Dans son discours de clôture, Jean Charest a préféré mettre l'accent sur l'«économie» plutôt que sur le thème officiel du Conseil général - «faire du Québec la nation la mieux instruite».
Se réclamant de l'héritage des Bourassa et Lesage, il s'est écrié: «Le Québec est en chantier!» et a listé des projets hydro-électriques, le centre de recherche du CHUM, le CUSM anglophone, la salle de l'OSM. Et,, bien sûr, les autoroutes 30, 35, 50, 73, 175 et 185... Puisqu'après tout, le gouvernement s'apprête à dépenser plus de 40 milliards de dollars en projets d'infrastructures de toutes sortes...
Ce qui, ironiquement - même si cela n'a pas semblé effleurer l'esprit des militants libéraux -, nous ramène au «problème» de l'industrie de la construction. On ne s'en sort pas.
Car en fait, sur cette frénésie des «chantiers», bien des contribuables préféreraient qu'avant d'y engloutir ces 40$ milliards, une vraie commission publique et indépendante sur les trois «C» - Construction, Collusion, Corruption -, enquête justement sur les raisons faisant qu'au Québec, on paierait de 25 à 35% de plus que dans le reste du pays pour ce genre de projets. Bref, à entendre le PM énumérer tous ces «chantiers», bien des citoyens auront surtout pensé aux nombreux dépassements de coûts, passés et futurs. Et qui demeurent toujours inexpliqués...
Dans son discours, et ça se comprend, M.Charest n'a pas mentionné non plus le fait que son parti ne soit plus qu'à 23% à travers le Québec et à 17% chez les francophones.
Ou que 60% des Québécois choisissent de «croire» l'ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, lorsqu'il accuse le premier ministre d'avoir cautionné un système de «trafic d'influence» dans la nomination des juges et d'entretenir des liens très serrès avec l'industrie de la construction.
Sur la question de la nomination des juges, M. Charest a surtout décidé de ne plus répondre aux questions, répétant à chaque fois que «la Commission Bastarache pourra se pencher là-dessus». Mais s'il devait y avoir d'autres allégations ou révélations de nominations faites «sous influence», parions que cette réponse du PM ne tiendra pas la route très longtemps.
Surtout maintenant que sa propre ministre de la Justice, Kathleen Weil, a révélé qu'elle «consulte» le premier ministre sur son choix tout en se montrant incapable de dire si, oui ou non, d'autres personnes seraient informées de la liste de noms et pourraient donc influer sur le choix final.
En passant, ces «sorties» de Mme Weil ont peut-être confirmé qu'elle n'a pas vraiment le sens de la politique partisane. Mais ce faisant, elles ont aussi laissé voir une personne préférant dire, avec candeur, ce qu'elle a observé pour vrai plutôt que de tenter de jouer le «jeu» de la «ligne du jour». Mais parions qu'à partir de maintenant, on verra à ce que la ministre apprenne par coeur ses «lignes du jour»...
L'inquiétude:
C'est indéniable, l'inquiétude gagne de plus en plus les députés, ministres et militants libéraux. Et avec raison.
La raison: comme je l'écrivais [vendredi dans The Gazette->27199], s'il est vrai que le gouvernement Charest s'est éventuellement relevé de son image d'arrogance» acquise au long de son premier mandat, il reste qu'aucun gouvernement, au Québec ou au Canada, ne s'est jamais vraiment relevé du moment où, que ce soit fondé ou non, les mots «corruption» et «copinage» lui furent collés au front par l'opinion publique.
Tellement inquiets, les Libéraux, que s'il fallait que le PLQ ne remonte pas dans les sondages au cours des prochains mois, que d'autres allégations de favoritisme ou de trop grande proximité entre les bailleurs de fonds du PLQ et le milieu de la construction s'ajoutent à celles qui s'accumulent depuis un an, ils n'auront d'autre choix que de réfléchir à la suite des choses...
Pensons à 1998. Daniel Johnson jr n'avait pas fait long feu à la tête du PLQ du moment où l'establishement du parti et ses alliés avaient jugé qu'il serait incapable de battre le très populaire Lucien Bouchard.
Le fait est que PLQ n'a pas beaucoup de patience avec les canards boiteux.
En 1998, le premier tir était venu par le biais du magazine The Economist du 14 février, lequel décrivait M. Johnson comme le politicien le plus ridiculisé du Canada... Ouch.
Mais la pression pour montrer la porte discrètement à Daniel Johnson jr venait surtout de mauvais sondages pour le PLQ - mais pas mal moins mauvais qu'ils ne le sont aujourd'hui!. En décembre 1997, le PLQ était à 37%. Aujourd'hui, il n'est qu'à 23%.
M. Johnson a donc quitté en mars 1998 en disant souhaiter qu'«une nouvelle approche, un nouveau discours, un nouveau ton, qu'un nouveau chef fera la différence» (...) Il reste maintenant, selon moi, à donner un souffle nouveau à mon parti, et un nouveau chef pour garantir ce nouvel élan».
Ce «nouveau chef» fut évidemment Jean Charest.
Mais les choses étant aujourd'hui ce qu'elles sont pour le gouvernement, si elles venaient à ne pas s'améliorer, des Libéraux chercheront, à leur tour, à nouveau, qui saurait donner «un souffle nouveau» à leur parti.
Philippe Couillard avait déjà eu cette ambition. Mais sa sortie fracassante vers le privé a «réglé» son cas. Même Henri-Paul Rousseau était vu comme un successeur potentiel par les milieux d'affaires. Mais les pertes monumentales à la Caisse de dépôt et placement ont également «brûlé» cette cartouche-là.
Reste l'aile parlementaire. Mais il y a aussi la forte possibilité d'une candidature éventuelle venant de l'«extérieur».
Et si jamais, à terme, Jean Charest réussissait malgré tout à survivre à cette profonde crise de confiance que vit la population envers son premier ministre et son gouvernement, il faudra alors inventer un nouveau Prix juste pour lui: le Nobel de la résilience politique.
Mais c'est un dénouement qui, même s'il reste possible, semble devenir de moins en moins probable.
Canard boiteux ou phénix entêté? On le saura avant la prochaine élection. Ça, c'est certain.
Jean Charest: canard boiteux ou phénix entêté?
C'est indéniable, l'inquiétude gagne de plus en plus les députés, ministres et militants libéraux. Et avec raison.
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