LE DEVOIR | 2022 11 10 | Dave Noël | Un camp de prisonniers canadiens découvert en Pennsylvanie

Ethnonymes et exonymes pour NOUS nommer et pour NOMMER nos aïeux,lles

L'anachronisme canadianisateur débilitant

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Tribune libre


LE DEVOIR | 2022 11 10 | Dave Noël | Un camp de prisonniers canadiens découvert en Pennsylvanie


Dave Noël,


Bonjour,


Permettez-moi de critiquer votre très intéressant article, et ce, quant à votre utilisation approximative, sinon fautive, des ethnonymes nommant nos aïeux de Nouvelle-France et de la Province of Quebec à l'époque de la Révolution états-unienne (1775-1783).


Vous écrivez...



« Le Canadien Michel-Eustache Chartier de Lotbinière a séjourné dans l’un des camps de prisonniers de la Pennsylvanie après sa capture au fort Saint-Jean, sur le Richelieu, en novembre 1775. »



Il est anachronique de parler de prisonniers « canadiens » à l'époque de la Province of Quebec, 1763-1791. Vous écrivez encore...



Des archéologues ont mis au jour, au coeur de la Pennsylvanie, les vestiges de camps de prisonniers de guerre, où des dizaines de Canadiens français se sont retrouvés durant la Révolution américaine (1775-1783) comme détenus, mais aussi comme geôliers.



L'exonyme « Canadien français » est la traduction de « French canadian » dont les premières occurrences remontent à 1839 dans les journaux de Montréal qui commentaient le Rapport Durham publié à Londres le 11 février 1839 – 4 jours avant l'exécution du Chevalier de Lorimier le 15 février de la même année funeste – et dont on parlait dans les journaux de Toronto, en anglais. Lord Durham a forgé cet exonyme pour nous insulter aux yeux des racistes anglos qui se réveillaient la nuit pour détester les Français,es régicides et l'Empire colonial napoléonien qu'ils venaient de renverser à peine ± 20 ans plus tôt en 1815 ( Waterloo ). Ce qui nous a d'ailleurs insulté,es et ce n'est qu'après la pendaison de Louis Riel ( 1885 )  – qu'on disait French canadian – que nous avons endossé cet exonyme insultant ( le pendant de l'exonyme méprisant et raciste esquimau | mangeur de chair crue ), pour en faire paradoxalement notre ethnonyme jusqu'à la fin des années 60, afin d'honorer ce métis qui n'était qu'à moitié French canadian ; soit pas même 85 ans sur près de 500 ans d'histoire dont ± 410 en continu à Québec.


Cet exonyme est anachronique pour parler des nôtres à l'époque de la Révolution états-unienne... il vous faudrait plutôt parler des Québécois puisqu'il,elles vivaient dans la Province of Quebec en 1775. Vous auriez pu aussi bien dire en parlant de Chartier… ce Québécois, puisque né à Québec. Ou encore, ce Québécois de l'époque, puisque c'est notre aïeul, nous qui sommes Québécois,es, de la nation du Québec. Mais en fait, et de manière légale, c'était un « Français de Nouvelle-France » ( ou un Neufrancien ), puisque né en 1748 sous Régime français en Nouvelle-France.


Neufrancien serait plus exact s'il est question de faire la différence entre Français,es né,es en Nouvelle-France et Français,es né,es en France, puisqu'il est né à Québec en Nouvelle-France ; un Québécois donc aussi, puisque né à Québec. Quoi qu'il en soit, du point de vue de la nationalité, il était Français, né en Nouvelle-France et doté de la « citoyenneté » régalienne française. En effet, il pouvait de plein droit, lui et sa descendance, revenir en France en tant que citoyen français, de plein droit, grâce à Richelieu.


J'ai forgé cet ethnonyme Neufrancien pour nommer les Français,es né,es en Nouvelle-France, car à l'époque en Nouvelle-France, nos aïeux,les étaient tout simplement Français,es. Nul besoin d'ethnonyme pour les nommer, même si on les disait aussi Canayens parce que vivant en Canada ( Vallée du St-Laurent ), l'un des 7 « départements » ou territoires ayant appartenu à la Nouvelle-France au cours de son histoire : Labrador, Terre-Neuve, Acadie, Canada ( Vallée du St-Laurent ), Pays d'en haut ( Grand-Lacs jusqu'aux confins du Lac Winnipeg ), Illinois ( Haute Louisiane ) et Louisiane. L'ethnonyme canayen ne pouvait donc pas nommer les Neufrancien,nes d'Acadie avant la partition de la Nouvelle-France en 1713 et avant et après l'occupation d'une partie de l'Acadie neufrancienne par les Britanniques ; ni ne pouvait nommer les Français des Pays d'en haut ou de Louisiane... etc...


Il est anachronique de préfigurer en Nouvelle-France une nationalité neufrancienne propre... J'ai calculé qu'à la Conquête, les ¾ des Français,es de Nouvelle-France avait en 1759 une mère, une grand-mère ou une arrière-grand-mère pour les plus jeunes, FILLE du Roy... née et éduquée en France et sachant parler, chanter, souvent lire et écrire le français parlé à la Cour du Roy de France, contrairement à ce qui se passait dans le Royaume où se parlait quantité de dialectes ou langues autres que le français. Ce qui explique que nous parlions tous et toutes une même langue française qui a cimenté notre identité et nationalité française. Les Anglais ne s'y sont pas trompés et parlaient de French and Indian War...



Quand on sait à quel point les enfants et petits-enfants, voire les arrière-petits-enfants de mère italienne se sentent italien,nes même au Québec après 3 générations, va sans dire que la descendance des Filles du Roy nées en France n'a pas fait autrement que de se sentir parfaitement Française, sauf anachronique projection de notre part et même s'il y avait des heurts entre Français,es né,es en France et Français,es né,es en Nouvelle-France. Comme il y en avait et comme il y en a toujours en France entre Français,es de la métropole et les Alsacien,nes, ou les Marseillais,es.


L'ethnonyme Neufrancien,nes –  si tant est qu'on veuille nommer les Français,es né,es en Nouvelle-France pour les distinguer des Français de l'hexagone ou de ceux,lles des Antilles et des Caraïbes par exemple – est en mesure de nommer toutes et tous les Français,es de Nouvelle-France vivant partout en Nouvelle-France jusqu'à l'abdication de facto puis de jure de Louis XV et qui cède soi-disant la presque totalité de la Nouvelle-France au Roy du Royaume-Uni, ( comme si un peuple pouvait être cédé ). Ce que ne peuvent pas faire les exonymes Canadien et Canadien français.


Wikipédia et la propagande canadianisatrice


Suffit de lire le titre « Canadien français » pour comprendre à quel point la propagande canadianisatrice tient à canadianiser l'identité québécoise en inventant une idendité « canadienne » qui remontrait au début de la présence française en Amérique du nord dès 1534 avec Jacques Cartier. Alors que le toponyme Canada identifiait selon Jacques Cartier les territoires de Premières nations aujourd'hui disparues et que l'exonyme Canadien identifiait les Premières nations vivant sur ce territoire dans une partie de la Vallée du St-Laurent. Or, l'exonyme Canadien français ( qui est la traduction de FRENCH CANADIAN ) n'est d'usage généralisé qu'après la pendaison de Louis Riel en 1885 et n'est utilisé que jusqu'à la fin des années 60. Soit ± 85 ans sur plus de ±500 ans d'histoire...



L'histoire des Canadiens français et du Canada français débute avec les voyages de Jacques Cartier (1534-1542)



Ce n'est pas l'Histoire « des Canadiens français et du Canada français » qui débute avec les voyages de Jacques Cartier, mais bien l'histoire du Québec et l'Histoire des Québécois,es, à commencer par l'Histoire de la Nouvelle-France... et non pas celle du Canada. Le Canada de la Nouvelle-France, ce n'est que la Vallée du St-Laurent alors que la Nouvelle-France s'étend bien au-delà de la simple Vallée du St-Laurent, aussi vaste soit-elle...


C'est aussi l'Histoire de l'Amérique française qui commence par les voyages de Jacques Cartier, celle des États-Unien,nes d'origine neufrancienne.




« Si on dénote dès l'époque du Canada de la Nouvelle-France un caractère singulier qui distingue les Canadiens français des Français métropolitains, cela relève davantage d'un régionalisme. »



Il n'y a pas à l'époque de la Nouvelle-France une telle chose qu'un ethnonyme « Canadiens français » qui aurait nommé les Français,es de Nouvelle-France né,es en Nouvelle-France en Canada, c'est une fabrication canadianisatrice aussi anachronique que fallacieuse. Il n'y a pas davantage en Nouvelle-France une telle chose que les Terre-Neuviens français, que les Labradoriens fançais, que les Acadiens français, que les Illinois français ou que les Louisianais français. Il n'y a que les Français,es de Nouvelle-France né,es dans les différents « département » de Nouvelle-France, non pas seulement en Canada ( l'équivalent d'un département de France et non pas une région comme la Bretane, l'Alsace, ou le midi ) mais aussi en Labrador, Terre-Neuve, Acadie, dans les Pays d'en haut et en haute et basse Louisiane...


Mais effectivement, les différences, différents, tensions et autres caractères distinguant ou opposant les Français,es vivant en Nouvelle-France et né,es en Nouvelle-France aux Français,es né,es en France et de passage en Nouvelle-France, sont similaires aux différences souvent plus grandes entre Français,es de l'île de France et Français,es de Bourgogne ou du midi de la France qui ne parlaient souvent pas à l'époque la même langue française, voire même la même langue tout court...


Forger une identité nationale « canadienne » des Français,es né,es en Nouvelle-France relève de l'anachronisme débilitant ou de la projection anachronique fallacieuse,  quand ce n'est pas de la propagande canadianisatrice qui tient à fabriquer une identité « canadienne » ontologique qui serait consubstantielle de notre existence même, alors qu'il n'en est rien. Nous sommes Québécois,es d'origine neufrancienne et française. On peut se passer du Canada sans problème... mais pas de la Nouvelle-France et de notre Histoire en Amérique du Nord, pas plus que celle héritée de la France qui fait des Gaulois nos ancètres... et ce n'est pas métaphorique... D'autant que cet ethnonyme « canadien » ne peut nommer les Neufrancien,nes d'Acadie, des Pays d'en haut ou d'ailleurs en Nouvelle-France. Il est grand temps de le comprendre.





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