La "Messe rouge" à Montréal en 2010

J'y étais

Laïcité — débat québécois

Par Marie-Michelle Poisson, présidente du Mouvement Laïque Québécois ( texte paru dans le no.17 de la revue Cité Laïque)

Alertée et intriguée, je me suis
rendue le 2 septembre 2010 à
la chapelle de la Basilique Notre-
Dame de Montréal pour observer le
déroulement de la Messe rouge.
La cérémonie commence par l’entrée
solennelle de Mgr Turcotte, coiffé de
sa mitre et portant la crosse du berger,
suivi de quatre membres des tribunaux
ecclésiastiques.
Vêtus de leurs plus beaux habits d’apparat, Monseigneur et
grands prêtres gravissent la tribune et prennent place dans
leurs fauteuils devant l’assistance qu’ils dominent ainsi d’un
bon mètre. À leurs pieds s’assemblent plus de cent cinquante
magistrats et avocats. Le maître de cérémonie, l’honorable
André Prévost, juge de la Cour supérieure du Québec, accueille
avec égards les juges en chef de divers tribunaux québécois
alignés dans les bancs des premiers rangs, en mentionnant
leur nom et leur fonction officielle.
Mgr Turcotte annonce que la cérémonie est sous le haut patronage
de saint Yves, saint Thomas More et d’André Grasset,
« martyr de la révolution française ».
Puis Me Marc Charbonneau, bâtonnier du Barreau de Montréal,
entreprend la lecture d’un extrait de la première lettre
de saint Pierre intitulé « Des bons administrateurs des
dons de Dieu ». L’Hymne à l’Esprit saint est ensuite récité : « (…) Tu es l’Esprit aux sept dons, le doigt de la main du
Père, l’Esprit de vérité promis par le Père, c’est toi qui inspires
nos paroles… ».
Magistrats et avocats vont ensuite communier et reçoivent
le pain béni des mains des juges ecclésiastiques selon le
rituel, en fléchissant les genoux et en courbant l’échine
humblement.
Une bénédiction marque la fin de la cérémonie. Les représentants
de l’Église quittent l’autel en procession jusqu’à la
porte principale. Devant la sortie, Mgr Turcotte et ses acolytes
attendent pour saluer les fidèles qui défileront tour à
tour selon l’ordre de préséance due à leur rang. Chaleureuses
poignées de main et accolades joviales suivent.
Loin de tomber en désuétude, la Messe rouge semble être un
événement couru et apprécié dans ce milieu. J’y ai constaté
une grande promiscuité du pouvoir judiciaire de l’État avec
l’Église. Mais il y a surtout lieu de souligner une très forte
représentation symbolique de soumission de la justice civile
envers les représentants de la « justice divine ».


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