Depuis sa victoire électorale à l’automne 2015, Justin Trudeau fascine les médias du monde entier.
Jeune, beau, pas trop intello, hyper populaire ici et à l’étranger, sociable, mari attentionné, père dévoué, féministe convaincu, sportif et l'héritier d’une dynastie politique en devenir, ce coup de vent d’air frais balaie la scène internationale depuis deux ans. Qui plus est, il continue à le faire même à mi-mandat.
Pour ou contre les politiques du premier ministre canadien, aime ou aime pas son «style», la persistance d’une telle popularité transfrontalière est sans nul doute un phénomène unique en soi.
Voilà que même le très prestigieux magazine américain Rolling Stone succombe à ses charmes.
Sur sa couverture, le titre suivant : «Justin Trudeau : Why Can’t He Be Our President?» Justin Trudeau : pourquoi ne peut-il pas être notre président?
Et comme sous-titre coiffant l'article lui-même: «Is he the free world's best hope?» («Est-il le meilleur espoir du monde libre?»)
Une question qui, loin d'être anodine, fait un sérieux pied-de-nez à Donald Trump. Le président des États-Unis, quel qu'il soit, étant toujours qualifié de «leader of the free world»...
Habitué aux portraits de fond, le Rolling Stone offre donc à ses lecteurs un long article de plus de 6 500 mots sur Justin Trudeau et signé par Stephen Rodrick.
Depuis son accession au pouvoir, Justin Trudeau collectionne de par le monde les pages couverture flatteuses de magazine. Mais cet article-ci est sûrement le plus intéressant et le plus détaillé à date.
Pour le lire, c’est ici.
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Un article bien ficelé
À première vue, on pourrait comprendre le titre ronflant de l’article comme une forme gênante de culte de la personnalité.
Or, lorsqu’on lit attentivement le texte, on y trouve plutôt un article de fond, fort bien ficelé et solide sur le plan factuel.
Oui, bien sûr, avec son inévitable brin d’admiration pour le jeune premier ministre canadien, mais ce qui n’empêche aucunement son auteur d’aller au-delà des clichés habituels.
Maintenant, que l’auteur, comme tant d’autres Américains, rêve éveillé d’un président aux antipodes sur tous les plans du désastreux Donald Trump - disons, un Justin Trudeau -, se comprend aisément.
Dans l'article de Stephen Rodrick, deux éléments ont particulièrement attiré mon attention.
Le premier élément porte sur le moment choisi par Justin Trudeau pour sauter dans l’arène politique fédérale.
Selon son grand ami Terri DiMonte (un animateur de radio à Montréal), Justin Trudeau aurait surtout compris que sauter trop tôt dans un parti libéral fédéral en chute libre (ce n’est pas mentionné, mais on parle ici du scandale des commandites et de ses suites), aurait été une erreur stratégique.
Selon Gerald Butts, un autre grand ami et aujourd’hui, un proche conseiller du premier ministre, Justin «savait que ce parti devait chuter encore plus avant de pouvoir être capable de se réinventer».
Ce qui, avouons-le, témoignait déjà d’une capacité certaine de réalisme et d’analyse politique fine.
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Un aveu candide
Le deuxième élément porte sur sa première élection en 2008 comme député libéral dans le comté montréalais de Papineau. Une victoire qui, dans les faits, était loin de lui être acquise.
Questionné sur le sujet par Stephen Rodrick, Justin Trudeau répond ceci :
«"I beat the Greek candidate from the Greek community," recalls Trudeau. "I beat the Italian candidate, even in the Italian community. My main adversary was a Haitian woman, and the Haitians voted for me."»
(«J’ai battu le candidat grec qui venait de la communauté grecque. J’ai battu le candidat italien, même dans la communauté italienne. Ma principale adversaire était une femme haïtienne, et les Haïtiens ont voté pour moi!».)
Comme quoi, ceux qui pensent encore que la composante communautaire ne joue aucun rôle dans les élections – dans un sens ou dans l’autre -, ont de quoi à se questionner avec une réponse aussi claire et candide.
L’interprétation de Justin Trudeau étant que dans Papineau, il aurait réussi à vaincre une division possible du vote sur la base des origines ethniques des candidats et des électeurs.
Plus intéressante encore était la suite de sa réponse expliquant la raison de sa victoire dans Papineau:
«"Canada's a place where people don't always vote on surface identity, but vote on values,(...) My vision of the country reflected the community," he says.»
(«Le Canada est un endroit où les gens ne votent pas toujours selon un critère identitaire superficiel, mais sur des valeurs. Ma vision du pays reflétait cette communauté.»)
Et Rodrick d’ajouter lui-même sa propre interprétation de ce que Justin Trudeau vient de lui dire: «The broad hint is that this is quite different from the United States, where tribalism dominates all of politics.»
(«Le sous-entendu étant que le Canada est très différent des États-Unis où le tribalisme domine toutes les sphères de la politique.»)
«Tribalisme» - le mot vient en effet d’un journaliste américain...
À méditer...
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