Le départ de l’étoile montante du Parti québécois Catherine Fournier constitue un autre coup dur pour la formation politique indépendantiste, qui a ignoré selon elle les nombreux signaux de son déclin.
«À force de perdre, le Parti québécois est devenu perdant. Du même coup, il a aussi perdu beaucoup de sa pertinence. C’est logique : pourquoi voter pour un parti incapable de réaliser le projet pour lequel il a été fondé?» a dit Mme Fournier lundi, lors d’une conférence de presse organisée dans sa circonscription, à Longueuil.
Selon la jeune députée, le PQ n’est tout simplement pas le véhicule adéquat pour permettre au Québec de devenir un pays.
Celle qui représentait la jeunesse et le renouveau au PQ a souligné que le mouvement souverainiste a besoin d’un «électrochoc» afin de pouvoir rebâtir une «coalition». Elle se dit maintenant «députée souverainiste indépendante».
Mme Fournier porte un dur coup au Parti québécois, qui devient le quatrième parti en importance à l’Assemblée nationale, avec neuf députés, et passe ainsi derrière Québec solidaire, qui en compte 10.
C’est une autre glissade pour un parti qui est en déclin depuis près de 20 ans. Le président de l’Assemblée nationale François Paradis pourrait d’ailleurs être appelé à trancher alors que Québec solidaire affirme que le titre de deuxième opposition lui revient maintenant d’office.
Un plan flou
Mme Fournier a toutefois été imprécise sur ses intentions. Elle ne sait pas si elle se représentera en 2022 puisqu’elle n’a «pas de plan». Sur les médias sociaux, elle partage un nouveau groupe: «Faut que ça bouge». Elle n’a pas l’intention toutefois de lancer un nouveau parti politique.
«Je veux me donner les coudées franches pour être en mesure de parler à toutes ces personnes qui partagent mes analyses et qu’on puisse se poser la question : maintenant, qu’est-ce qu’on fait?» a-t-elle expliqué.
Chicane
Le PQ n’a pas apprécié cette attaque frontale. Son chef intérimaire Pascal Bérubé a remis en question la légitimité de Mme Fournier comme élue.
Siéger comme députée indépendante après avoir porté les couleurs du PQ en octobre dernier est une forme de «détournement de mandat», estime-t-il. Il croit également que son initiative a pour effet de diviser, plutôt que de rassembler les indépendantistes.
M. Bérubé affirme d’ailleurs ne pas comprendre son raisonnement, puisque le PQ a bientôt l’intention de mener un exercice où « tout est sur la table », incluant la refondation du parti ou un changement de nom.
Peu de temps après, Mme Fournier a servi une réplique cinglante sur Twitter, soutenant que la réaction exprimée par Pascal Bérubé «est à elle seule une bonne démonstration de ce qui ne fonctionne plus dans ce parti».
Qui est Catherine Fournier ?
Les étapes du déclin du PQ
Landry jette l’éponge
En juin 2005, l’ancien premier ministre Bernard Landry quitte de façon fracassante la chefferie du PQ. Il avait obtenu un vote de confiance des militants de 76,2 %. Humilié, il jette l’éponge de façon impulsive. Il dira plus tard regretter ce geste. En 2003, il avait perdu le pouvoir aux mains de Jean Charest, chef du Parti libéral. Avec 33,2 % des votes, il avait connu la pire défaite du parti depuis 1973. Avant lui, Lucien Bouchard avait conservé le pouvoir en 1998 tout en obtenant moins de votes que le PLQ de Jean Charest.
Boisclair derrière l’ADQ de Mario Dumont
Le 26 mars 2007, le Parti québécois d’André Boisclair subit une nouvelle défaite historique. Avec 28 % des suffrages, il termine troisième derrière l’ADQ de Mario Dumont et le Parti libéral de Jean Charest. C’est le pire résultat électoral depuis la première élection du PQ en 1970. Il quitte rapidement la chefferie du parti.
Une difficile ascension au pouvoir pour Pauline Marois
Après M. Boisclair, c’est Pauline Marois qui prend la tête du parti fondé par René Lévesque. En 2008, elle réussit à former l’opposition officielle avec près de 35 % des voix. En 2012, elle peine à déloger le régime libéral de Jean Charest, pourtant aux prises avec la crise étudiante et des scandales de corruption. Le PQ (32 %) n’obtient que 30 000 voix de plus que le PLQ et forme un éphémère gouvernement minoritaire. En 2014, le vote péquiste s’effondre. Nouveau creux historique de 25,4 % : Philippe Couillard et les libéraux reprennent en main la destinée du Québec.
Le moment Péladeau
À la suite de la défaite, les militants péquistes se trouvent un nouveau sauveur : le propriétaire de Québecor, Pierre Karl Péladeau. Le 15 mai 2015, il devient chef du Parti québécois avec 57,6 % des voix. Moins d’un an plus tard, il quittera toutefois la vie politique en invoquant des motifs familiaux, laissant derrière lui un parti endetté qui doit organiser une nouvelle course à la chefferie, qui sera alors remportée par Jean-François Lisée.
Chauffé par QS
En 2018, le plancher cède : le PQ recueille seulement 17 % des voix et se fait chauffer par Québec solidaire, qui fera également élire 10 députés. Le parti alors dirigé par Jean-François Lisée est dans l’ombre de la CAQ de François Legault, qui s’est imposé comme solution de rechange aux libéraux. Après la campagne, M. Lisée a rédigé à chaud un ouvrage dans lequel il soutient que la défaite péquiste s’explique notamment par une «stratégie de l’évitement» des Québécois et des médias, qui craignent de revivre le traumatisme du référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec selon lui. Il déplore également «le mantra médiatique prédisant notre déclin certain».