Suite au sondage de Léger publié hier sur la charte, bien des commentateurs se sont empressés de conclure que le gouvernement avait perdu son pari. Ils prennent leur désir pour la réalité. Ce qui apparaît, c’est que Bernard Drainville est en terrain solide avec son projet de charte des valeurs québécoises.
Nous sommes en première période
C’est que la partie est loin d’être jouée. Nous n’en sommes encore qu’à la première période d’une partie qui en compte trois (Les fuites qui ont précédé le “dévoilement” du projet de charte, c’était l’avant-match).
Nous sommes en ce moment au milieu de la première période, avec une proposition devant nous, qui sert un objectif: faire réagir la population, les adversaires déclarés et les partis d’opposition, tout en campant la position de départ du gouvernement.
Les réactions de certains opposants ont été tellement extrêmes qu’ils se sont disqualifiés du même coup. Ils sont hors jeu. Je pense à Charles Taylor, par exemple. On ne le reverra plus pour le reste du match.
D’autres se sont peinturés dans le coin. Philippe Couillard a tracé une “ligne rouge” avec laquelle il va devoir vivre. Sa position de refuser toute interdiction des signes religieux, même pour les juges, le place dans une position radicale, intenable à terme.
La CAQ s’est également commise, acceptant presque tout le projet du gouvernement à l’avance.
De son côté, Bernard Drainville a gardé toute sa marge de manoeuvre, répétant depuis le début que ce n’était qu’une proposition et qu’il était ouvert aux bonifications, terme vague qui lui permet de garder toutes les portes ouvertes.
Il a fait campagne – avec brio, tous en conviennent – en demandant à la population de lui donner le maximum d’appui pour faire passer son projet.
La campagne médiatique très agressive qui a suivi en opposition au projet, lui permet maintenant de mesurer la résistance de l’opinion.
C’est là que nous en sommes, au milieu de la première période.
Des appuis populaires encore très solides
Revenons au sondage, puisque c’est à partir de celui-ci que nos commentateurs tirent leurs conclusions.
Une première constatation : l’appui au projet de charte a diminué. C’était prévu dès le départ. On en parlait déjà au printemps dernier comme d’un fait inéluctable. Impossible, cependant, de prévoir l’ordre de grandeur de cette érosion de l’appui populaire. Maintenant, c’est beaucoup plus clair.
D’abord, à 72%, l’opposition des anglophones est massive, mais pas monolithique comme dans le cas de la souveraineté. 15 % sont favorables au projet et ce, malgré une campagne unanimement négative dans les médias anglophones.
Les allophones (ce qui ne signifie pas les Québécois originaires de l’immigration, qui sont pour une part francophones, pour une autre anglophones et pour le reste allophones) sont très majoritairement défavorable au projet (à 66%), mais un sur quatre (23%) y est favorable, un niveau relativement important quand on considère les procès de xénophobie qui ont été colportés dans les dernières semaines.
Pour ce qui est des francophones, la majorité a certes fondu, mais elle demeure solide avec 49 % d’opinions favorables, contre 34 % d’opinions défavorables. Cela signifie que seulement un tiers des Québécois francophones est contre le projet de charte et ce, après trois semaines de campagne médiatique très hostile où tous les coups ont été permis.
Si on creuse un peu plus loin, on se rend compte que c’est dans la région de Montréal que l’appui au projet est le plus fort. 55 % des Montréalais francophones appuient la charte contre seulement 34 % qui s’y opposent. Une avance de 21 points de pourcentage, c’est considérable. C’est du solide, très solide.
Ailleurs, le projet a l’appui d’une majorité partout, sauf dans la région de Québec, où on le sait, le sentiment anti-PQ est très fort, alimenté quotidiennement par les radios privées.
Le parti le moins divisé, c’est le Parti Québécois
Finalement, on a beaucoup entendu les commentateurs souligner les divisions au sein du mouvement souverainiste. Mais quand on regarde les chiffres du sondage, on se rend compte que le parti politique le moins divisé sur cette question, c’est le Parti Québécois.
30 % des libéraux sont favorables à la charte ou indécis, ce qui va à l’encontre de la position de Philippe Couillard. Les caquistes sont déchirés, moitié, moitié. Une majorité des électeurs de QS sont soit favorables (34 %) au projet, soit indécis.
Alors que 80 % des électeurs du Parti Québécois sont derrière leur parti, et seulement 10 % sont défavorables. Le parti le moins divisé sur cette question, c’est le Parti Québécois, sans l’ombre d’un doute. Le gouvernement peut donc compter sur une majorité écrasante de péquistes.
Une forte majorité sur la nécessité d’une charte
Creusons encore davantage. Quand on demande aux Québécois si l’adoption d’une charte est nécessaire, le Québec n’est plus divisé. Une bonne majorité (51 % contre 35 %) répond que c’est nécessaire.
Dans l’opinion francophone, on parle d’une majorité écrasante de 58 % contre 27 %. En fait, il y a une majorité qui pense que c’est nécessaire sur l’ensemble du territoire québécois, même dans la rétive région de Québec.
Sur la nécessité d’adopter une charte, Bernard Drainville est en terrain très solide.
Une forte majorité sur les signes religieux
Sur la mesure la plus controversée et la plus décriée par les opposants, celle interdisant le port de signes religieux dans l’ensemble de la fonction publique, le gouvernement obtient l’appui d’une majorité confortable de 51 % contre 42 % (dont 30 % des allophones).
Chez les francophones, la majorité est forte à 58 % contre 35 %. Sur l’Île, là où le projet de charte devait être le moins bien accepté selon les commentateurs, la majorité francophone atteint des sommets à 61 % contre 33 % !
Encore là, le terrain est très solide.
Net avantage Drainville
À ce stade de la partie, rien n’est joué, puisque nous n’en sommes qu’à la première période. Le dépôt du projet de loi lancera la deuxième période. Le vote sur le projet de loi sera la troisième période. Et s’il faut aller en prolongation, ce sera des élections.
Pour l’instant, les adversaires de la charte ont tonné de toutes leurs forces et le résultat, c’est que le projet du gouvernement bénéficie encore d’un solide appui populaire auprès des francophones.
Les partis d’opposition se sont avancés et le Parti libéral s’est placé dans une situation intenable, trop radicale, trop intransigeante, en porte-à-faux avec l’opinion, y compris dans ses propres rangs. Une erreur stratégique majeure de Philippe Couillard.
Le parti le moins divisé, c’est le Parti Québécois.
Bernard Drainville, de son côté, a gardé toutes ses options ouvertes et il demeure le maître du jeu.
Drainville en terrain solide
Une analyse rafraîchissante et encourageante
Stéphane Gobeil31 articles
Stéphane Gobeil was an adviser to Gilles Duceppe, writing speeches and the Bloc Québécois electoral platform. He now runs his own political consulting business.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé