Le temps de l'indécision

L’épreuve du temps : 2008

Chronique de Louis Lapointe

Depuis mars 2008, à titre de chroniqueur de Vigile.net, j’ai eu le privilège de suivre et commenter l’actualité politique québécoise. Le PQ et sa chef, Pauline Marois, ont donc été l’objet de plusieurs de mes chroniques où j’ai pu faire part à mes lecteurs de nombreuses observations qui semblent avoir résisté à l’épreuve du temps. Je vous propose aujourd’hui des extraits de quelques-uns de ces articles écrits en 2008.
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Le temps de l'indécision
Le PQ ne peut délaisser le clivage indépendantiste sans risquer de perdre à long terme la moitié de sa base militante. S’il veut demeurer la locomotive du mouvement indépendantiste et ne pas trop perdre d’appuis le PQ doit maintenir l’option indépendantiste vivante. L’engagement. Le 26 avril 2008.
Tandis que les réformistes se bercent d’illusions tranquilles, croyant qu’on peut changer le Canada, un édifice dont on ne peut même pas penser changer une seule pierre de peur qu’il s’écroule tant il est bâti sur des fondations fragiles, les indépendantistes travaillent à construire le pays. Qui sont les véritables caribous?. Le 28 avril 2008.
Maintenant que l’ADQ s’effondre, le PQ voudrait reprendre le bâton de pèlerin des réformistes adéquistes, croyant récupérer cette clientèle du même coup. Le PQ nous propose donc de changer le Canada en faisant des gestes de souveraineté autorisés par la constitution, comme changer la loi 101 pendant que le Bloc tente de son côté de donner un contenu à la notion de Nation québécoise. Comme si on pouvait faire la souveraineté tout en restant dans le Canada. Difficile d’être plus ambigu. Immobilisme des uns, dérive des autres. Le 30 avril 2008.
Tant que les Québécois n’auront pas accepté leur sort de minorité en péril, ils n’auront aucun intérêt à faire l’indépendance. On comprend dès lors pourquoi cet interminable débat sur l’identité ne connaît jamais de conclusion. Il favorise le statu quo. De la nation à la consommation, l’illusion de la liberté. Le 5 mai 2008.
Les Québécois ne sont pas dupes, ils voient bien que l’ajournement du référendum ne fait qu’ajouter à l’ambiguïté. Toutefois, qu’on ne se trompe pas, les Québécois savent bien que, par le passé, le PQ a été le seul parti politique au Québec à leur offrir une police d’assurance contre le fédéralisme centralisateur canadien et, lorsque le PQ cherche à masquer son option, ils n’aiment pas cela parce qu’ils ont l’impression de perdre la possibilité de recourir à l’indépendance si des évènements de l’ordre de ceux qui se sont déroulés en 1982 et 1990 se représentaient à nouveau. Quand les Québécois s’emmêlent avec leurs chefs. Le 15 mai 2008.

En présentant un programme qui met l’accent sur les gestes de souveraineté, une version hard de l’affirmation nationale, le PQ oublie tous ceux qui ont placé la souveraineté au centre de leur action politique. (...) Cela ne fait que confirmer la thèse des principaux détracteurs du PQ à l’effet que le PQ ressemble de plus en plus à l’ancienne Union Nationale. On comprend alors pourquoi les gens qui s’intéressent vraiment à la politique sont de plus en plus cyniques face aux trois grandes formations politiques du Québec, pour qui gouverner signifie d’abord ne rien faire qui pourrait déranger la majorité tranquille ! La mémoire. Le 9 juin 2008.
Pauline Marois n’a pas le choix, elle doit absolument rectifier le tir si elle veut gagner les prochaines élections. Loin de la faire avancer, les gestes de souveraineté sont plutôt un boulet qu’elle traîne depuis le mois de mars tant ils suscitent peu d’intérêts auprès de ses partisans et de la population en général. Ce concept ne séduit personne, ni les nationalistes, ni les indépendantistes, parce qu’il réduit le combat pour l’indépendance à une approche juridico-administrative. Il lui manque l’ingrédient essentiel, le projet mobilisateur qui galvanise les troupes. Les vacances de Pauline. Le 23 juillet 2008.
La vérité est que nous ne construisons plus de rapport de force au Québec depuis le dernier référendum. Nos chefs font même tout pour taire les débats sur la nécessité de faire l’indépendance. Loin de les susciter, ils les étouffent. Il n’est donc pas étonnant que les indépendantistes, comme plusieurs Québécois, soient de moins en moins nombreux à aller voter. Personne ne les y incite. Aucun projet pour les motiver, que des discours pour les détourner des vrais enjeux. Nous attachons plus d’importance à la rhétorique qu’à la dialectique de l’indépendance. Voilà pourquoi de moins en moins de Québécois s’y intéressent, surtout les jeunes. Le rapport de force. Le 20 octobre 2008.
Pauline Marois ne nous fera pas rêver au cours de la prochaine campagne électorale en ne nous parlant pas du pays que nous voulons fonder, même si elle est la seule des chefs de parti bénéficiant du programme pour le faire. Cependant, aussi paradoxal que cela puisse sembler, en ne voulant pas oser pour plaire à une majorité, elle fait un pari encore plus risqué, celui de devoir se passer du vote de ceux qui veulent rêver et qui pourraient bien faire la différence entre une majorité et une minorité. Un dilemme qu’elle n’aurait pas si elle choisissait de tous nous faire rêver ! Faire rêver ou rassurer ?. Le 1er novembre 2008.

Je l’ai écrit et réécrit à plusieurs reprises depuis le conseil national de mars dernier, la souveraineté du Québec est et demeure toujours plus populaire que le PQ et tous ses chefs, tous les sondages nous le confirment depuis un an. Pourquoi s’abstenir d’en parler en campagne électorale ? Pourquoi suggérer d’abolir l’obligation référendaire, alors que l’on continue à adopter une démarche identique à celle à laquelle nous étions tenus lorsque le référendum était obligatoire à l’intérieur d’un premier mandat. La plateforme électorale du PQ propose une vaste tournée des régions au terme de la présente campagne électorale dont l’objectif sera de remobiliser les Québécois autour de la souveraineté. Un copier-coller de la démarche référendaire : se faire élire et en parler ensuite. Pourquoi ne pas parler tout de suite de la souveraineté et se faire élire pour la réaliser, une démarche qui aurait l’avantage d’être beaucoup plus logique et qui nous sortirait des affres de l’étapisme ! Les idées claires*. Le 10 novembre 2008.

En délaissant ces clivages parce qu’il voulait plaire à des électeurs qui ne s’intéressaient pas à la politique, mais qui rêvaient juste à plus de confort, le PQ a accepté que les éléments les plus progressistes, les plus polarisés de son parti, quittent le navire. Il récolte dans la présente élection ce qu’il a semé, l’abstentionnisme de ceux qui ne se retrouvent dans aucun des partis politiques présents dans l’arène politique. Une élection historique. Le 6 décembre 2008.
Malgré tout le talent qu’on lui reconnaissait, l’échec de Mario Dumont doit être vu dans une perspective beaucoup plus large que la simple incapacité de son parti à former une opposition officielle crédible. Il doit d’abord être vu comme une sanction des électeurs à l’égard d’une certaine façon de faire de la politique. Même si c’est Mario Dumont qui tombe aujourd’hui, cet avertissement vaut également pour tous les autres partis et leurs chefs. On ne peut pas promettre n’importe quoi et dire n’importe quoi aux citoyens croyant que la démocratie n’en sera pas affectée, que les électeurs ne réagiront pas.
Ce n’est pas le froid et la neige qui ont retenu 43 % des électeurs chez eux hier, c’est une certaine façon de faire de la politique qu’ils ont rejetée. Un avertissement qui vaut pour tous les partis politiques. La fin d’une époque. Le 9 décembre 2008.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2012

    @ Gilles
    Excellent commentaire qui résume très bien notre état collectif en ce moment crucial de notre existence comme peuple.
    André Gignac 15/1/12

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2012

    je lis votre texte monsieur Lapointe et finalement je me dis que dans le fond, l'erreur fondamentale que nous avons commise collectivement, c'est peut-être de ne pas avoir bien mesuré à l'époque, les conséquences de ne pas battre le fer alors qu'il était brûlant.
    je ne suis pas en mesure d'analyser avec certitude ce qui s'est produit dans le temps. je peux me tromper et même lourdement je le reconnais. Mais finalement je trouve que c'est Bourgault qui avait raison et notre icone monsieur Lévesque qui avait tout faux.
    Je ne sais pas si on a déjà été plus proche de l'indépendance que dans les années 76 à 80. Peut-être aurait-il alors simplement suffi de pousser un peu plus fort, au moment ou toute la jeunesse était en effervescence, et mobilisée derrière l'idée de l'Indépendance Nationale.
    Et curieusement je me dis qu'aujourd'hui malgré l'humeur amibante, je ne suis pas certain que de prendre le taureau par les cornes ne serait pas la bonne façon de mobiliser le peuple. Et ranimer la petite flamme qui continue de briller même faiblement dans l'âme de tous les Québécois.
    Surtout que les politiques fédérales sont de plus en plus méprisantes à tout point de vue, et que la superbe des anglophones continue de heurter de plein fouet nos sensibilités.
    Dans la nature, les animaux qui survivent, ce sont qui savent être opportunistes. Le renard qui regarde passer le lièvre en baillant finit pas avoitr très faim et s'il ne se décide pas à chasser, il finit par mourir.
    Je pense que la question identitaire est le liant qui rattache tous les Québécois entre eux (elles et eux évidemment) et je ne comprends pas que nos véhicules politiques hésitent à s'en servir.