Le XIIe Sommet de la Francophonie s'est ouvert hier. Le choix de Québec comme ville-hôtesse voulait, en cette année des 400 ans du premier établissement français en Amérique du Nord, illustrer la capacité de résistance des francophones à l'uniformisation culturelle et linguistique. Au-delà de la symbolique du lieu, y aura-t-il à ce sommet l'expression d'une véritable volonté de défendre et de promouvoir activement cette langue et cette culture communes à quelque 150 millions de personnes parlant français à travers le monde?
Cette question ne manque pas de pertinence, car ceux qui ont suivi l'évolution de la Francophonie depuis le premier sommet tenu en 1986 doutent que tous les pays membres aient une telle volonté. L'Organisation internationale de la francophonie est devenue avec les années une petite Onu aux intérêts multiples. Notre collègue Christian Rioux qualifiait hier avec raison la rencontre de Québec de «sommet de l'éparpillement», tant l'ordre du jour est varié.
La Francophonie étant une organisation politique, se retrouvent autour de la table des politiciens qui veulent aborder les sujets dont leur quotidien est fait. C'est le cas par exemple de la crise financière actuelle, dont il est pertinent de discuter à ce sommet dans une perspective Nord-Sud. Les pays du Sud en subiront les contrecoups même s'ils n'ont aucune responsabilité quant à ses causes. Ils auront moins de revenus d'exportations et moins d'investissements. Les programmes d'aide au développement risquent aussi de diminuer.
Les guerres, les famines, le réchauffement atmosphérique font partie des grands débats qui interpellent la planète tout entière, mais la Francophonie ne peut faire plus en ces matières qu'établir des solidarités. Il n'y a qu'un seul sujet où elle puisse par contre agir véritablement, c'est celui de la langue et de la culture. Sa raison d'être, sa mission, est là et il y a urgence qu'elle agisse. Nous le rappelle avec force cette décision prise cette semaine par le Rwanda de ne plus enseigner le français. Car, il faut le dire et le redire, l'avenir du français comme langue internationale se trouve en Afrique. Dans les pays francophones de ce continent, un enfant sur deux n'est pas scolarisé. Si plus d'enfants de cette région allaient à l'école, le français pourrait compter dans 20 ans sur quelques centaines de millions de locuteurs de plus. Les pays francophones du Nord doivent réagir. Ils doivent investir dans l'enseignement du français. Par solidarité, mais aussi par égoïsme. Leur avenir comme pays francophones est en cause.
Ce sommet de Québec se terminera dimanche par une discussion sur l'avenir du français langue internationale. Certains trouvent qu'on y consacre trop peu de temps. On jugera plutôt sur la force des engagements qui seront pris. Là-dessus, le passé a de quoi inquiéter. Les pays membres de la Francophonie ne sont pas tous exemplaires dans leur engagement à résister à la domination de l'anglais comme langue internationale et à promouvoir le pluralisme linguistique.
La France elle-même ne donne pas toujours le meilleur exemple. Le président Nicolas Sarkozy s'en confessait hier, regrettant que certains de ses compatriotes préfèrent l'anglais au français comme langue de travail. Son engagement personnel envers la Francophonie a même été mis en cause à certaines occasions, ce que pouvait confirmer le fait qu'il ne prenne pas la peine d'assister à ce sommet jusqu'à sa conclusion. Devant l'Assemblée nationale du Québec, il a voulu corriger le tir. Parlant tant de la relation privilégiée et fraternelle qui unit la France et le Québec que du rôle de la Francophonie, il a célébré la recherche de la diversité, qui ne peut que reposer sur l'identité des nations. Il a dit tout ce que les militants de la francophonie voulaient entendre sur la communauté de valeurs portée par une langue commune. Il a rassuré. Reste à voir maintenant au-delà des discours quels seront les engagements, les budgets, les politiques que l'on adoptera. C'est sur ça que par le passé la Francophonie a failli.
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