Jacques Duchesneau, dans sa sagesse infinie, a confié à Guy-A. Lepage qu’il souhaitait maintenant une commission d’enquête à huis clos pour faire la lumière sur les malversations qui défraient la manchette depuis près de deux ans.
Méfions-nous, car l’expérience récente a amplement démontré que le huis clos ne sert qu’à mettre un couvercle sur un chaudron qui bouille jusqu’à ce que le rond se refroidisse.
Regardons un peu l’expérience de la Commission Grenier chargée de faire la lumière sur les agissements illégaux d’Option Canada durant le référendum de 1995. En fait, de lumière, il n’y a eu point, ni durant, ni après. On peut même affirmer que le Directeur général des élections d’alors, Marcel Blanchet, avait justement comme principal objectif de mettre le couvercle sur une crise de confiance quand il a décrété le huis clos.
L’ex-juge Bernard Grenier l’a bien compris d’ailleurs en ordonnant, à la fin de son rapport, que toute la preuve, tous les témoignages, toutes les transcriptions, toute la correspondance, tous les mémoires, toutes les notes sténographes, et j’en passe, demeurent confidentiels.
Avant la tenue de cette commission, les journalistes avaient la liberté d’enquêter, mais après il est devenu quasi impossible, car les personnes concernées pouvaient invoquer pour toujours l’ordonnance de non-publication du commissaire Grenier.
Nous ne savons pas du tout ce qui s’est passé derrière les portes closes de cette Commission, qui a duré bien plus longtemps que le DGÉ a prévu. Alors qu’elle avait un délai de six mois pour remettre son rapport, ce délai a été prolongé par le DGÉ trois fois, de sorte que, près de 18 mois se sont écoulés avant que la Commission ne le rende public en mai 2007. Ça aurait été bien de savoir pourquoi.
Aussi, le huis clos a fait en sorte que seuls les initiés, en lisant entre les lignes du rapport, pouvaient deviner ce qui a pu se passer. Or, une commission d’enquête, que ce soit sur d’éventuelles malversations pendant le référendum de 1995 ou sur l’industrie de la construction, a pour objet principal d’informer et de rassurer le public sur le fonctionnement même de sa société et de rétablir la confiance. Mais dans le huis clos le public demeure dans le noir pour toujours.
Si les audiences de la Commission Grenier avaient été publiques, toute la population aurait appris beaucoup. On aurait compris, par exemple, que le Gouvernement du Canada et ses agents comme Charles Guité jouissent d’une impunité totale lors d’élections québécoises : il peut dépenser de l’argent sans jamais être inquiété par l’autorité « suprême », le DGÉ du Québec.
On aurait vu « l’avocate représentant la Procureur général du Canada s’opposer aux questions » posées par Me Grenier et ensuite on aurait vu le même Grenier obtempérer à la vraie autorité suprême.
N’est-il pas dans l’intérêt public de le savoir? On aurait vu aussi des avocats grassement payés par les diverses personnes et entreprises, dont BCP, se débattre énergiquement pour ramollir ou éliminer tout blâme ou toute conclusion qui pourrait être le moindrement défavorable à leurs clients.
On aurait assisté au témoignage de l’ex-employée du Service canadien des renseignements sur la sécurité, Lyette Doré, qui signait les chèques du gouvernement canadien envoyés à Option Canada.
On aurait vu les juricomptables, ces soi-disant experts qui ont omis de noter que le Camp du Non a mené toute sa campagne référendaire sans jamais dépenser un sou pour les attaches en plastique (tie-wraps) qui tiennent les pancartes sur les poteaux et balcons à la grandeur du Québec.
Le camp du Non n’en a acheté aucune, car Option Canada les avait payées (près de 100 000$) bien avant le début de la campagne. Contrairement au Me Grenier et aux fameux juricomptables, qui n’ont jamais fait de campagne électorale, le public l’aurait sûrement apprécié, car il sait qu’une campagne référendaire ne se fait pas sans tie-wraps.
Et on aurait vu Me Grenier céder sur toute la ligne, car c’est ce qu’il a fait. Alors qu’il est arrivé quand même à la conclusion qu’Option Canada avait violé la loi référendaire du Québec, l’ex-juge n’a émis que des « conclusions défavorables » à l’égard de quelques acteurs.
En fait pour paraphraser le policier anonyme de la SQ, avec une commission d’enquête à huis clos du genre de la Commission Grenier, personne du gouvernement ni des proches du gouvernement ne sera inquiété, car il n’y a aucune indépendance entre le pouvoir politique et le pouvoir d’une Commission.
De grâce, apprenons de ce passé récent : une commission d’enquête publique et rien d’autre!
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Robin Philpot
Co-auteur avec Normand Lester de Les secrets d’Option Canada (Les Intouchables, 2006)
Une enquête à « huis clos », non merci !
De grâce, apprenons de ce passé récent : une commission d’enquête publique et rien d’autre!
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