Le premier ministre Jean Charest soutient que la réalisation des hôpitaux universitaires au moyen de partenariats public-privé (PPP) «n'est pas une religion» et qu'il est prêt à jeter du lest s'il s'avère que cette solution n'est pas la plus avantageuse.
«On tient à le répéter: pour nous, ce n'est pas une religion, les PPP. C'est un outil supplémentaire pour des fins de développement», a répondu hier M. Charest, interrogé sur un rapport interne du Centre de santé universitaire de McGill (CUSM), remettant sérieusement en doute les avantages financiers et administratifs des ententes de partenariats public-privé développés au Royaume-Uni pour construire des hôpitaux de taille.
Même si son gouvernement prône les vertus des PPP depuis son élection, Jean Charest, qui était de passage à Terrebonne hier, a affirmé que le mode de réalisation des hôpitaux universitaires, dont la facture devrait dépasser deux milliards, «sera analysé de près» avant qu'une décision ne soit prise.
De fait, un rapport rédigé par le CUSM, à la suite d'un voyage réalisé en tandem avec le CHUM l'automne dernier pour étudier les hôpitaux britanniques construits grâce à des PPP, est plus que mitigé en ce qui a trait au modèle convoité par le gouvernement Charest. Les signataires du rapport en viennent même à la conclusion que le modèle britannique est inapplicable au CUSM.
«L'application du modèle [PPP] au projet du CUSM est parsemé d'embûches de taille», conclut ce rapport de 21 pages.
En plus de soulever des craintes quant aux réels avantages financiers des PPP pour réaliser un projet de plus d'un milliard, le rapport énumère les nombreux écueils rencontrés par les hôpitaux britanniques lorsque leurs bâtiments étaient gérés par des entreprises privées.
En vertu de ces PPP, des entreprises privées ont hérité de la responsabilité de la construction des hôpitaux au Royaume-Uni, puis de l'ensemble de la gestion des services non cliniques pour une période de 30 ans, notamment l'entretien, les réparations, la buanderie et les services alimentaires. Dans ce cadre, les directions d'hôpitaux, devenues locataires, ne s'acquittent plus que de la gestion des services cliniques et médicaux.
Or, estime le CUSM, il semble que cette gestion «bicéphale» ne soit pas sans problèmes. Au Royaume-Uni, on a assisté à un contrôle serré des dépenses par des gestionnaires privés qui ont rendu complexes, et très coûteuses, toutes les demandes de modifications faites par les hôpitaux pour s'adapter au fil des ans à l'évolution des soins aux patients. «Une demande de prise de courant supplémentaire peut être problématique», notent les auteurs du rapport.
Plus encore, ajoute-t-on, ce double palier de gestion, au sein des mêmes murs, «donne lieu à des décisions moins opportunes, a un impact défavorable sur la primauté des décisions médicales».
Selon les échos obtenus du ministère de la Santé britannique, il appert que la coopération entre les gestionnaires privés et les directions des hôpitaux, mus par l'intérêt des patients, ne soient pas toujours au rendez-vous. «Les différends entre les gestionnaires, qui sont monnaie courante, sont une source de frustration pour les directeurs généraux, diminuent l'efficience et augmentent les coûts de l'hôpital.»
Par ailleurs, le CUSM s'inquiète de l'impact qu'aurait la perte de contrôle total de l'hôpital sur tous les employés affectés aux services non cliniques. En Grande-Bretagne, ces emplois ont été carrément transférés au secteur privé, bien que leurs conditions de travail aient été préservées. Au Québec, la loi obligerait l'hôpital à verser jusqu'à deux ans de salaire aux employés transférés, ce qui rendrait l'opération extrêmement coûteuse.
«Le climat des relations de travail du Québec semble très différent de celui du Royaume-Uni. Au CUSM, le transfert pourrait être une pomme de discorde avec les syndicats qui le détournerait de son objectif global et retarderait la création des nouvelles installations médicales requises», s'inquiète-t-on.
Non au modèle Thatcher
Bref, malgré les avantages clairs de transférer au privé les risques financiers de la construction et de l'entretien des bâtiments, le CUSM se montre plutôt réticent à l'égard du modèle britannique.
En conclusion, les auteurs proposent donc de rejeter le modèle développé au pays de Margaret Thatcher et d'opter pour un PPP «qui tiendra compte des réalités de la construction d'un hôpital au Québec».
En effet, le rapport suggère plutôt de créer une filiale du CUSM, qui émettrait des obligations publiques pour financer l'hôpital, ce qui n'aurait pas pour effet d'alourdir la dette du Québec. Cette filiale lancerait un appel d'offres pour confier la construction à un entrepreneur général, à un prix forfaitaire. Une fois construit, l'hôpital demeurerait sous la coupe du CUSM, qui conserverait la gestion de tous les employés des services cliniques et non cliniques.
Avec ce modèle revu à la québécoise, les auteurs conviennent toutefois que le PPP perd une grande partie de son intérêt financier.
La semaine dernière, le directeur général du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), Denis E. Roy, qui a pris part à ce voyage de reconnaissance, a lui aussi émis de sérieuses réserves sur le modèle britannique. En plus d'être peu adaptées au contexte évolutif de la médecine, les ententes de partenariat public-privé ont aussi l'effet de faire fuir les donateurs privés, plus enclins à faire preuve de générosité quand les deniers publics sont en jeu.
Bien qu'il concède que «ce n'est pas vrai que c'est bon pour tous les projets», le premier ministre Jean Charest a malgré tout affirmé hier que le Québec «n'utilisait pas les PPP comme on devrait le faire».
Hôpitaux: Charest ne veut pas des PPP à tout prix
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