Promis pour 2014 et même pas proche d’être complété, le Dossier clinique informatisé (DCI) est encore dans la tourmente. Le gouvernement Legault se retrouve à favoriser le privé en annulant la décision des libéraux d’opter uniquement pour un logiciel appartenant aux Québécois.
En effet, le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, permettra à TELUS de garder ses généreux contrats à Montréal dans le cadre du DCI, a appris notre Bureau d’enquête.
Ces contrats devaient prendre fin l’an prochain, en raison de la décision du précédent gouvernement d’implanter un logiciel national unique dont Québec détient les droits de propriété intellectuelle.
Un DCI permet de rendre accessibles au personnel soignant, en temps réel, les multiples informations d’un patient, comme ses résultats d’examens et ses médicaments sous ordonnance.
Cet outil devait être implanté dans l’ensemble des établissements de santé publics en 2014. L’objectif a maintenant été repoussé à 2021 et est évalué à 700 M$.
Plusieurs options
Initialement, chaque région pouvait choisir son logiciel. De son côté, le CHU de Québec a choisi une solution «maison» : Cristal-Net, développé en partenariat avec le CHU de Grenoble, en France. Un logiciel dont le développement a coûté 10 M$.
Pendant ce temps, Montréal a opté pour un onéreux projet privé de 132 M$, le logiciel OACIS, développé par TELUS à la suite d’un appel d’offres du CUSM et du CHUM.
Une «clause» spéciale a même permis de l’installer de gré à gré dans tous les établissements de santé de Montréal.
L’ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait cependant annoncé en 2015 que la solution informatique Cristal-Net, propriété de Québec, deviendrait obligatoire.
Il souhaitait qu’un seul logiciel soit déployé dans les 34 établissements du territoire, afin d’«uniformiser les pratiques au sein du réseau» et de rendre les informations compatibles d’un hôpital à l’autre.
La transition, plaidait-il, serait à « coûts nuls », en raison des licences et des mises à jour gratuites.
Il avait toutefois été décidé d’honorer les contrats avec le privé jusqu’en 2020.
Virage à 180 degrés
Or, le nouveau ministre délégué, Lionel Carmant, a rejeté cette solution unique. Son ministère vient de demander un rapport d’évaluation de la solution Cristal-Net.
À l’hôpital Sainte-Justine à Montréal, M. Carmant utilisait le logiciel OACIS de TELUS.
Devenu ministre, il a décidé qu’en plus du Cristal-Net, les autres systèmes informatiques pourront «être utilisés» dans le réseau, selon une note du sous-ministre expédiée aux dirigeants des établissements de santé, dont notre Bureau d’enquête a obtenu copie.
En plus de TELUS, les solutions Quadramed (américain) et Purkinje (montréalais) détiennent également des contrats qui pourront être maintenus.
Déploiement
Pour le moment, les responsables de Cristal-Net n’ont pas eu «d’indication de cesser ce déploiement», a mentionné Geneviève Dupuis, responsable des relations médias du CHU de Québec, qui n’a pas voulu commenter davantage le dossier.
«Nous continuons le déploiement dans plusieurs autres régions, dont Saguenay, Mauricie–Centre-du-Québec, Laurentides-Lanaudière.»
► DCI est un projet lié au Dossier santé Québec (DSQ), un bordel informatique qui aura coûté plus de 1,6 G$, soit près de 1 G$ de plus qu’annoncé.
Avantages et inconvénients
Logiciels privés de TELUS, Purkinje et Quadramed
(En juin, le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a octroyé un contrat de gré à gré de 2,3 M$ à OACIS-TELUS pour du soutien professionnel)
Logiciel étatique Cristal-Net
- N’est pas un logiciel libre, mais un actif du ministère de la Santé
- «Bon pour l’autonomie du secteur public», selon le FACIL, pour l’appropriation collective de l’information libre
- Est un «gratuiciel», car il ne nécessite pas l’achat de licence pour les mises à jour
- Permet au gouvernement de contrôler le coût de l’évolution du système
- Selon le MSSS, il favorise l’uniformisation des pratiques au sein du réseau de la santé, tant sur le plan clinique que sur les plans financiers et administratifs
- Favorise aussi la normalisation des données cliniques, «au bénéfice des intervenants et de l’ensemble des usagers», selon le ministère
- Expertise à l’interne
- Transition nationale bien entamée