Au début des années soixante, Pierre Elliott Trudeau publiait dans Cité
Libre un texte retentissant intitulé "La trahison des clercs", texte dans
lequel il fustigeait notre repli dans des valeurs qu'il jugeait dépassées,
nous incitant à nous ouvrir au multi-culturalisme.
On a vu depuis ce qu'engendrait comme destruction massive de l'identité
québécoise cette philosophie tour de Babel qui contribue jour après jour à
réaliser les voeux de Lord Durham.
"Si on ne peut éliminer ces trouble-fête québécois, noyons-les dans la
multitude des immigrants qui tentent de recréer ici les conditions de vie
de leurs pays d'origine. D'où les guettos linguistiques et culturels et le
recul constant du français dans la métropole.
Mais aujourd'hui, issus de ma génération qu'on dirait sortir de la
"république des satisfaits", les nouveaux clercs pontifient à qui mieux
mieux dans les médias et dans les universités sur les tactiques
sous-marines nous permettant de devenir souverains. Ils ont abandonné en
cours de route le mot INDÉPENDANCE, jugeant qu'il était trop clair, trop dur
et qu'il faisait peur !
Devenus carriéristes et bien-pensants, plusieurs se sont enrichis
scandaleusement au nom du principe des petits-pas. Un pas en avant, un pas
en arrière... et dérive la galère. Pour nous rassurer, ils n'ont eu cesse de
nous parler d'argent, de points de péréquation et autres astuces comptables
dont la population n'a rien à cirer tant qu'elle n'en constate pas les
bienfaits concrets.
Et au lieu d'abolir les paliers de gouvernements, ils en ont ajouté en
créant des conseils d'arrondissements, multipliant ainsi les dépenses
bureaucratiques.
Ces nouveaux clercs, qui ne se fient qu'aux faiseurs d'images
professionnels, aux focus groups et aux sondages sont complètement
déconnectés de la réalité québécoise. À un point tel que personne parmi ces
grands penseurs-petits faiseurs n'a contesté publiquement et sur la scène
internationale les résultats tronqués du référendum volé de 95.
Au sein du principal véhicule prônant timidement la "souveraineté" sans
faire d'éclats, on n'a de cesse de reléguer aux oubliettes la base militante. Nos
bien-pensants seraient-ils devenus staliniens ? La question vaut d'être
posée.
Pour un militant de la première heure, il est évident que notre projet
de pays a été récupéré à des fins de pouvoir pour le pouvoir et que ce
n'est pas demain la veille qu'on va mobiliser le peuple pour lui insuffler
ferveur et dignité.
Les choses que l'on n'ose plus nommer n'existent tout simplement plus.
Ils demeurent des voeux pieux voués à leur autodestruction.
Des clercs des années soixante à ceux d'aujourd'hui, je me demande bien
quelle est la différence. Un projet de révolution nationale (car c'en est
un) ne saurait s'accomplir en douceur et en catimini.
Voilà où nous en sommes rendus en ce début de 2008 sur la "scène"
politique québécoise.
Heureusement qu'il y a des jeunes qui affûtent leurs armes et qui ne
baissent pas les bras, comme au RRQ. Faisons donc "tabula rasa" de tous ces
opportunistes qui logent sous l'enseigne de la souveraineté et revenons
donc à nos valeurs fondamentales et à l'action de terrain.
Un projet révolutionnaire ne saurait se faire qu'avec des moyens non
conformistes. Nos nouveaux clercs l'ont depuis longtemps oublié.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Heureusement qu'il y a des jeunes...
Les choses que l'on n'ose plus nommer n'existent tout simplement plus
La Nation - bilan et stratégie
Pierre Schneider59 articles
Journaliste, auteur et poète, Pierre Schneider milite
pour l'Indépendance du Québec depuis le début des années soixante.
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3 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
14 septembre 2008En vérité, Trudeau n'avait rien d'un grand penseur. Ceux qui le décrivent comme tel, sont plus souvent qu'autrement des Québécois archi-fédéralistes, qui en ont fait une sorte de demi-dieu. Il leur fallait croire en quelqu'un ou quelque chose, pour ne pas voir en face leur situation de colonisés ou citoyens de seconde classe, je suppose...
Mais c'est vrai, que ce multiculturalisme à la canadienne, a quelque chose de très particulier: dans d'autres pays, on accueille des immigrants, oui, parfois même en grand nombre, mais sans les encourager d'emblée, à reproduire leur toute vie étrangère en leur terre d'acceuil! On peut prendre en exemples, ces témoignages de certains immigrants arrivés ici au début de la décénnie 1980, qui racontent qu'ils ont été reçus par des fonctionnaires fédéraux, qui dès le premier jour, leur disaient qu'il était bien important qu'ils vivent ici leur propre culture... Qu'ils allaient nous en enrichir car ici, une culture propre, digne de ce nom, nous n'en avions pas!
Tu parles d'un gâchis: plusieurs siècles d'histoire jetés à la poubelle, pour faire place à des turbans, des kirpans, des hidjabs, et autres symboles transplantés artificiellement ici..
Il y a bien la Grande-Bretagne, qui a pratiqué pendant plusieurs années sa propre politique multiculturaliste (différente de la philosophie canadienne sur la question, toutefois). Regardez où ils en sont rendus aujourd'hui... Leur capitale, Londres, a maintenant l'air, en plusieurs endroits, d'une ville du Tiers-Monde... Quand j'ai su ça, je me suis dit: "C'est ça, la capitale d'une nation qui a créé un empire plus grand encore, que l'Empire Romain, ou celui de Gengis Khan?"
Non, franchement, le multiculturalisme à la Trudeau, ce n'est pas une chose constructive: c'est destructeur, cette étrange manière de tenter d'être tout et rien à la fois; d'entretenir un système dans lequel au lieu d'avoir une nation souveraine, il n'y a qu'un grand groupe d'individus, où c'est chacun qui est souverain, selon ses croyances et préférences personnelles, (grâce à la fameuse Charte de PET).
Une société comme celle-là survivra-t-elle bien longtemps? Je crois qu'une ère de chaos s'en vient.
Archives de Vigile Répondre
10 janvier 2008Je ne suis pas vraiment d'accord avec la description que vous avez fait des conséquences du mutliculturalisme de Trudeau.
Parlant de la réalité québécoise, je crois que le comportement des communautés immigrantes, qui ne font que faire ce que les Québécois émigrés aux États-Unis ont fait, soit créer un tissu communautaire dans leur nouveau pays d'adoption, n'a rien à voir avec la prétendue politique de multiculturalisme de l'État fédéral. Si c'était le cas, alors la réalité canadienne serait particulière et inédite parmi les sociétés qui reçoivent des immigrants, ce qui n'est pas du tout le cas à ma connaissance.
Le problème particulier du Québec c'est la compétition de l'anglais et du français dans la sphère publique, c'est la présence de deux sociétés d'accueil dans la région de Montréal particulièrement. S'il n'y avait que le français à Montréal, alors le Québec serait, tout simplement, comme le Canada, les États-Unis, la France, confronté à la difficulté de l'intégration dans une société de consommation individualiste. Trudeau n'a rien à voir là-dedans.
Et je commence à en avoir assez de l'intellectualité mythique de Trudeau, comme s'il avait été le seul à écrire des bons textes dans Cité libre (comme si c'était une référence en plus!!). C'est carrément de l'idolâtrie, ce que la raison de tous et chacun devrait récuser par principe.
Qu'est-ce que la politique du multiculturalisme mis à part une stratégie de marketing pour donner une bonne image du Canada à l'étranger?
[
http://www.pch.gc.ca/progs/multi/policy/act_f.cfm->http://www.pch.gc.ca/progs/multi/policy/act_f.cfm]
La lecture du texte de loi montre très bien que ce n'est qu'une banale et vague déclaration qui camoufle mal son objectif de favoriser l'adhésion des immigrants au projet de construction nationale du Dominion fédéral. Hors Québec, ce Dominion est aussi (sinon plus) unilingue anglais que les États-Unis.
J'attends qu'on me démontre l'impact de cette politique sur les comportements des immigrants au Canada, qui, à ma connaissance, sont on ne peut plus standards par rapport au reste de l'Amérique. En attendant, je persiste à croire que c'est un mauvais point de départ que d'associer la problématique de l'intégration avec le mirage du multiculturalisme.
Je suis par contre, malgré cela, assez d'accord avec la conclusion du texte, qui n'est que très vaguement liée aux paragraphes que la précèdent. Je crois qu'il est de bonne diplomatie de parler d'union des générations, et de bonne stratégie que cette union se fasse sous un leadership jeune.
David Poulin-Litvak Répondre
9 janvier 2008Très bon article, j’en partage, en fait, tous les propos. Heureusement, aussi, qu’il y a des plus vieux, qui voient clairs.