Nous sommes en présence de deux valeureux citoyens, le maire Jean Tremblay et l’abbé Raymond Tremblay, aux croyances personnelles profondes, qui se tiennent debout et qui sont prêts à se défendre. Leur seule issue possible semble être, pour le moment, la voie des tribunaux.
Le maire de Saguenay Jean Tremblay annonce que la ville va en appel de la décision du Tribunal des droits de la personne de cesser la prière au conseil municipal et d'enlever les symboles religieux. Voilà un laïc un peu trop catholique, pour certains! De son côté, l'abbé Raymond Gravel intente une poursuite de 500 000 dollars contre le site internet LifeSiteNews.com (pro-vie), qui le qualifie de défenseur de l'avortement et le dénonce jusqu’à Rome. Voilà un prêtre un peu trop laïc, pour d’autres!
Je ne jalouse pas leur situation, car ils ont dû vivre des heures d’insomnie et beaucoup de stress pour en arriver là. Cependant je trouve inquiétant le fait que des individus ou des groupes se servent de la religion catholique comme une force politique d’imposition. De nos jours, l’adhésion à la foi chrétienne est un choix personnel et libre, et non une tradition sociale imposée. La seule force de la foi, contre tout intégrisme ou dérives sectaires, est la force du témoignage de vie qui essaie de donner un sens à l’existence, à la souffrance, à la liberté et à l’engagement. Je participe à cette réflexion et à ce débat dans le but de faire évoluer les mentalités.
Tout d’abord, j'appuie l’abbé Raymond Gravel dans sa poursuite, sans pour autant approuver tout ce qu’il a dit et écrit. Je me réjouis aussi du grand respect qu’a tenu son évêque envers lui. Il a toujours vu en lui une personne qui cherchait et qui cherche toujours à faire évoluer les mentalités et l’Église, même s’il n’est pas toujours d’accord avec ce qu’il fait. L'Église, depuis Vatican II, n’est plus un régime totalitaire qui exclue des gens qui n'adhèrent pas nécessairement à toutes ses prescriptions morales.
Le danger est que la foi chrétienne devienne une religion d’observances et s’impose comme contre-culture, selon un enseignement non négociable. Ce temps est terminé, même si plusieurs n’y croient pas. Ici, au Québec, personne n’est persécuté au nom de sa foi, même si des attaques sont toujours possibles contre elle. L’institution de l’Église catholique est plurielle dans ses applications. À Jean Tremblay, je dis que je suis un ardent défenseur de la séparation de l'Église et de l'État. Même si l'Église fait partie de l'histoire de ce pays, qu’elle l'a bâti, lui a donné sa cohésion, l'a aidé à survivre dans les périodes les plus difficiles de son histoire, aujourd’hui elle n’impose plus sa culture, elle inspire le respect et suscite l'espoir d’un monde meilleur. La fameuse prière du maire Tremblay peut prendre des formes multiples, elle ne se limite pas à un récit bébête d’une formule, elle peut se limiter à un moment de silence, une musique, un poème, respectueux des différentes croyances. À chacun et chacune de nous d’évoluer au rythme de la société de plus en plus laïque, sans pour autant renoncer à nos convictions et valeurs personnelles. Il y a tellement à faire hors du champ politique et de l’espace public pour que les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité imprègnent toutes les sphères de notre société, comme la devise française les a si bien décrites, en 1789.

Marius MORIN