C'était écrit dans le ciel. Le déluge de violence verbale que déversent quotidiennement les fous furieux de la chaîne de télévision Fox et les commerçants de la haine du Tea Party a convaincu un jeune homme dit troublé de passer à l'acte de sang. Bilan? L'installation du climat de l'élimination.
Après le passage de la réforme de la santé de Barack Obama, les responsables de la sécurité du Capitole à Washington ont calculé que le nombre de menaces à l'endroit des élus démocrates avait été multiplié par trois en moins d'un trimestre. D'autres services de sécurité avaient également observé que les juges fédéraux étaient aussi dans la mire des adeptes fanatiques des thèses développées par Sarah Palin, figure de proue du Tea Party, Glenn Beck et Bill O'Reilly, tous deux salariés grassement payés par Rupert Murdoch, patron de Fox, afin de pourfendre tout ce qui ressemble de près ou de loin au gouvernement central.
Pour bien mesurer combien la véhémence de ces raboteurs de la rationalité est profonde, on retiendra deux phrases formulées par Beck: la Maison-Blanche «est habitée par des vampires». Et d'une. Et de deux: tout cela se terminera «dans une rivière de sang.» On retiendra également une image. Celle que Palin avait glissée sur son site. Mais encore? Des circonscriptions tenues par des démocrates ayant voté pour la réforme d'Obama étaient ornées de lunettes de fusil.
Dans la foulée de cette campagne, la permanence de Gabrielle Giffords, la représentante actuellement dans le coma, avait été saccagée à deux reprises sans compter le flot de messages inquiétants. Quant au juge John Roll, qui a été tué au cours de la fusillade, il a été protégé pendant plus d'un mois par la police après avoir été lui aussi menacé de mort parce qu'il avait conclu que le propriétaire terrien qui avait agressé seize Mexicains devait être traduit devant les tribunaux.
En guise de défense, Palin, les ultras du Parti républicain et consorts avancent tous le même argument: Jared Lee Loughner, l'auteur des meurtres, était troublé. Il tenait des propos étranges. À lire les témoignages le concernant, c'est plus que probable. Sauf que... sauf que selon l'enquête amorcée par le FBI, Loughner avait «planifié méthodiquement» son méfait. Quant au shérif des environs, au lieu de reprendre les arguments de Palin et compagnie, il a cité le «débat politique au vitriol» et «la bigoterie» comme acteurs du drame.
De ce côté-ci de la frontière, on sait peut-être trop peu que le corpus idéologique de Palin, Beck, O'Reilly et de tout un courant du Parti républicain est en fait un emprunt. Leurs discours comme leurs livres, qui soit dit en passant leur rapportent des millions, sont en fait des copies carbone de la furia raciste et anti-gouvernementale que la John Birch Society avait développée dans les années 50 après que son héros, le sinistre sénateur Joseph McCarthy, eut plié, pour ainsi dire, bagage.
À l'instar de ce qu'affirmaient les membres de cette confrérie amante de l'irrationalité et de la mentalité d'assiégé, Beck et les autres martèlent jour après jour que depuis le président Woodrow Wilson (deux mandats entre 1913 et 1921) les États-Unis d'Amérique sont un État socialiste. Que les élites financières se sont alliées aux dirigeants successifs pour maintenir le peuple dans la dépendance envers le gouvernement. Que Dwight Eisenhower était un communiste (sic). Que tout a été fait pour trahir la vision des pères fondateurs. Au fond, ce que souhaite ce commando d'illuminés, c'est un retour à la loi de la jungle.
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