Compressions à Québec

L'obsession

Enquête publique - un PM complice?


La présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, a beau s'en défendre avec force, il y a un rapprochement à faire entre la situation au ministère des Transports du Québec et les nouvelles compressions de 800 millions que le gouvernement Charest doit imposer à tous les ministères pour arriver à boucler son budget. C'est une affaire d'argent, mais aussi d'approche.
Il est normal qu'un budget soit rajusté en cours de route. Les imprévus existent, il faut bien y faire face, comme le gouvernement a pu le vivre cette année avec les inondations en Montérégie. Généralement, ils sont de l'ordre de 300 à 400 millions de dollars. Mais il y a les imprévus que, par laxisme, entêtement ou idéologie, un gouvernement peut lui-même se dessiner. Avec le gouvernement Charest, les trois scénarios se sont emmêlés, qui mènent à un surprenant manque à gagner de 800 millions.
Le laxisme d'abord. Le rapport Duchesneau vient de nous le confirmer, nous payons trop cher, en magouilles, malversations et «extras», bien des travaux menés sous l'égide du ministère des Transports. C'est une tricherie organisée, qui ne se prévoit pas dans un budget, mais qu'il faut néanmoins payer.
À combien s'élèvent ces dépenses malhonnêtes? Pour le savoir vraiment, il faudrait une commission d'enquête. Mais le gouvernement n'en veut pas. Il est donc malvenu de la part de la présidente du Conseil du trésor de nier, comme elle l'a fait hier sur les ondes de Radio-Canada, tout lien entre les problèmes budgétaires actuels et la situation dans le domaine du transport. Nous la croirons sur preuves, pas sur ses allégations.
L'entêtement, lui, se manifeste par cette obsession bien particulière au Québec d'arriver le plus vite possible à l'équilibre budgétaire. L'Ontario a pris pour cible 2017; ici, c'est l'année 2013 qui est visée. La chose ne sera possible que si l'on gère à courte vue, si l'on ne s'inquiète pas des conséquences des compressions que l'on impose et si l'on ne regarde pas trop au sud de la frontière. Le pari était jusqu'ici tenu. Mais, c'était prévisible, la crise américaine a fini cet été par faire sentir ses effets, et les revenus des exportations ont été moindres que prévu. Ce n'est qu'un début, qui laisse déjà voir d'autres compressions.
Mme Courchesne plaide le fait qu'aucun service aux élèves ou aux malades — car les ministères les plus touchés sont l'Éducation et la Santé — ne sera affecté. Il est possible qu'elle y croie, car ce qui est en cause ici, c'est une idéologie. Pour le gouvernement Charest, l'État n'est qu'une structure légère de services, pas le soutien d'une collectivité, avec ce que cela suppose de perspective, d'expertise, d'encadrement, de suivi.
C'est exactement ce à quoi on assiste au ministère des Transports. Un inspecteur, c'est coûteux, et ça se trouve dans le privé, donc un détail administratif qu'on peut couper si le budget est trop serré! C'est ainsi que 90 % des inspections du ministère sont aujourd'hui confiées à des firmes de génie-conseil. C'est l'indépendance de l'État qui y perd, et c'est la porte ouverte à toutes les combines.
Le gouvernement Charest souligne toujours, quand il se met à sabrer, que 100 millions ici, 300 millions, ça ne représente que 1 % des dépenses de gros ministères: une bagatelle. Mais le vrai coût est ailleurs: c'est la disparition d'une fonction publique assez forte pour contrer le clientélisme, qui est aujourd'hui la marque de ce gouvernement, ce qui affecte notre portefeuille, notre moral et notre confiance en l'avenir. Et cela, ça n'a pas de prix.


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