À cause de l’érosion de l’axe politique souverainistes/ fédéralistes au Québec, plusieurs non-francophones délaissent le Parti libéral du Québec. À quelques semaines de l’élection, une partie de cet électorat se tourne vers les conservateurs d’Éric Duhaime, constatent des experts.
Le dernier coup de sonde Léger plaçait le Parti conservateur du Québec au deuxième rang chez les non-francophones du Québec, à raison de 22 % des intentions de vote. Un bond gigantesque pour cette formation qui était marginale encore aux élections de 2018.
Les libéraux sont encore loin devant, avec 49 % des intentions chez les non-francophones, mais il s’agit néanmoins d’un creux de vague historique.
«Actuellement, les voyants sont au rouge chez les libéraux», relate le politicologue Philippe Dubois.
Longtemps au Québec, le PLQ récoltait près de 80 % des appuis de la communauté.
«En gros, l’axe souverainisme-fédéralisme n’étant plus le clivage principal qui caractérise la joute politique au Québec, cela permet à d’autres de s’exprimer [comme l’axe] gauche-droite», ajoute Dubois. «Cela explique aussi en partie la chute du Parti Québécois et du Parti libéral au profit des tiers partis comme la Coalition Avenir Québec, Québec solidaire, et désormais le Parti conservateur.»
Les effets de ce réalignement politique ont premièrement fait mal au Parti Québécois, note le chercheur Éric Montigny. «Maintenant, ce que l’on commence à voir ce sont les effets sur le parti libéral, notamment chez les anglophones», dit-il.
Le PLQ se cherche
Bien que la question référendaire «demeure importante pour un nombre important d’électeurs», elle n’est plus une menace qui est à l’ordre du jour, précisent les experts. Ainsi, ceux qui votaient pour le Parti libéral du Québec afin de bloquer l’option souverainiste peuvent maintenant se tourner vers d’autres formations.
Philippe Dubois croit également que «les tergiversations du PLQ» sur certains dossiers, comme celui de la langue, ont sans doute poussé certains allophones et anglophones à aller voir ailleurs. «Bref, ça peut s’expliquer en partie, avec la pandémie, aussi, qui a été la bougie d’allumage du PCQ», soutient-il.
La formation libérale a notamment tenté un virage à gauche qui lui a fait un peu perdre son identité, ajoute Éric Montigny.
Avec Mme Anglade, le PLQ «se cherche» et il a de la difficulté «à trouver ses repères». «Longtemps, la façon de s’exprimer du PLQ était de dire qu’il était contre l’indépendance et qu’il était le parti de l’économie», dit-il. «Là, il n’y a plus l’enjeu de l’indépendance et il n’a plus l’étiquette de l’économie, qui lui a été volée par la CAQ.»
Changer de camp
Ainsi, de fidèles libéraux commencent même à changer de camp publiquement. Le 6 juillet dernier, la membre du conseil d’administration libéral de D’Arcy McGee Bonnie Feigenbaum a écrit pourquoi elle avait choisi de rejoindre la troupe d’Éric Duhaime dans le journal anglophone montréalais The Suburban.
«Les libéraux du Québec ont eu une performance lamentable sur le projet de loi 96», écrit-elle. «J’ai lu avec intérêt la plateforme et les valeurs du Parti conservateur [...] Ce que j’aime le plus, ce sont les votes libres pour les députés [...] J’ai aussi regardé leur position sur le projet de loi 96, ils s’y sont opposés.»
« Je les vois les libéraux qui traversent »
Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, note l’intérêt des non-francophones pour sa formation et il estime que «la dérive» sanitaire a interpellé plusieurs immigrants venus au Québec en quête de libertés individuelles.
Éric Duhaime estime qu’il y a «effectivement un intérêt chez les non-francophones», principalement parce qu’il s’agit d’un électorat qui n’est pas séduit par la souveraineté du Québec.
«Avec le Parti Québécois, Québec solidaire et de plus en plus la CAQ, avec l’arrivée de M. Drainville et Mme Saint-Hilaire, elle devient de moins en moins une option... Il reste le parti conservateur et le parti libéral», affirme le chef conservateur.
Selon lui, les nombreux changements de cap du PLQ dans le dossier de la loi 96 ont laissé plusieurs anglophones «perplexes».
Allophones
Sa formation attire également les allophones, dit-il, les immigrants de première et de deuxième génération.
Il parle de certains de ses candidats à Montréal dont les parents ont tout laissé derrière eux, quittant Cuba ou l’Algérie en quête d’une meilleure vie et de plus de liberté.
«C’est sûr que lorsqu’il arrive une dérive [pandémie] comme celle que nous avons vécue depuis deux ans et demi, ces gens-là sont plus interpellés que nous. Ils chérissent davantage leurs libertés individuelles et la démocratie», a affirmé M. Duhaime. «Ils sont venus ici pour offrir de la liberté à eux-mêmes et leurs enfants.»
Puis, il croit pouvoir profiter du virage à gauche de Mme Anglade.
«Dominique Anglade qui veut faire une espèce de Québec solidaire fédéraliste du Parti libéral. Je les vois les libéraux traverser. Ce sont des gens qui sont plus centre droite», a-t-il signalé.