Études sur la langue - Charest nie être intervenu

Dumont veut revoir les seuils d'immigration, mais pas le PQ

La langue - un état des lieux


Québec -- Jean Charest a nié hier toute intervention de sa part, de celle de son entourage ou de sa ministre Christine St-Pierre pour retarder la publication d'une étude du démographe Marc Termote démontrant l'érosion du français à Montréal.

«Il n'est pas question de cacher quoi que ce soit, et ce n'est pas une décision politique, c'est une décision qui est prise par l'Office [québécois] de la langue [française] de rendre publiques des études au moment où il les aura toutes en main», a déclaré le premier ministre à la Presse canadienne, de Davos, en Suisse, où il participe au Forum économique mondial. Afin de justifier qu'on attende jusqu'à la fin de mars pour dévoiler les études, il a soutenu qu'«il faut s'assurer d'avoir l'ensemble du portrait».
C'est le démographe Marc Termote, dans des entrevues mercredi, qui avait soutenu que la ministre St-Pierre, comme ancienne journaliste, aurait préféré divulguer l'étude lors d'une conférence de presse, le 18 janvier, mais que des directives venues de plus haut l'en avaient empêchée. Mme St-Pierre s'est employée hier à réfuter cette version des faits. «Il n'y avait rien à mon agenda vendredi dernier», a-t-elle insisté. «J'ai beaucoup de respect pour lui, c'est un grand chercheur», mais «qu'il s'en tienne à ses recherches», a-t-elle dit à propos de M. Termote. À l'Office québécois de la langue française, on affirme qu'en accordant des entrevues, celui-ci a commis un bris de contrat.
L'étude du démographe, qui n'a pas encore été rendue publique, conclurait que les allophones se sont beaucoup anglicisés au cours de la dernière décennie. Si rien n'est fait, une tendance conduira donc à la minorisation de ceux qui parlent français à la maison vers 2021 sur l'île de Montréal. Déjà, les Montréalais de langue maternelle française sont minoritaires, comme Statistique Canada l'a révélé le mois dernier.
Revoir les seuils
S'exprimant hier après-midi à l'issue d'un caucus de ses députés, Mario Dumont a soutenu que «les libéraux ont négligé l'intégration linguistique, et cette négligence dans l'application des politiques a eu des impacts et a des impacts». Selon lui, le gouvernement Charest doit des explications à la population. Il est «impensable» que le premier ministre Jean Charest «n'ait jamais entendu parler ou vu les conclusions de cette étude-là», sinon cela traduirait chez lui un «manque total et complet d'intérêt pour cette question-là», a-t-il dit. En revanche, s'il «en a entendu parler et en a vu les conclusions, et s'il l'a caché à la population alors que ces sujets-là étaient en débat, c'est un geste extrêmement répréhensible, extrêmement grave».
Au fond, c'est pour faire accepter les nouveaux seuils d'immigration que le gouvernement a «sciemment» caché ces études, a affirmé Mario Dumont. «Si j'arrivais devant vous et que je vous disais que le gouvernement a "accidentellement" caché cette étude ou "inconsciemment caché cette étude", vous allez tous vous rouler à terre de rire.» Par conséquent, M. Dumont souhaite que soit repris le débat sur les seuils d'immigration qui se sont tenus à l'automne. Au terme d'une commission parlementaire, le gouvernement avait décidé de hausser les seuils de manière «quasi historique», les faisant passer de 45 000 à 55 000 immigrants par année.
«Nous avons profondément l'impression que les Québécois se sont fait avoir», a dit le chef de l'opposition. Selon lui, les seuils «ont été adoptés dans un contexte où des faits extrêmement importants et des études qui étaient directement au coeur du sujet ont été cachés, non seulement cachés à la population [mais] cachés aux parlementaires qui faisaient le travail». À ses yeux, l'augmentation «radicale» du nombre d'immigrants «va avoir un impact encore plus grand, encore accéléré, sur la présence de la langue française à Montréal», et c'est pour cette raison qu'on devrait le ramener au moins temporairement au seuil actuel de 45 000.
La ministre de l'Immigration, Yolande James, a refusé de répondre au chef adéquiste hier. Son porte-parole, Bruno-Serge Boucher, a toutefois précisé qu'il n'était aucunement question de reprendre ce débat et que le gouvernement entend «garder le cap»: «90 % des gens qui se sont prononcés sur le sujet en commission nous ont dit qu'il fallait hausser les niveaux», a-t-il répondu, soulignant que ces gens étaient «sur le terrain». «À ma connaissance, ce ne sont pas des menteurs!»
Le PQ dit non à l'ADQ
Le Parti québécois a refusé de suivre l'ADQ et de contester les seuils d'immigration en vigueur, ce que M. Dumont lui a vertement reproché. «Aujourd'hui, ils se rendent compte que Jean Charest leur a caché des études fondamentales, puis ils restent main dans la main avec lui.»
«Nous, ce qui nous préoccupe, c'est la qualité de la francisation plutôt que les niveaux d'immigration», a rétorqué le député péquiste de Mercier, Daniel Turp. Il estime que l'État doit créer «de réelles possibilités de francisation pour les nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas déjà le français». Selon M. Turp, c'est pour cette raison que le PQ a déposé un projet de loi sur l'identité dans lequel il y a des «propositions concrètes» comme la mise en place des «contrats d'intégration» et l'application de la loi 101 aux entreprises de plus de 25 employés. Ces mesures ont été rejetées par Mario Dumont, qui soutient que le «contrat d'intégration» enlève des droits démocratiques à des citoyens, ce qu'aucun groupe organisé n'a réclamé depuis ceux qui s'opposaient à ce que les femmes obtiennent le droit de vote au Québec, il y a 67 ans.
Au reste, M. Turp s'est surpris que la ministre St-Pierre affirme «sans gêne» que l'OQLF est indépendant. Pourtant, la précédente ministre responsable de la Charte, Line Beauchamp, avait affirmé en point de presse le 30 janvier 2007 que c'est «à sa demande» que l'OQLF avait mené une série de visites dans les commerces à l'automne 2006, «tout juste avant la campagne électorale, afin de contrer la perception que l'anglais gagnait du terrain au centre-ville de Montréal».
La ministre St-Pierre a quant à elle promis hier qu'elle annoncera bientôt un bouquet de mesures qui auront deux objectifs: inverser la tendance au déclin du français à Montréal et accroître la qualité du français.
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Avec la Presse canadienne
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