Laurent Pinsolle - Alors que des dizaines de milliers de manifestants se préparent à défiler à Dublin samedi 27 novembre, Laurent Pinsolle analyse la violence du plan de rigueur que le gouvernement irlandais tente d'imposer à son peuple sous la pression de l'Allemagne.
Dans quelques décennies, des économistes se pencheront sans doute avec horreur sur le cas de l’Irlande, ce petit pays passé du statut d’exemple des politiques néolibérales à celui de membre des PIIGS, contraint d’enchaîner des politiques d’austérité absurdes de plus en plus violentes.
L’exemple devenu paria
Il y a à peine quelques années, l’Irlande était montrée comme un exemple à toute l’Europe, avec ses taux de croissance dignes des pays asiatiques, et son PIB / habitant qui était devenu un des plus hauts du monde. Il faut dire que le pays avait suivi le manuel néolibéral à la lettre, en pratiquant le dumping fiscal (12.5% d’impôt sur les sociétés contre plus de 30% en France) et en suivant le mouvement global de libéralisation des marchés financiers. Mais cette belle croissance était un mirage…
En effet, elle reposait aussi sur le passage à l’euro. L’Irlande a « bénéficié » pendant des années d’une politique monétaire totalement inadaptée à sa situation. Le niveau trop bas des taux d’intérêt, conséquence de la monnaie unique, a provoqué un excès d’investissements qui s’est transformé en une gigantesque bulle qui a éclaté en 2008. Si l’Irlande avait conservé sa monnaie, elle aurait sans doute eu des taux plus élevés, moins de croissance avant 2008 mais elle aurait évité la crise actuelle.
Une crise particulièrement grave
La conjugaison d’une imposition faible (qui a poussé beaucoup de banques à s’y établir), avec des taux d’intérêts faibles (imposés par l’euro) était un cocktail explosif qui a abouti à une bulle financière monumentale, soldée par une crise extrêmement violente (le PIB a reculé de 10% de 2007 à 2009). Le pays court le risque d’une déflation comparable à la Grande Dépression des années 30 : la crise a créé des déficits, mais l’austérité budgétaire entretient la crise, et donc les déficits...
Résultat, le chômage s’envole (plus de 13% contre 4% il y a quelques années). Le déficit a atteint 14% en 2009 et dépassera les 30% cette année du fait d’une aide exceptionnelle pour les banques. La dette, encore limitée par rapport aux autres pays européens l’an passé (64% du PIB), va approcher le niveau du PIB dès la fin de l’année. C’est ce qui a mené à la crise financière des dernières semaines, à l’annonce du « plan de soutien » international et d’un nouveau plan d’austérité.
Des saignées successives
Les plans de rigueur successifs agissent comme les saignées pratiquées au Moyen-Age sur les malades. Elles affaiblissent le malade sans le guérir le moins du monde. Le nouveau plan démontre toute la perversité du modèle irlandais puisque la population subit une double peine : baisse des revenus (le SMIC va baisser de 11%, les prestations sociales sont coupées) et hausse des impôts (la TVA passe à 23%). Tout cela alors que l’impôt sur les sociétés ne bouge pas et pour financer les banques !
L’Irlande nous donne l’exemple d’une exploitation inique de l’homme au profit des multinationales. Car les grandes entreprises ne vont pas contribuer à l’effort pour rembourser les créanciers du pays. Ce sont uniquement les citoyens qui vont le faire. Et certains, coincés entre une baisse de leurs revenus et une augmentation des impôts risquent de perdre leur logement. Il faut noter qu’en dehors de l’euro, une dévaluation aurait permis à l’Irlande d’éviter la baisse des salaires…
Oui, ce qui se passe en Irlande est grave. Voici un pays qui démontre que le système économique actuel est aussi inefficace, qu’injuste et instable. Pire, quand vient la catastrophe, il devient encore plus injuste puisque ce sont les petits qui paient pour protéger les gros. Bienvenue dans la loi de la jungle.
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