Les étudiants britanniques étonnent. Plutôt beaucoup que peu, car en plus d'étonner, ils inquiètent. Réputés jusqu'ici pour être plus calmes que leurs camarades du continent, voilà qu'ils ont envahi certaines rues de Londres, de Manchester, de Leeds et d'autres villes où ils ont affronté les forces de l'ordre avec une ardeur jamais vue depuis les manifestations contre la «poll tax» de Margaret Thatcher.
Ils sont outrés. Ils sont très remontés contre un gouvernement qui vient de commander la multiplication par trois des droits de scolarité tout en annonçant une réduction des budgets. Dit autrement, on sale la note d'un côté et on soustrait les services de l'autre.
Ils inquiètent parce qu'ils n'ont pas obéi. Aux avertissements de la police? Non, aux syndicats étudiants qui, comme c'est très souvent le cas au royaume de Sa Majesté, n'avaient pas appelé leurs membres à arpenter les artères londoniennes et d'ailleurs. Ils inquiètent enfin parce que ces manifestations, qui se doublent de l'occupation d'une trentaine d'universités, ont révélé un phénomène sociologique bien en phase avec la mondialisation, la mobilité des personnes: les plus radicaux comme les plus expérimentés en la matière s'avèrent des étudiants... européens non britanniques.
Dans leur combat, ils ont le soutien des classes moyenne et populaire, qui réalisent, non sans effroi d'ailleurs, l'étendue comme la brutalité des coupes décidées par le gouvernement de coalition. Adoptée en plein automne, la cure budgétaire concoctée par le premier ministre Dave Cameron et son ministre des Finances George Osborne a eu des effets immédiats dans tous les coins et recoins de l'État.
Des bibliothèques municipales ont été fermées ou le seront. Idem avec des piscines, des agences gouvernementales, des prisons, l'aide juridique, des centres communautaires, des centres d'orientation professionnelle, des centres d'aide aux jeunes, etc. En clair, Cameron ayant décidé de ne pas faire dans la dentelle, on assiste à un laminage, aussi ample que profond, de l'appareil d'État.
On ferme d'un côté et on coupe le robinet inhérent à la circulation des allocations en espèces. Pour faire bref, on réduit les crédits accordés aux chômeurs comme aux handicapés tout en haussant le prix du train. L'amputation tous azimuts va si loin que l'un des membres de la famille politique de Cameron, le maire conservateur de Londres, est allé jusqu'à craindre «un nettoyage social du type Kosovo.» C'est dire! Pour sa part, Oxfam prédit que des milliers de Britanniques vont basculer dans la pauvreté.
Même l'hebdomadaire The Economist, qu'on n'a jamais soupçonné de dérive gauchiste, a jugé que ce budget est en réalité un «pari à haut risque». Le pari? La croissance économique comblera le tout. C'est à se demander si Cameron n'est pas en train de transformer le 10 Downing Street en désert des Tartares.
Manifestations au Royaume-Uni
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