Jean Charest disait avoir les deux mains sur le volant, mais d’autres semblent avoir les leurs sur les coffres publics…
C’est ce que confirme ce rapport «secret» de l’Unité anticollusion du Québec coulé à Radio-Canada et à La Presse. Et heureusement qu’il le fut.
Encore une fois, le journalisme d’enquête informe les citoyens en lieu et place de leur propre gouvernement.
Et voilà que ce rapport vient documenter ce qui empoisonne l’air du temps politique au Québec depuis avril 2009: existence d’un univers clandestin; corruption et collusion dans l’industrie de la construction; domination de cartels; menaces et intimidation d’entrepreneurs honnêtes; infiltration par le crime organisé; firmes de génie-conseil par trop puissantes; stratagèmes concertés résultant en des dépassements de coûts majeurs; détournement de fonds publics dans les coffres de partis politiques (ce qu’on appelle le financement «occulte»); une fonction publique cannibalisée par le secteur privé pour cause de parti-pris idéologique du gouvernement pour ce dernier; trafic d’influence; laxisme au ministère des Transports, et tutti quanti.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2011/09/14/003-unite-anticollusion-rapport.shtml
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/09/15/003-uac-rapport-gouvernement-quebec.shtml
Et comme ce sont des milliards de dollars en fonds publics dont on parle ici en infrastructures de toutes sortes prévues pour les prochaines années, c’est en fait au vol de leurs propres deniers que les Québécois, impuissants, assistent.
En cela, le scandale des commandites fait figure de théâtre amateur…
Des voleurs
Les coffres publics québécois prennent de plus en plus les airs d’une gargantuesque jarre à biscuits pour certains entrepreneurs cupides laissés à eux-mêmes par un gouvernement en apparence complaisant.
Pendant ce temps, les coffres du Parti libéral du Québec ont eux-mêmes doublé de volume depuis sa prise du pouvoir en 2003.
Non, non, non et non à une commission d’enquête publique
Le gouvernement Charest s’entête et s’entêtera encore à ne PAS tenir la commission d’enquête publique réclamée depuis 2009 par les partis d’opposition, les corps de police eux-mêmes, de nombreux groupes et surtout, par la population elle-même.
Et pourtant, lorsque l’ex-ministre libéral Marc Bellemare avait traité Jean Charest de «menteur» et fait état d’un système de copinage installé jusqu’au bureau du premier ministre, M. Charest n’avait pas hésité un instant pour créer, à même les fonds publics, la commission Bastarache.
Comme quoi, laver sa réputation semble l’avoir mobilisé passablement plus que le nid de serpents de la construction et les milliards de dollars qui y sont en jeu.
Voici d’ailleurs en quels termes Me Bellemare a réagit à la nouvelle du contenu de ce rapport «secret»:
«Ça ne me surprend pas ces nouvelles informations. J’ai témoigné devant la Commission Bastarache d’échanges d’argent comptant, dont j’avais été témoin et dont j’avais informé M. Charest. Cet argent-là doit bien venir de quelque part, c’est assez évident que ça vient du milieu de la construction, qu’il y a de l’argent qui circule là et qui va aux partis politiques, au parti libéral », a réagi hier soir l’ex-ministre libéral au dévoilement d’un rapport secret de l’Unité anticollusion faisant état d’un lien direct entre l’industrie des travaux routiers au Québec et le financement occulte des partis politiques.»
Pour Me Bellemare, «le responsable de ce «gâchis inqualifiable» dans le secteur de la construction et du financement électoral, c’est Jean Charest. «C’est lui qui laisse pourrir la situation et qui se moque des Québécois en refusant de déclencher une enquête publique», ajoute l’avocat.» Source: http://www.droit-inc.com/article6272
Et donc, ce rapport de l’Unité anticollusion du Québec a beau exposer un problème devenu systémique, le gouvernement reste sur ses positions.
Quant au tout nouveau ministre des Transports – nommé par une bien drôle de coïncidence alors que le gouvernement aurait déjà eu ce rapport explosif entre les mains -, rejoue sans surprise la cassette du «on a posé plusieurs gestes» et la «police» fera le reste.
De quoi hésiter entre un diagnostic de complicité tacite et celui de l’abdication par le gouvernement de son rôle de gardien du bien public.
Une démocratie québécoise ébranlée
Qu’on ne s’y trompe pas, le portrait est nauséabond au point où c’est la démocratie québécoise elle-même qui est mise en danger.
Joli et fort ironique cadeau que ce rapport en cette journée internationale de la démocratie (1)…
«S’il devait y avoir une intensification du trafic d’influence dans la sphère politique», avertit d’ailleurs ce rapport, «on ne parlerait plus simplement d’activités criminelles marginales, ni même parallèles : on pourrait soupçonner une infiltration voire une prise de contrôle de certaines fonctions de l’État ou des municipalités.»
Dès novembre 2009, voici ce que j’écrivais là-dessus dans ma chronique «La pieuvre» portant sur l’aspect proprement tentaculaire du problème:
«Dans ce monde à l’envers, pendant que Jean Charest s’entête à « prioriser les enquêtes policières », la Fraternité des policiers de Montréal, elle, demande une enquête publique sur l’industrie de la construction! Même le président de l’Association des policiers provinciaux affirme que c’est la seule manière de « vraiment modifier les façons de faire » et de s’assurer que les milliards dépensés en infrastructures « s’en vont dans les bonnes poches ». Une démocratie est gravement dysfonctionnelle lorsque ce sont des policiers, et non le gouvernement, qui se préoccupent de l’intégrité des institutions et de la gestion des fonds publics.»
Face au refus du gouvernement de créer cette commission d’enquête pourtant essentielle pour nettoyer les écuries encrassées de ce «système», c’est peut-être alors d’une élection générale dont les Québécois auraient besoin.
Or, ce pourrissement de l’atmosphère a également un effet délétère sur la participation des citoyens aux élections, sur la confiance envers les élus, de même qu’un impact dévastateur sur l’ensemble de la classe politique.
Ce faisant, c’est non seulement LA politique qui s’en trouve éclaboussée, mais LE politique.
Bref, au-delà du coût qu’en paiera sûrement le PLQ dans les prochains sondages, l’important dans toute cette saga est que c’est l’exercice même de la démocratie, ainsi que ses institutions et ses représentants, qui s’en trouvent ici sérieusement ébranlés.
(1) Merci à l’abonné twitter «MCMCMontreal» pour cette information.
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