Les audiences du procès de Djemila Benhabib se termineront demain. Nous connaitrons probablement enfin le verdict de cette troublante affaire au cours des prochains mois. L’aboutissement de cette affaire dépasse largement le domaine juridique et est éminemment politique. Djemila Benhabib est victime d’une tentative perverse de musèlement pour avoir dénoncé des pratiques inacceptables. La liberté pourrait, à long terme, être en danger au Québec.
Rappelons les faits. En 2012, Djemila Benhabib a été l’invitée de Benoit Dutrizac. Au cours de l’émission, la recherchiste a au préalable réalisé une petite entrevue téléphonique avec une employée des Écoles musulmanes de Montréal, dans Montréal-Nord. On y apprenait que, dans ces deux institutions, privées mais financées par l’État québécois à coup de demi-million de dollars par année, le voile était obligatoire, les filles et les garçons étaient séparés pendant le sport et la prière était quotidienne. À cette époque, Djemila avait alors aussi reproduit sur son blogue du Journal de Montréal un extrait du site internet des écoles en question, montrant que des Sourates particulièrement violentes et dégradantes étaient promues, étant notamment question de châtiments physiques à l’endroit des mécréants et de la défloration des vierges. Au micro de Dutrizac, Djemila avait alors comparé l’institution scolaire à un camp d’entraînement militaire. La formule, très essayiste dans le ton, peut assurément sembler forte, ce que la principale intéressée a d’ailleurs rapidement reconnu en onde. Il n’en fallait pas plus pour que les Écoles musulmanes de Montréal entreprennent une poursuite en diffamation et lancent une campagne de levée de fonds pour la réduire au silence.
Ce n’est pas un hasard que ce soit Julius Grey qui se soit mis immédiatement au service des Écoles musulmanes de Montréal. Julius Grey, dont le visage de la bien-pensance tolérante-inclusive-ouverte cache un canadianiste intransigeant qui a contribué à charcuter la loi 101 et qui veut réintroduire le kirpan dans nos écoles. On le voit : les forces antinationales et anti-laïques se concertent. Djemila Benhabib les dérange. Son exemple écorche ce qui est recherché véritablement, soit d’empêcher la nation québécoise de défendre ce qu’elle est. Djemila est pour eux une traitresse, une défroquée, de par son profil d'immigrante qui a fait le choix de devenir pleinement et entièrement Québécoise. Qui plus est, elle a choisi d’oser parler, d’oser s’indigner, d’oser faire cause commune avec sa nouvelle patrie. La faire taire, c’est contribuer cette longue et vaste entreprise de neutralisation de la nation québécoise.
Nous avons, au Québec, fait le choix de la laïcité, jalon majeur du parachèvement d’un État nation moderne et assumé. Nous estimons, au Québec, que des règles communes et que l’établissement d’une comme fondement de notre démocratie sont essentiels à une véritable ouverture au nouvel arrivant, pour que celui-ci puisse résolument être des nôtres.
Que des Savard ou des Tremblay le clament, ce n’est pas bien compromettant : ce ne sera toujours que le signe d’un nationalisme fermé et fondamentalement tribal, c’est-à-dire raciste et xénophobe, pour reprendre les étiquettes les plus originales et les moins éculées. Mais qu’une Benhabib pose le même diagnostic, alors là, ça devient véritablement embêtant.
Il sera très important d’être solidaires jusqu’au bout. La guerre juridique visant à mettre au pas Djemila Benhabib repose sur son épuisement moral et financier. Le droit de dénoncer des pratiques inacceptables et incompatibles avec nos choix de société, qui plus est lorsque celles-ci se produisent dans des institutions d’enseignement subventionnées par nos fonds publics, n’est pas négociable. Il ne suffirait que d’un précédent, qu’une victoire de « cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles », pour reprendre Voltaire dans son « Traités sur la tolérance », pour que le droit à la critique des pratiques et croyances religieuses soit à jamais menacé.
Non, l’affaire Benhabib n’est pas qu’un procès. C’est une part de nos libertés qui s’y joue.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé