Tucson : l'Amérique, une fois de plus, s'interroge

Tucson - déliquescence démocratique US




Une fois de plus, l'Amérique doit faire face à l'un de ses vieux démons : elle reste une terre de violence politique. La tragédie a frappé l'Arizona, samedi 8 janvier, en l'un des lieux symboles du paysage suburbain d'aujourd'hui : le parking d'un supermarché Safeway, dans l'agglomération de Tucson.
C'est là, au beau milieu d'un rassemblement politique aimable et familial, qu'un homme de 22 ans, Jared Lee Loughner, parfait rejeton d'une famille blanche de la classe moyenne, a ouvert le feu, presque à bout portant, sur une élue démocrate de l'Etat, Gabrielle Giffords.
Grièvement blessée à la tête, elle est aujourd'hui entre la vie et la mort. Mais l'homme a utilisé son arme en mode automatique et la rafale de 31 balles tirée en quelques secondes a fait six morts - dont une petite fille de 9 ans - et beaucoup d'autres blessés.
Assassinats de John et de Robert Kennedy et de Martin Luther King, dans les années 1960, attentat contre Ronald Reagan en 1981, attentat d'Oklahoma City en 1995 : l'Amérique contemporaine est familière de ce type de violence.
Elle est souvent le fait d'illuminés, mais elle peut aussi être rattachée au contexte politique de l'heure. Et c'est ce contexte qu'invoquent nombre d'observateurs - journalistes et dirigeants politiques - au lendemain du drame de Tucson. Ils incriminent le climat créé par la nouvelle droite républicaine, celle qui va peupler les rangs du nouveau Congrès.
Ils pointent du doigt certains commentateurs vedettes de la chaîne Fox News, les théories du complot et la diabolisation du gouvernement fédéral véhiculées par le mouvement Tea Party.
Bref, ils dénoncent la banalisation d'un discours de haine. Une haine qui vise Barack Obama et les démocrates. Ils stigmatisent les appels à "l'insurrection" pour en finir avec la "tyrannie" de Washington et de ses représentants.
Au bout de cette virulence verbale, il y aurait un jeune homme perturbé, nommé Jared Lee Lougher, qui s'en va un matin ensoleillé, pistolet autrichien Glock dans sa sacoche, ouvrir le feu sur la jeune élue démocrate de la circonscription...
Vrai sujet de réflexion : la violence verbale, exutoire ou prélude à la violence physique ? La radicalisation du discours politique dans certaines démocraties débouche-t-elle sur la violence physique ? A tout le moins, en accroît-elle le risque ?
Certes ce débat n'est pas spécifiquement américain, mais il y a tout de même une particularité américaine. Les Etats-Unis restent le seul pays au monde où les armes de poing les plus meurtrières sont en vente libre. Même quand l'acheteur a un passé judiciaire et psychiatrique. Et tel est le cas du jeune Loughner.
Ce qui frappe dans le débat en cours aux Etats-Unis, c'est le peu de place accordé à cette exception américaine qu'est l'accès libre aux armes à feu. Comme si les habitants de Etats-Unis avaient une fois pour toutes décidé d'assumer ce risque : vivre dans une nation où circulent 300 millions d'armes à feu.


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