Lors de son témoignage à la commission Bastarache, Me Michel Bastarache a questionné M. Jean Charest sur l'affirmation de Me Marc Bellemare à l'effet que, s'il a finalement décidé de parler «publiquement» ce printemps de pressions indues qu'il aurait subies de la part d'influents collecteurs de fonds(1), c'est que des déclarations publiques du PM ou de Jacques Dupuis l'avaient «essentiellement invité à faire ses déclarations». Le commissaire a alors demandé au PM quel était le «contexte» dans lequel il aurait «dit quoi que ce soit sur ce sujet-là».
Bref, on parle ici de la véritable «genèse» de l'«affaire Bellemare».
En réponse, M. Charest a rétorqué «moi, mon souvenir, là, et je suis pas mal sûr de pas me tromper, monsieur le commissaire, c'est que c'était une référence d'aller voir le Directeur général des élections sur les allégations qu'il avait fait /sic/» (...) Je pense que si on retourne les voir (les débats à l'Assemblée nationale), la référence que nous faisons c'est de dire à M. Bellemare allez voir le Directeur général des élections (...)».
Pourtant, lors de la période de questions du 24 mars 2010, M. Charest a bel et bien enjoint Me Bellemare à donner ses «preuves» «publiquement» et non seulement chez le DGE.
Voici les extraits pertinents de cette période de questions particulièrement houleuse - source: http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100324/13449.html
«Mme Marois: Merci, M. le Président. Le premier ministre du Québec est encore une fois contredit par son ex-Procureur général et ex-ministre de la Justice. Les mots employés par Me Bellemare sont durs, cinglants. Je le cite: «Le premier ministre se permet de dire toutes sortes de faussetés depuis quelques jours, que je suis parfaitement en mesure de contredire. C'est faux de dire qu'il n'était pas au courant, j'ai des dates, des endroits, des preuves, mais il [me] refuse de me donner les outils pour que je puisse le prouver.» Et Me Bellemare ajoute: «Il ne veut pas que la lumière soit faite, que son implication soit connue, il ne veut pas que les gens qui ont des choses à lui reprocher puissent s'exprimer.»Journal de Montréal, 24 mars 2010. M. le Président, c'est la crédibilité du premier ministre qui est en cause et c'est celle de son gouvernement. Il faudrait que le premier ministre cesse de s'entêter et de s'enfoncer. Est-ce que le premier ministre réalise actuellement qu'il est dans un cul-de-sac? Est-ce qu'il réalise que la seule façon de rassurer... de restaurer la confiance dans l'intégrité de son gouvernement, c'est de déclencher le plus rapidement possible une commission d'enquête indépendante et élargie? M. le Président: M. le premier ministre.
M. Charest: M. le Président, il y a une façon simple d'aborder cette question-là, et c'est la suivante: M. Bellemare dit qu'il a des preuves. Bien, qu'il les montre, ses preuves. C'est simple comme ça. Il y a chez nous des institutions comme le Directeur général des élections, une institution qui est dirigée par une personne qui est votée aux deux tiers des membres de l'Assemblée nationale du Québec et dont l'intégrité n'est pas remise en question par aucun d'entre nous ici, à cette Assemblée, puis généralement nulle part ailleurs, M. le Président. Alors, M. Bellemare devrait s'adresser au Directeur général des élections. Mais, plus que ça, puisqu'il affirme qu'il a des preuves, bien, qu'il les rende publiques. (...)
Mme Marois: M. le Président, l'ex-Procureur dit qu'il a des preuves, qu'il a des dates, qu'il a des lieux. Qu'y a-t-il de si compromettant que le premier ministre s'obstine à refuser la tenue de cette enquête? Est-ce que je dois comprendre que le premier ministre restera le seul à savoir ce que M. Bellemare sait lui-même? (...)
M. Charest: S'il a des preuves, puis il a des dates, puis des lieux, qu'est-ce qu'il y a de compromettant à ce qu'il rende publique cette information? Qu'est-ce qui l'empêche? Qu'est-que qui l'arrête?
Mme Marois: Alors, M. le Président, ce que laisse paraître... transparaître le premier ministre, c'est que lui-même refuse à Me Bellemare d'être entendu, puisque, dans les faits... (...)nous avons une proposition qui est devant nous, cet après-midi, pour demander... (...)
Mme Marois: Pour que le tout soit public, M. le Président, il y a deux avenues. Il y a une commission d'enquête ou il y a le fait qu'on puisse recevoir Me Bellemare ici, dans une commission, à l'Assemblée nationale. Pourquoi le premier ministre refuse t-il que cela soit public, M. le Président?
M. Charest: Si on veut que ce soit public, il n'a qu'à le dire. Qu'il sorte de son... qu'il sorte à l'endroit où il veut sortir, là, mais qu'il... S'il veut parler publiquement... qu'il parle publiquement. Mais il dit qu'il a des preuves, il dit qu'il a des dates, il dit qu'il a des endroits, ça fait qu'il rende publique cette information-là.
Mme Marois: Je crois qu'actuellement, M. le Président, le premier ministre manque de crédibilité lorsqu'il avance ce qu'il avance à l'endroit de Me Bellemare. Si le premier ministre n'a rien à se reprocher, pourquoi refuse-t-il une enquête? Pourquoi refuse-t-il que Me Bellemare puisse témoigner, et puisse le faire à visière levée, et puisse aussi profiter de l'immunité, M. le Président? C'est ça, la question qu'on pose au premier ministre.
M.Charest: Bon, on va aborder ça sur le plan de la logique, parce que la chef de l'opposition officielle dit, ou affirme, ou prétend que, si je n'ai rien à me reprocher... Voyez-vous, le problème est le suivant. Encore faudrait-il que je sache ce qu'on me reproche. C'est juste... c'est juste ça, le problème. Alors... Alors, logiquement... alors, logiquement, que M. Bellemare rende publiques les informations qu'il a, qu'il le dise publiquement. Et, encore une fois, j'aimerais savoir ce qui l'empêche de rendre public ce qu'il prétend... (...) avoir comme information.»
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Bref, la demande du premier ministre à l'effet que Me Bellemare devrait parler publiquement fut énoncée de manière extrêmement claire et répétitive.
Et depuis, comme disent les Anglais: «the rest is history»....
Cette «invitation» du premier ministre à Me Bellemare à rendre ses «preuves» publiques semble tout au moins vouloir confirmer la principale raison donnée par ce dernier à la commission quant à ses sorties percutantes du printemps, de même qu'à son silence de six ans, alors que, en tant qu'ex-ministre, il était sous serment de confidentialité. Un serment que les déclarations de M. Charest l'«invitait» en quelque sorte à briser publiquement...
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(1) Rappel: 1) 14 mars 2010: Me Bellemare réclamait, lui aussi, une enquête publique sur la construction en affirmant que M. Charest refusait d'en créer une parce que plusieurs entrepreneurs contribuent au PLQ.
2) 17 mars: Me Bellemare avançait que M. Charest était au courant des liens financiers existant entre le PLQ et l'industrie de la construction.
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@ Photo: La Presse canadienne, Mathieu Bélanger
Jean Charest et la «genèse» de l'«affaire» Bellemare
Bref, la demande du premier ministre à l'effet que Me Bellemare devrait parler publiquement fut énoncée de manière extrêmement claire et répétitive.
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