablette numérique concoctée par les tenants de la « technoscience » ? Une brique reste une brique mais s’évaporera-t-elle pour autant avec le temps…?


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