Six mois après la tempête médiatique, les gens d'Hérouxville sont prêts à faire le bilan...mais pas à tourner la page. (Photo: Ève Guillemette)
Cindy Levesque - La tempête est passée et Hérouxville a survécu. Six mois après l'adoption des controversées normes de vie, les principaux protagonistes sont prêts à dresser le bilan des derniers mois... mais pas à tourner la page.
Première constatation: l'escalade médiatique et populaire a cédé la place à un débat de fond sur les accommodements raisonnables.
«Six mois après, il y a beaucoup moins d'hystérie - c'est le bon mot. On n'est plus aussi morons aux yeux du Québec. Les gens commencent à comprendre davantage. La discussion est plus sérieuse. C'est inouï de voir l'impact en six mois», résume le conseiller André Drouin, celui-là même qui a déclenché toute l'affaire en janvier dernier.
Il y a six mois pratiquement jour pour jour, Le Nouvelliste et les médias nationaux annonçaient à la planète qu'une petite bourgade mauricienne de 1340 habitants venait d'interdire la lapidation sur son territoire.
Encore aujourd'hui, le débat constitue aux yeux du conseiller, de son épouse Luce Rivard et du webmestre Bernard Thompson une question d'identité et, même, de paix sociale. Ce qui ne les a pas empêchés de faire les frais du dénigrement populaire et médiatique dans les premières semaines suivant l'adoption du document.
Le point tournant dans le changement d'opinion publique réside dans la visite des femmes musulmanes au village, le 11 février dernier, estime André Drouin. Mais peut-être pas pour les raisons que l'on croit.
«Elles venaient pour nous faire changer d'idée et pour nous "instruire". On s'est montré ouverts. Alors, devant 14 stations de télé, instantanément, on n'était plus des xénophobes et des racistes», explique le conseiller, qui n'hésite pas à parler de bon coup médiatique.
«On a réussi comme région à démontrer qu'on a encore des valeurs», conclut avec le recul Bernard Thompson, le webmestre et ami qui a épaulé André Drouin dans sa démarche.
Il lancera d'ailleurs son essai Le syndrome Hérouxville ou les accommodements raisonnables le 12 août, question de faire la lumière sur cet épisode qui s'est même infiltré dans la campagne électorale. Le lancement devancera de deux jours la conférence de presse de la commission Bouchard-Taylor prévue cet automne.
Le seul fait d'avoir apporté le débat sur la place publique satisfait pleinement l'entourage du conseiller André Drouin. Et si le principal intéressé devait reprendre à zéro ce «processus», comme il l'appelle, il ne changerait pas une action... ni une virgule.
«Je referais la même chose. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux, alors qu'en quatre jours on a fait le tour de la planète? Je ne changerais absolument rien à l'exception du fait que j'ai plié en acceptant qu'on enlève les mots "lapidation" et "excision" du document», précise-t-il tout de même.
André Drouin reconnaît que ces mots n'apportaient rien de plus au contenu de ses normes de vie et, surtout, qu'ils pouvaient choquer certaines personnes. «Je sais qu'ils étaient inutiles dans le texte, mais c'était aussi inutile de les enlever. J'ai plié parce que certaines personnes au conseil municipal commençaient à avoir peur», explique-t-il.
Lui n'y aurait pas touché, faisant fi des menaces de poursuites qui ont pesé pendant plusieurs semaines sur la municipalité... et qui n'ont jamais pris corps.
Retour au calme
Autour de la table, confortablement installés au Jardin de Piga, un attrait touristique de l'endroit, le trio est décontracté, à l'image du village.
Dans les rues d'Hérouxville, justement, aucun signe du tourbillon médiatique qui s'y est déchaîné ce printemps. Les rues sont calmes en juillet, il n'y a pas plus, pas moins d'immigrants dans la municipalité et le restaurant Le Timothée, qui a accueilli les curieux des premiers mois, ferme maintenant ses portes en après-midi. Les Hérouxvillois ont retrouvé leur village.
Les citoyens, toutefois, gardent en mémoire l'agitation des derniers mois, un peu soulagés d'être sortis de la tourmente. «Je n'ai vu aucun citoyen d'Hérouxville tout à fait contre le projet. On a tous embarqué un peu avec humour.
Il y a eu beaucoup de médias, mais on se sentait en sécurité parce qu'on a fait confiance à notre conseil municipal», analyse doucement Solange Fernet Gervais, un citoyenne engagée de 77 ans.
En attendant la reprise de la tempête, que l'on prédit pour les débuts de la commission Bouchard-Taylor, Hérouxville planche sur son projet domiciliaire, son centre culturel, sa nouvelle boutique artisanale, son exposition à la sacristie de l'église.
Comme quoi Hérouxville existe, accommodements raisonnables ou pas.
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