LE SOLEIL - ANALYSE

Hamas et Fatah, la solution passe par l'espoir

Les affrontements entre les deux tendances [le Hamas et le Fatah] s'expliquent donc par l'échec de la cohabitation entre ces deux légitimités, ayant chacune son propre territoire et ses forces de sécurité.

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17. Actualité archives 2007

(Photo Reuters)

À la différence de tous les affrontements politiques et militaires interpalestiniens au cours de l'histoire palestinienne contemporaine, ceux qui se sont déroulés en Cisjordanie et à Gaza en juin 2007 peuvent être qualifiés d'historiques. Ils brisent non seulement l'unité politique palestinienne, mais creusent aussi plus avant la division de tout un peuple déjà éparpillé géographiquement et ils portent atteinte à sa cause.
Le peuple palestinien bascule désormais dans l'ère de la division avec une bande de Gaza où règne en maître le Hamas et une Cisjordanie contrôlée par le Fatah. Si le premier considère la victoire de sa branche militaire sur les forces de sécurité liées à l'Autorité palestinienne comme une deuxième libération de Gaza — après celle de la fin de l'occupation israélienne en 2005 —, le second estime que cela est un coup militaire du Hamas contre le président palestinien, Mahmoud Abbas, qui n'a pas hésité, en représailles, à limoger le gouvernement d'union nationale d'Ismaïl Haniyeh auquel participait le Fatah, de former un gouvernement transitoire et de proclamer l'état d'urgence dans les territoires palestiniens.
Deux légitimités
Ces rapports de force incarnent en effet un affrontement entre deux légitimités, la première étant démocratique, ou légitimité des urnes, et qui est représentée par le Hamas — qui a emporté les élections législatives du 25 janvier 2006 en bénéficiant de la majorité absolue avec 56% des élus (soit 74 sièges), contre 34% pour le Fatah (45 sièges). La seconde légitimité prend une dimension internationale puisqu'elle s'inscrit dans le cadre des accords d'Oslo de 1993, soit un règlement négocié du conflit israélo-palestinien permettant la création d'un État palestinien aux côtés d'Israël. Elle est représentée par le Fatah et le président palestinien Mahmoud Abbas, élu démocratiquement à la tête de l'Autorité palestinienne en janvier 2005.
Les affrontements entre les deux tendances s'expliquent donc par l'échec de la cohabitation entre ces deux légitimités, ayant chacune son propre territoire et ses forces de sécurité. Cependant, la dispute du pouvoir et l'antagonisme entre Hamas et Fatah prennent plusieurs manifestations.
Les différences entre Hamas et Fatah
Historiquement, chaque parti a des origines spécifiques. Le Fatah (Mouvement national palestinien de libération) a été fondé en 1959 par Yasser Arafat, Salah Khalaf et Khalil al-Wazir. Au fil du temps, le mouvement acquiert énormément d'importance et devient la principale force du nationalisme palestinien et le premier parti politique au sein de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine, créée en mai 1964 et composée d'autres mouvements politiques palestiniens). Le Hamas (mouvement de résistance islamique) est une aile des Frères musulmans en Palestine qui prône da'wa (pré¬di¬cation active de l'islam), tout en associant à cette mission le politique et le militaire. Lors du déclenchement de la première Intifada en 1987, le Hamas a été créé par le cheikh Ahmed Yassine pour participer à la lutte nationale contre l'occupation.
Idéologiquement, le Fatah est un mouvement laïque qui s'inspire de l'idéologie socialiste, mais il n'adopte pas d'attitude hostile envers l'islam. Par contre, le Hamas est un courant de l'islam politique militant pour la mise en place d'un État appliquant la charia (terme désignant l'ensemble des préceptes de la loi islamique).
Politiquement, les deux tendances monopolisent, aujourd'hui, la vie politique palestinienne dont l'avenir ne peut être décidé sans la prise en considération de leur poids dans la société. Le Hamas est devenu une force politique principale en raison de son idéologie islamiste et de son action caritative lui permettant de jouir d'une grande popularité dans les classes sociales, notamment les plus pauvres. À l'opposé, le Fatah, qui incarne une longue histoire du nationalisme palestinien, est maintenant paralysé par plusieurs tendances politiques en conflit en son sein et il reste toujours la même organisation aussi corrompue qu'à l'époque de Yasser Arafat et qu'en 2006, sanctionnée par le peuple palestinien lors des dernières élections législatives.
Au niveau des alliances régionales, le Fatah bénéficie des alliances traditionnelles des mouvements nationalistes arabes. En tant que membre de l'OLP (reconnue, lors du sommet arabe à Rabat en 1974, comme l'unique représentant légitime du peuple palestinien), il est représenté au sein de la Ligue arabe et il bénéficie généralement du soutien de tous les pays arabes. De son côté, le Hamas est soutenu par tous les mouvements de l'islam politique et il bénéficie de l'aide financière de l'Iran, de la Syrie, de l'Arabie saoudite et de dons privés originaires de plusieurs pays dans la région.
En ce qui concerne la perception de la résolution du conflit, les deux s'accordent sur le principe de l'autonomie pour le peuple palestinien et la fin de l'occupation militaire israélienne. Mais chacun envisage des moyens différents pour y arriver. Le Fatah reconnaît le droit d'Israël à l'existence, tout en réclamant l'établissement d'un État palestinien à côté d'Israël. Le Hamas, quant à lui, préconise une simple coexistence de facto entre deux États, dans les frontières qui existaient avant la guerre de 1967. Mais, d'une façon générale, sa position demeure la non-reconnaissance de ce qu'il appelle «l'entité sioniste» et il refuse les accords d'Oslo de même que toutes sortes de négociations avec Israël.
Enjeux politiques
Si la Palestine est de facto partagée, la question est de savoir quelles sont les perspectives des rapports de force entre Hamasland et Fatahland ? Les dirigeants du Hamas ont déclaré, à plusieurs reprises, qu'ils n'ont pas l'intention de proclamer «un État» dans la bande de Gaza. Cependant, Mahmoud Abbas exclut tout dialogue avec le Hamas et il réclame même le déploiement d'une force internationale à Gaza, ce qui est impossible sans l'accord de toutes les parties concernées, notamment le Hamas qui la considérerait comme une «force d'occupation».
La situation actuelle démontre bien que le Hamas est incapable de sortir de son isolement international tant qu'il demeure attaché à sa vision classique de la gestion du conflit israélo-arabe, en particulier son comportement vis-à-vis les trois conditions imposées par le Quartet international (les États-Unis, les Nations unies, l'Union européenne et la Russie) pour la reprise du contact, à savoir la reconnaissance d'Israël, l'acceptation des accords conclus auparavant et la renonciation à la violence. Par contre, le Fatah qui a refusé le verdict des urnes de janvier 2006 est prête à participer à la conférence internationale en novembre prochain sur le Proche-Orient pour la reprise des négociations.
Israël s'est réjouit de ces différends inter-palestiniens. Dès la perte des élections législatives par le Fatah au profit du Hamas, Israël a changé de stratégie. Le parti de Yasser Arafat, autrefois dénoncé pour corruption et incapacité à faire la paix, est devenu l'interlocuteur pragmatique dont le retour au pouvoir est souhaitable pour débloquer la situation. Ainsi, Israël a-t-il soutenu militairement le chef de l'Autorité palestinienne en lui autorisant le transfert d'armes et, en contre-partie, a bloqué les recettes fiscales palestiniennes, rendant ainsi déficitaire le budget du gouvernement Hamas qui était incapable de verser les salaires de plus 150 000 fonctionnaires — situation aggravée par le gel de l'aide européenne américaine et celle de la Banque mondiale.
Toutefois, la communauté internationale ne saurait aussi s'exonérer de toute responsabilité en raison du manque d'une réelle implication pour mettre fin à l'occupation israélienne et la non-création de l'État palestinien qui apparaît, aujourd'hui, plus utopique que jamais. En effet, cette communauté n'a jamais pris de mesures contraignantes pour appliquer les accords signés et faire respecter les résolutions de l'ONU relatives à ce conflit.
Vers une sortie de crise
Le déblocage de la situation actuelle doit être envisagé pour résoudre non seulement la rivalité inter-palestinienne mais aussi le conflit israélo-arabe dans son ensemble. Il s'agit de trouver une perspective permettant d'appliquer les résolutions de l'ONU sur ce conflit et de réanimer l'espoir des Palestiniens d'établir leur propre État.
Dans les conditions actuelles, le Quartet, même avec la nomination de l'ex-premier ministre britannique, Tony Blair, comme envoyé spécial, ne passe pas pour un acteur crédible et capable de relancer les négociations israélo-palestiniennes sur une base solide.
Du côté palestinien, l'absence d'un accord commun entre Fatah et Hamas ne pourrait qu'aggraver la déchirure dans la société palestinienne. Si ces deux parties n'arrivent pas à surmonter leurs différends afin de créer une seule force de sécurité alternative à toutes les milices à Gaza et en Cisjordanie, sous un seul contrôle national, l'autodissolution de l'Autorité palestinienne — une autonomie qui n'a jamais eu les moyens de s'exercer — demeure le scénario le plus envisageable.
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Brahim Saidy
Chargé de cours et doctorant en science politique à l'UQÀM
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